Actualités - OPINION
LE POINT Le grand écart Christian MERVILLE
Par MERVILLE Christian, le 06 mars 2007 à 00h00
Phase I : « Il n’est pas question d’engager un quelconque dialogue avec l’Iran, pas plus qu’avec la Syrie. » Tenue il y a moins de trois semaines, cette petite phrase est de George W. Bush. Phase II : à l’appel du Premier ministre irakien, une conférence doit se tenir le 10 mars à Bagdad, avec la participation de ces deux fleurons de « l’Axe du mal », en sus des membres permanents du Conseil de sécurité, annonçait-on au milieu de la semaine dernière. Phase III : oui, mais il ne saurait être question de pourparlers bilatéraux, s’empressait-on de préciser dans la capitale fédérale. La phase IV est à venir, probablement dans quelques jours, mais gageons qu’on abordera pour l’occasion et la question du programme nucléaire de Téhéran et celle du rôle syrien en Irak mais aussi au Liban. Comme si la diplomatie américaine était mue par un moteur à quatre temps dont le turbo n’est enclenché que dans l’ultime étape.
Ces grandes assises internationales sur un sujet aussi brûlant, on aurait imaginé qu’elles réunissent plutôt des émissaires de Damas et de Téhéran, embarqués tous deux sur un même radeau mais cherchant chacun à voguer dans une direction différente, opposée même. Sur les bords du Barada, on ne cache pas son soutien aux activistes sunnites qui, dans les trois provinces où la communauté est majoritaire, mènent la vie dure au gouvernement en place et aux troupes de la coalition, alors que dans la crise libanaise, c’est du Hezbollah, c’est du mouvement Amal qu’on se sent le plus proche. À l’évidence, cela ne semble pas déranger outre mesure la République islamique, qui feint de regarder ailleurs pour ne pas avoir à trancher un dilemme aussi cruel pour elle. Et puis, l’amitié qui lie les deux pôles « durs » n’est en rien récente pour peu que l’on se souvienne de l’époque où, lors de la première guerre du Golfe, Hafez el-Assad avait opté pour l’ayatollah Khomeiny, achevant en cela d’enterrer une solidarité arabe devenue factice depuis la disparition de son héraut, Gamal Abdel Nasser, et ignorant superbement le fait qu’il se retrouvait ainsi dans le même camp que les Israéliens, à l’époque grands pourvoyeurs d’armes et de munitions aux Gardiens de la révolution.
On pourrait citer aussi, au nombre des États de la région passés maîtres dans l’art de ménager la chèvre et le chou, un émirat, le Qatar, qui ne fait pas mystère, à l’instar de Bahreïn, de ses accointances avec l’État hébreu tout en affichant un arabisme par ailleurs sans faille. Ou encore la Jordanie, héritière en cela d’une tradition qui puise ses racines aussi loin que les années, quand elle s’appelait encore la Transjordanie. Arrêtons là l’énumération, non sans évoquer auparavant une certaine poignée de main Bachar el-Assad-Moshe Katsav, entrée dans l’histoire, à l’occasion des obsèques du pape Jean-Paul II.
Mais l’équilibriste en chef reste l’Amérique bushienne, qui se bat le dos au mur, face à un Congrès à l’hostilité stérile, contre deux ennemis, l’un chiite et l’autre sunnite, unis dans la même aversion qu’ils lui portent, et qui se retrouvera dans cinq jours autour d’une table réunissant leurs protecteurs attitrés, pour tenter de sauver un gouvernement Maliki qu’elle abhorre. Reconnaissons que, dans le genre salmigondis politique, on ne saurait faire mieux... Condoleezza Rice réussira-t-elle ce quitte ou double dans lequel elle vient d’engager l’Administration républicaine ? À ce jour, la secrétaire d’État est le seul membre du cabinet américain à continuer de jouir d’une insolente popularité : un peu plus de 60 pour cent d’opinions favorables. Sans avoir pour autant – l’exploit n’en est que plus remarquable – enregistré un seul succès notable en matière de politique étrangère. La relative bonne volonté manifestée par la Corée du Nord devra être traduite dans les faits. En entrouvrant la porte à des contacts directs, un jour ou l’autre, avec les deux grands méchants loups de la région, « Condie » a également permis aux vannes de l’ire vice-présidentielle de s’ouvrir, Dick Cheney tardant encore à digérer la mise à l’écart de son meilleur allié au sein de l’équipe en place, l’ancien maître du Pentagone, Donald Rumsfeld. C’est qu’avec ce dernier, sont passés à la trappe Paul Wolfowitz puis John Bolton, pour ne citer que les deux gros poissons de l’océan néoconservateur hostile à l’idée même de pourparlers avec les régimes iranien et syrien et favorable (c’est le moins qu’on puisse dire) au recours à la manière forte pour en finir avec un programme nucléaire qui sonnerait le départ d’une course à l’armement dans tout le Proche-Orient.
Dans leur rapport rendu public en décembre dernier, James Baker et Lee Hamilton notaient qu’aucun des voisins de l’Irak ne souhaitait l’effondrement du pouvoir en équilibre instable depuis 2003. Mais – il est des silences éloquents... – nul à ce jour n’a évoqué le prix à payer pour son maintien en place.
Phase I : « Il n’est pas question d’engager un quelconque dialogue avec l’Iran, pas plus qu’avec la Syrie. » Tenue il y a moins de trois semaines, cette petite phrase est de George W. Bush. Phase II : à l’appel du Premier ministre irakien, une conférence doit se tenir le 10 mars à Bagdad, avec la participation de ces deux fleurons de « l’Axe du mal », en sus des membres permanents du Conseil de sécurité, annonçait-on au milieu de la semaine dernière. Phase III : oui, mais il ne saurait être question de pourparlers bilatéraux, s’empressait-on de préciser dans la capitale fédérale. La phase IV est à venir, probablement dans quelques jours, mais gageons qu’on abordera pour l’occasion et la question du programme nucléaire de Téhéran et celle du rôle syrien en Irak mais aussi au Liban. Comme si la...