Actualités - OPINION
LE POINT Pertes sans profits
Par MERVILLE Christian, le 31 octobre 2006 à 00h00
Histoire de guerre : on cherchera en vain trace de la comptabilité de l’armement destiné aux forces de sécurité irakiennes. Les responsables du département de la Défense avaient jugé la précaution inutile, tout comme ils avaient omis en son temps de livrer les indispensables pièces de rechange, stocks de munitions et même manuels d’utilisation. Histoire de guerre encore : le GI porté disparu la semaine dernière avait été enlevé par des inconnus lors d’une visite nocturne à la jeune beauté locale qu’il avait épousée secrètement, viennent de révéler les parents de celle-ci. À une semaine de Midterm Elections appelées probablement à changer la face de l’Amérique et donc du monde, les colonnes des journaux yankees regorgent d’informations et de récits tout aussi ahurissants. Et puis, il y a l’autre face de cette expédition, encore une, qui a bien mal tourné, avec son cortège de chiffres et de prévisions d’un avenir, proche ou lointain, qui s’annonce sous les plus sombres des auspices.
Des preuves ? Le bilan des pertes américaines pour ce seul mois d’octobre a dépassé hier la barre fatidique des cent tués. Quant aux morts irakiens, ils se comptent par centaines de milliers – plus de 600 000, selon un décompte non officiel. Quand on pense que Washington accusait Saddam Hussein d’avoir trucidé 300 000 de ses compatriotes en l’espace de vingt-quatre ans... À ce terrible bilan, il conviendrait d’ajouter 1,3 million de personnes déplacées, ainsi que des dizaines de milliers de blessés et de civils handicapés. Côté finances publiques, le coût de l’invasion décidée il y a trois ans et demi par les apprentis sorciers de Washington a franchi le total vertigineux de 300 milliards de dollars.
Tout aussi grave, il y a le fait que les contingents américain et britannique se retrouvent exagérément étirés, au point que leur approvisionnement est devenu des plus aléatoires, une situation qui les expose à des dangers dont le commandement se serait volontiers passé. Le résultat est désastreux pour les travaillistes de Tony Blair, mais surtout pour George W. Bush et les siens. Les derniers sondages le prouvent, et de cruelle manière. Seulement un Américain sur cinq (moitié moins qu’en décembre dernier) demeure convaincu que son pays est en train de gagner son hasardeux pari; en outre, les deux tiers de la population sont opposés à cette expédition et n’obtiennent pas de réponse à une question pourtant toute simple : pourquoi 20 000 soldats supplémentaires ont-ils été envoyés récemment sur place, avec les résultats que l’on peut constater. Sur les bords de la Tamise, la déception est plus grande encore, à l’heure où s’allonge la liste des victimes britanniques et où le Premier ministre se prépare à affronter une véritable rébellion au sein de son parti.
Dans les deux principales capitales concernées, le ton des médias est d’une sévérité inégalée à ce jour. The Independent : « Jamais dans l’ère contemporaine la solution d’un problème n’aura suscité l’émergence d’autant de problèmes. » Le quotidien danois Politiken cite, à l’appui de son jugement, les propos de Hans Blix, le chef des inspecteurs chargés de trouver trace des fameuses armes de destruction massive : « Si les États-Unis se retirent, il y a un risque qu’ils laissent derrière eux une contrée en proie à la guerre civile. Si, par contre, ils choisissent de rester, ils ne semblent pas être en mesure d’aider à stabiliser la situation. » Difficile donc d’expliquer l’insistance mise par Bagdad à réclamer, même à mots couverts, le maintien de cette présence militaire. Barham Saleh, vice-Premier ministre : « Pour quelque temps encore, nous allons avoir besoin de l’appui de la communauté internationale. » Autant de délicats euphémismes qui ont dû faire grincer pas mal de dents dans les capitales concernées.
Dans la pratique, les contacts ont pris une allure accélérée, et même si l’on continue de préférer les entourer d’un halo de mystère, leur existence relève désormais du secret de Polichinelle. Ainsi, on sait que des entretiens se déroulent à Amman entre officiels US d’un côté, leaders de l’insurrection de l’autre, et même avec des représentants du parti Baas. En outre, tant le département d’État que le Foreign Office seraient partisans de prendre langue avec deux membres de « l’axe du mal », l’Iran et la Syrie, un projet condamné d’une même voix par le président, Dick Cheney et Donald Rumsfeld, mais fermement soutenu par, notamment, l’ancien secrétaire d’État de Bush père, James Baker. Ce dernier copréside un organisme mis sur pied le mois dernier dont la mission consiste à élaborer un plan de désengagement, appelé à être rendu public après le 7 novembre, permettant à l’Administration républicaine de sauver la face et le maximum de meubles.
On comprendra dès lors que l’instauration d’un régime démocratique en Irak devra attendre quelque peu. Et que le syndrome vietnamien, lui, commence à poindre du nez.
Christian MERVILLE
Histoire de guerre : on cherchera en vain trace de la comptabilité de l’armement destiné aux forces de sécurité irakiennes. Les responsables du département de la Défense avaient jugé la précaution inutile, tout comme ils avaient omis en son temps de livrer les indispensables pièces de rechange, stocks de munitions et même manuels d’utilisation. Histoire de guerre encore : le GI porté disparu la semaine dernière avait été enlevé par des inconnus lors d’une visite nocturne à la jeune beauté locale qu’il avait épousée secrètement, viennent de révéler les parents de celle-ci. À une semaine de Midterm Elections appelées probablement à changer la face de l’Amérique et donc du monde, les colonnes des journaux yankees regorgent d’informations et de récits tout aussi ahurissants. Et puis, il y a l’autre...