Actualités - OPINION
LE POINT Rule Britannia… Christian MERVILLE
Par MERVILLE Christian, le 03 avril 2007 à 00h00
La Grande-Bretagne a fini par avouer. Ne pas s’y méprendre : non, le porte-parole officiel de Tony Blair n’a pas reconnu que les 15 marins arrêtés le 23 mars dernier par les Gardiens de la révolution dans le Chatt el-Arab se trouvaient dans les eaux territoriales iraniennes. Simplement, il a déclaré hier : « Téhéran connaît notre position. Nous avons besoin maintenant de connaître la sienne. » C’est là une petite phrase qui en dit long sur l’incertitude qui prévaut depuis dix jours au 10, Downing Strreet où l’on en est à répéter, comme pour se rassurer, qu’il n’est pas question de céder au chantage tout en reconnaissant in petto qu’à moins d’un rebondissement improbable pour l’instant, l’épreuve de force risque de se prolonger quelque temps – le temps que la République iranienne parvienne à ses fins. Encore faudrait-il pouvoir identifier ceux-ci.
À la présente affaire, il existe deux précédents. L’un, « soft », intervenu en juin 2004, quand huit membres de la Royal Navy avaient été détenus pendant trois jours, longuement interrogés et, les yeux bandés, forcés de présenter des excuses avant d’être relâchés. Légère ombre à ce happy end : l’Amirauté attend toujours la restitution d’une partie de l’équipement hautement sophistiqué saisi à l’époque à bord de leur embarcation. Il s’agissait alors d’une des facettes de la sourde lutte d’influence opposant les Gardiens de la révolution au régime du modéré Mohammad Khatami. L’autre incident, autrement plus « hard » et encore présent dans les mémoires, est celui, humiliant pour l’Amérique, des 52 employés de l’ambassade des États-Unis pris en otages durant 444 jours, une affaire qui bouleversa la donne lors de la campagne pour la présidentielle US et favorisa dans une large mesure l’entrée de Ronald Reagan à la Maison-Blanche. L’un des résultats en fut la conclusion entre les deux parties d’un pacte de non-agression, signé à Alger – et d’ailleurs demeuré lettre morte. Bien entendu, il y eut aussi les innombrables enlèvements ayant marqué la guerre au Liban et dont certains au moins devaient aboutir au rétablissement des droits iraniens dans le contrat Eurodif.
À chaque fois, il était beaucoup moins question d’un « incident », provoqué ou non, que des bénéfices à en tirer. Aujourd’hui, de quoi s’agit-il ? D’un double objectif à atteindre, résultat direct des deux événements qui forment la toile de fond de l’affaire. En janvier dernier, l’armée américaine présente en Irak capturait dans la ville d’Irbil cinq Pasdarans travaillant dans un nébuleux bureau de liaison et présentés bien vite comme appartenant à l’unité d’élite des Brigades al-Qods, en contact direct avec les insurgés irakiens. Washington n’a jamais voulu donner suite aux démarches entreprises depuis pour obtenir leur libération. Autre élément dont il importe de tenir compte : la capture des quinze hommes qui a mené à la crise actuelle est intervenue à quelques heures de l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies de nouvelles mesures sanctionnant le régime des mollahs pour sa poursuite d’un programme nucléaire qui inquiète au plus haut point l’Occident.
La situation apparaît d’autant plus complexe qu’un sourd affrontement se déroule depuis quelque temps à Téhéran entre partisans de deux lignes, l’une prêchant une approche réaliste, et donc souple, des problèmes, l’autre prônant la fidélité à la manière de l’imam (Ruhollah Khomeiny), et donc dure. Dans ce duel qui ne veut pas dire son nom, le président Mahmoud Ahmadinejad représente une voix qui n’est pas prépondérante. Ce qui explique son silence aux premiers jours qui ont suivi l’arraisonnement des deux canots transportant les quinze marins ; le premier officiel à en parler fut le secrétaire du Conseil national de sécurité. Quant au ministre des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki, il a choisi d’observer un silence prudent après avoir annoncé – inconsidérément, semble-t-il – le retour dans son foyer de l’unique femme du groupe, Faye Turney. Le guide suprême n’a pas eu besoin de rappeler, à l’un comme à l’autre, que la décision finale lui appartient, en qualité de détenteur de la wilayat el-fakih.
En attendant le dernier épisode de cette affaire, le Trésor iranien continue d’engranger, grâce à la hausse des cours du brut sur le marché mondial, d’importants bénéfices qui lui permettent de compenser, ne fut-ce que provisoirement et partiellement, les pertes subies du fait des sanctions onusiennes. Dans le même temps, on s’achemine vers une solution, diplomatique encore que peu glorieuse pour un Tony Blair déjà affaibli aux derniers mois de son long règne. Tandis que les Irakiens s’activent dans les coulisses pour obtenir le retour dans leurs foyers des cinq Iraniens arrêtés à Erbil. Et qu’à Téhéran, les « khameneistes » pavoisent : la politique du hold-up demeure payante.
La Grande-Bretagne a fini par avouer. Ne pas s’y méprendre : non, le porte-parole officiel de Tony Blair n’a pas reconnu que les 15 marins arrêtés le 23 mars dernier par les Gardiens de la révolution dans le Chatt el-Arab se trouvaient dans les eaux territoriales iraniennes. Simplement, il a déclaré hier : « Téhéran connaît notre position. Nous avons besoin maintenant de connaître la sienne. » C’est là une petite phrase qui en dit long sur l’incertitude qui prévaut depuis dix jours au 10, Downing Strreet où l’on en est à répéter, comme pour se rassurer, qu’il n’est pas question de céder au chantage tout en reconnaissant in petto qu’à moins d’un rebondissement improbable pour l’instant, l’épreuve de force risque de se prolonger quelque temps – le temps que la République iranienne parvienne à...