C’est l’histoire de l’hydre de la mythologie grecque, dont l’une des sept têtes, à peine coupée, se hâte de repousser, désespérant tous ceux qui, périodiquement, annoncent la mort imminente du monstre. Au risque de paraître cynique, on ne feindra pas de s’étonner devant la réapparition, au cours des dernières quarante-huit heures, de ces candidats au suicide pressés de comparaître devant le Créateur et en prenant soin d’emmener avec eux des dizaines d’innocentes victimes. S’il faut croire Georg Büchner, « la Révolution, comme Saturne, dévore ses propres enfants ». L’intégrisme, lui, frappe aveuglément, comme le terrorisme, et toujours au nom de grandioses mais combien vagues principes, choisissant des cibles aussi bien particulières qu’officielles. Si la liste des attentats ne commence pas avec...
Actualités - OPINION
LE POINT Mortelle contagion
Par MERVILLE Christian, le 12 avril 2007 à 00h00
C’est l’histoire de l’hydre de la mythologie grecque, dont l’une des sept têtes, à peine coupée, se hâte de repousser, désespérant tous ceux qui, périodiquement, annoncent la mort imminente du monstre. Au risque de paraître cynique, on ne feindra pas de s’étonner devant la réapparition, au cours des dernières quarante-huit heures, de ces candidats au suicide pressés de comparaître devant le Créateur et en prenant soin d’emmener avec eux des dizaines d’innocentes victimes. S’il faut croire Georg Büchner, « la Révolution, comme Saturne, dévore ses propres enfants ». L’intégrisme, lui, frappe aveuglément, comme le terrorisme, et toujours au nom de grandioses mais combien vagues principes, choisissant des cibles aussi bien particulières qu’officielles. Si la liste des attentats ne commence pas avec le 11 septembre 2001, nul, hélas, ne s’aventurera à prédire que le point final y a été mis hier à Casablanca et à Alger.
Dans la grande métropole marocaine, tout comme dans la capitale algérienne, les opérations montées par des kamikazes ne sont pas chose nouvelle. Sans vouloir remonter aux temps noirs des années quatre-vingt-dix, il est utile de rappeler qu’un ressortissant du royaume chérifien, Mounir al-Motassadek, purge aujourd’hui à Hambourg une peine de 15 ans de prison pour complicité dans l’attentat contre les Twin Towers de New York. À la mi-mai de l’année 2003, cinq explosions, à une trentaine de minutes d’intervalle, avaient secoué Casa la Blanche, faisant non moins de 45 victimes devant un centre juif, un restaurant espagnol, un club social, un établissement touristique et le consulat de Belgique. Treize des quatorze bombes humaines avaient été abattues par la police, ce qui avait permis au ministre de l’Intérieur, Moustapha Sahel, de tenir des propos rassurants. Un peu hâtivement. Moins d’un mois plus tard, en effet, un réseau d’une quinzaine de membres était démantelé en France, en rapport direct avec cette affaire. Anodin de prime abord, un autre signe aurait dû en inquiéter plus d’un : fin janvier 2005, des milliers de personnes défilaient dans les rues de Rabat en signe d’appui au journal du Parti justice et développement, lequel avait jugé que le raz de marée qui venait de se produire dans l’océan Indien était « une punition de Dieu » pour le tourisme sexuel pratiqué, selon lui, dans plusieurs pays de la région. En mars dernier enfin, Abdelfettah Raydi se donnait la mort en actionnant la bombe qu’il portait sur lui, tuant en même temps son complice Youssef Khoudri, devant un cybercafé du district de Sidi Moumen. Là encore, des cellules dormantes furent démantelées, dont les membres, dit-on, envisageaient de s’attaquer à des touristes à Agadir, Marrakech et Essaouira. Commentaire, à l’époque, du chef du gouvernement Driss Jettou : « Cette attaque n’affectera pas nos efforts tendant à consolider le progrès démocratique. »
Dans la vie quotidienne des Algériens, la violence n’est jamais restée absente longtemps. Sept violentes déflagrations ont secoué, en février, la capitale et sa banlieue sud de Boumerdès, aussitôt revendiquées par el-Qaëda, qui vient d’opérer sa jonction avec le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) d’Abou Moussaab Abdel Wadoud, dont les tentacules s’étendent jusqu’à la Mauritanie. Imperturbables, les milieux officiels continuent de répéter que l’islamisme militant sera bientôt éradiqué et que tout rentrera dans l’ordre, une affirmation qui laisse sceptique l’homme de la rue. Mercredi, ce sont les bureaux du Premier ministre Abdelaziz Belkhadem ainsi qu’un poste de police à Bab Ezzouar, sur la route de l’aéroport, qui étaient pris pour cibles, deux opérations d’autant plus inquiétantes qu’elles survenaient dans une ville relativement épargnée depuis quelque temps. Mais qui n’en continue pas moins à « exporter » ses guerriers de Dieu dans les pays voisins, au nom d’une tradition dont il conviendrait peut-être de faire remonter les origines à l’époque de la saga héroïque de Abdel Kader.
Réconciliée avec elle-même, la Tunisie a toutefois connu des alertes qui ont eu pour seul effet de permettre au pouvoir de renforcer sa poigne de fer – ce qui explique en partie le calme observé depuis lors. Ainsi, il faut remonter à 2002 pour découvrir qu’un camion bourré d’explosifs avait été lancé contre une synagogue de l’île de Djerba et à un passé plus récent pour trouver trace de clashes entre la police et des éléments armés d’el-Qaëda à Soliman et Hammamm Chott. Plutôt étonnant quand on songe que les divers sites du pays reçoivent annuellement quelque 6 millions de touristes. Ce qui pousse la presse américaine à s’interroger : « Is Tunisia next ? »
Pour peu que la réponse à cette question soit affirmative, il y a tout lieu d’appréhender cette extension à plusieurs contrées d’Afrique du Nord d’un mal que l’Amérique de George W. Bush prétendait hier encore combattre. Avec, à ce jour, le succès qu’on connaît.
Christian MERVILLE
C’est l’histoire de l’hydre de la mythologie grecque, dont l’une des sept têtes, à peine coupée, se hâte de repousser, désespérant tous ceux qui, périodiquement, annoncent la mort imminente du monstre. Au risque de paraître cynique, on ne feindra pas de s’étonner devant la réapparition, au cours des dernières quarante-huit heures, de ces candidats au suicide pressés de comparaître devant le Créateur et en prenant soin d’emmener avec eux des dizaines d’innocentes victimes. S’il faut croire Georg Büchner, « la Révolution, comme Saturne, dévore ses propres enfants ». L’intégrisme, lui, frappe aveuglément, comme le terrorisme, et toujours au nom de grandioses mais combien vagues principes, choisissant des cibles aussi bien particulières qu’officielles. Si la liste des attentats ne commence pas avec...