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Actualités - OPINION

Le point Impasse à Islamabad Christian MERVILLE

Il faut croire que, décidément, le sabre et la toge sont condamnés à ne jamais faire bon ménage. En choisissant de recourir, en attendant mieux, à la manière forte, en honneur dans l’unité d’élite qu’il commandait avant son 18 brumaire de 1999 contre Nawaz Sharif, le général Pervez Musharraf a engagé le Pakistan sur une voie qui ne saurait déboucher que sur de nouvelles aventures. Entre le 9 mars dernier, date à laquelle il avait pris la brutale décision de renvoyer à ses études le président de la Cour suprême, Iftikhar Mohammad Chaudhry, et le week-end dernier, quand la ville de Karachi avait connu les affrontements les plus violents depuis les années soixante-dix, le chef de l’État a multiplié les faux pas, au point de se retrouver aujourd’hui confronté à un dilemme dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’augure rien de bon. Dès avril 2 006, tout le monde s’accordait à prédire que 2007 serait une année difficile. Tout le monde sauf le principal intéressé qui s’apprêtait à solliciter du collège électoral, d’ici au 16 novembre, un second mandat, alors même que son premier mandat était contesté en raison du cumul des fonctions de commandant en chef de l’armée et de président. Convoqués en cellule de crise à la mi-mars, dix lieutenants-généraux (représentant un total de vingt divisions) apportaient à leur ancien camarade la caution nécessaire à son initiative visant un magistrat dont l’unique tort aura consisté à prendre au sérieux le principe de l’indépendance de la justice. Un avocat, Naeem Bokhari, se chargeait de planter la première banderille en accusant Chaudhry de népotisme. Quelques heures plus tard, des centaines de membres du barreau descendaient dans la rue pour réclamer le départ de Musharraf et vilipender « un régime de balles et de bâtons ». Depuis, les événements se sont enchaînés comme en une absurde et implacable logique, culminant samedi et dimanche derniers en des affrontements à caractère ethnique entre Pachtounes et « mohajirs ». Hier lundi, un greffier général adjoint, syed Hamid Raza, était abattu par balles à son domicile d’Islamabad, tandis que de nouveaux renforts de troupes et de policiers étaient dépêchés dans la mégalopole du Sud, déjà quadrillée par un imposant dispositif d’ordre, et que l’agitation gagnait d’autres centres du pays, notamment Lahore, Multan et Peshawar. Plus grave : à Tank, les soldats tiraient sur une foule qui scandait des slogans islamistes. Dans le même temps, la frontière avec l’Afghanistan connaissait un regain de tension marqué par des duels d’artillerie qui ont fait des victimes dans les deux camps, mais aussi dans les rangs des militaires américains. Pour Kaboul, il ne fait pas de doute qu’en choisissant de déclencher ces incidents, survenant après dix-huit mois d’une dégradation des relations qui est allée crescendo, les Pakistanais cherchent à détourner l’attention de la tension qui ne cesse de monter chez eux. Et surtout à faire oublier la « neutralité bienveillante » dont bénéficient les talibans, une orientation plutôt étonnante de la part d’un régime qui passe pour être entièrement inféodé à l’Amérique, mais qui doit, parallèlement à cette fidélité, ménager les sentiments religieux de sa population. Lâché par le corps judiciaire, jadis l’un de ses plus fidèles alliés, le régime est désormais confronté à une vaste mobilisation comptant non moins de 35 organisations regroupées au sein d’une Alliance pour la restauration de la démocratie dans laquelle on retrouve aussi bien le Parti du peuple de l’incontournable Benazir Bhutto que la Muslim League de… l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif. Tout cela fait beaucoup trop d’ennemis, momentanément unis dans leur haine des militaires, mais qui ne manqueront pas de s’entr’égorger aussitôt qu’ils se retrouveront entre eux. La situation est d’autant plus dangereuse que l’économie est loin de se porter aussi bien que les chiffres officiels tendent à le faire accroire. Certes, on est loin de la récession de 1951, mais la poussée démographique est d’une ampleur telle (la population est estimée à près de 166 millions d’âmes) que le développement s’essouffle à tenter de suivre. Stratfor, une agence de consultants, constate que, confronté à une situation qui ne cesse de se détériorer, le pouvoir devra trancher dans les prochaines heures entre les partisans de la ligne dure et ceux qui prônent l’ouverture sur les formations traditionnelles. Dans le premier cas, jugent les auteurs de cette analyse, Musharraf est condamné à finir comme son lointain prédécesseur Ayub Khan, évincé sous la pression de la rue ; s’il opte pour le pragmatisme, ce qui correspond à son caractère, il n’aura fait que retarder l’échéance fatale. Avec la certitude que sa décision, quelle qu’elle soit, est appelée à faire perdre à l’Amérique un indispensable allié dans la lutte contre le terrorisme.
Il faut croire que, décidément, le sabre et la toge sont condamnés à ne jamais faire bon ménage. En choisissant de recourir, en attendant mieux, à la manière forte, en honneur dans l’unité d’élite qu’il commandait avant son 18 brumaire de 1999 contre Nawaz Sharif, le général Pervez Musharraf a engagé le Pakistan sur une voie qui ne saurait déboucher que sur de nouvelles aventures. Entre le 9 mars dernier, date à laquelle il avait pris la brutale décision de renvoyer à ses études le président de la Cour suprême, Iftikhar Mohammad Chaudhry, et le week-end dernier, quand la ville de Karachi avait connu les affrontements les plus violents depuis les années soixante-dix, le chef de l’État a multiplié les faux pas, au point de se retrouver aujourd’hui confronté à un dilemme dont le moins qu’on puisse dire...