Actualités - OPINION
LE POINT Remariage de raison Christian MERVILLE
Par MERVILLE Christian, le 16 janvier 2007 à 00h00
On connaissait les fruits (amers) de l’opération « Shock and Awe ». Dans cette drôle de corbeille, il conviendra désormais de placer aussi la confirmation du rapprochement entre l’Irak et la Syrie à la faveur de la visite, entamée dimanche, de Jalal Talabani accompagné d’une imposante délégation comprenant, outre trois ministres, le conseiller à la Sécurité nationale et une dizaine de députés. Tout ce beau monde est appelé à passer six jours sur les bords du Barada pour parler sécurité, commerce et répartition des richesses pétrolières et hydrauliques. Une semaine ! Les simples retrouvailles entre les frères ennemis tournent à une lune de miel, intervenant – ce n’est pas là l’aspect le moins étrange de ce raccommodage – moins d’une semaine après le tonitruant discours dans lequel George W. Bush rejetait l’une des plus importantes conclusions du rapport Baker-Hamilton ayant trait à l’ouverture d’un dialogue avec Damas et Téhéran. C’est que, comme on a tenu à le souligner dans l’entourage du président irakien, « nos intérêts diffèrent de ceux des États-Unis ». On ne saurait faire mieux dans le maniement de l’« understatement ».
La rupture entre ce qui constituait à l’époque les ailes ennemies du Baas remonte à près d’un quart de siècle quand, au plus fort de la guerre irako-iranienne, Hafez el-Assad avait préféré Khomeiny à Saddam Hussein et accusé celui-ci de lui chercher noise, avec l’aide de la confrérie des Frères musulmans. Et voici qu’en recevant son hôte, dimanche, Bachar el-Assad se déclare prêt à « contribuer à la conciliation et à la stabilité » dans le pays voisin et à soutenir le processus politique en cours. Il lui faudra pour cela exercer un strict contrôle le long de 605 kilomètres d’une frontière dangereusement perméable que franchissent sans encombre armes, munitions, combattants et marchandises, en direction des zones de combat, tandis que par milliers – certains avancent le chiffre de 800 000 personnes –, hommes, femmes, vieillards et enfants, fuyant un volcan en éruption, viennent chercher refuge en Syrie, y créant un potentiel foyer d’instabilité dont le régime se passerait volontiers.
Certes, la Syrie ne figure pas dans cet « axe du mal » tant honni par la Maison-Blanche. Elle n’en est pas moins considérée comme fort proche, au point que tant le président que les principaux membres de son Administration ne manquent pas une occasion d’agiter le bâton dans sa direction sans jamais feindre de lui tendre la moindre carotte. À cet égard, le dialogue engagé dès dimanche est le bienvenu car il permet à la Syrie de sortir de son isolement, de rendre service à son malheureux voisin, enfin d’espérer s’attirer les bonnes grâces de l’Amérique. La stratégie a nécessité un long et patient travail de préparation, sous l’égide de la République islamique où, ces dernières semaines, s’étaient bousculés les émissaires des deux parties. Dans le même temps, le ministre irakien de l’Intérieur Jawad Bolani et le chef du Parlement Mahmoud el-Machhadani se montraient particulièrement actifs en opérant un indispensable travail de déblayage du terrain.
Très vite, le chef de la diplomatie syrienne Walid Moallem avait vu qu’il pouvait jouer gagnant sur les deux tableaux. D’un côté, il était assuré de l’appui du chef de l’État irakien, longtemps réfugié, dans les années soixante-dix, à Damas où il avait conservé de solides amitiés. D’un autre côté, le Premier ministre Nouri el-Maliki, bien qu’opposé à ce qu’il considère comme une immixtion d’un État voisin dans les affaires intérieures de son pays, se trouvait pratiquement paralysé, incapable qu’il est de manifester autrement que par une éventuelle bouderie politique une hostilité trop marquée à une initiative qui avait reçu l’aval de la République islamique. Or, ce n’est un secret pour personne que le principal soutien de son équipe est représenté par Moqtada el-Sadr et son Armée du mehdi, proches des mollahs ; et que l’autre bras armé est constitué par les Brigades el-Badr, jadis formées et entraînées par les Gardiens de la Révolution.
Après le volet sécuritaire du contentieux, les deux parties se proposent d’aborder l’aspect économique de leurs rapports. Il sera question aujourd’hui même de la fourniture par la Syrie de 400 000 tonnes de blé et de la reprise, à plus ou moins brève échéance, du pompage du pétrole à travers l’oléoduc reliant Kirkouk à la raffinerie de Banias, sur la côte méditerranéenne. On le voit, le beurre n’est pas loin, dans le même temps qu’il s’agit de faire taire le canon. L’expérience passée est là pour rappeler qu’au petit jeu du bazarlik, les Syriens ont toujours été imbattables. Enfin, et à de notables exceptions près, presque toujours...
On connaissait les fruits (amers) de l’opération « Shock and Awe ». Dans cette drôle de corbeille, il conviendra désormais de placer aussi la confirmation du rapprochement entre l’Irak et la Syrie à la faveur de la visite, entamée dimanche, de Jalal Talabani accompagné d’une imposante délégation comprenant, outre trois ministres, le conseiller à la Sécurité nationale et une dizaine de députés. Tout ce beau monde est appelé à passer six jours sur les bords du Barada pour parler sécurité, commerce et répartition des richesses pétrolières et hydrauliques. Une semaine ! Les simples retrouvailles entre les frères ennemis tournent à une lune de miel, intervenant – ce n’est pas là l’aspect le moins étrange de ce raccommodage – moins d’une semaine après le tonitruant discours dans lequel George W. Bush...