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Actualités - OPINION

Les dérives de la raison

Le séisme du 11 septembre 2001 a fait exploser les relations de l’Occident avec l’islam. La vision de Samuel Huntington prédisant un « choc des civilisations » hante, depuis, les esprits, faisant de l’intégrisme et du terrorisme le plus grave problème auquel le monde est aujourd’hui confronté. Le pape Benoît XVI, chef de l’État du Vatican et de la chrétienté, a donc décidé d’entrer dans le vif du sujet en posant la question du rapport de l’islam à la violence et à la raison. Le discours qu’il a prononcé le 12 septembre dernier à l’Université de Ratisbonne est d’une haute tenue intellectuelle, très loin des prétendus anathèmes. C’est une synthèse sur les rapports entre foi et raison. En affirmant que la foi ne doit pas s’imposer par la force, le pape a formulé une évidence. Une polémique byzantine de 1391 entre l’empereur Manuel II Paléologue et un érudit persan sur le christianisme et l’islam a servi de tremplin à Benoît XVI pour compléter dans la modernité la thèse de Jean-Paul II selon laquelle la raison des Lumières sans la foi conduit au nihilisme et est, par nature, totalitaire. Le pape s’est efforcé de montrer que, réciproquement, la foi sans la raison conduit à la violence. Je rejette l’instrumentalisation de Dieu dans le recours à la contrainte. L’immense philosophe et théologien est tout à fait autorisé à s’inquiéter du regrettable dévoiement de l’islam au profit de ceux qui fabriquent n’importe quel prétexte pour manipuler leurs masses et entretenir leur ignorance pour conforter leur pouvoir. Alors que le Prophète de l’islam martelait qu’« il n’y a pas de contrainte en religion », les islamistes fondamentalistes se sont appropriés Dieu et le droit d’interpréter le Coran à leur convenance, donnant de l’islam une image déformée et indigne. Cela est d’autant plus regrettable que le parcours de l’islam est admirable : la philosophie grecque a en partie été transmise aux chrétiens par les penseurs musulmans de l’Andalousie (ibn Bâjja, ibn Tufayl, ibn Rushd), lesquels ont connu un âge d’or prémoderne et jeté les fondements d’un islam tolérant. Le débat intellectuel et théologique devait donc être relancé pour faire entendre la voix de la raison. Le souverain pontife posait le problème sans prendre parti, appelant à la sagesse et ouvrant la voie au dialogue constructif. Les réactions des extrémistes à l’appel du pape relèvent de l’hypocrisie, à l’antipode de la raison, et ce serait une inadmissible lâcheté que d’observer un silence ambigu et gêné en nous faisant les complices de manipulations qui menacent nos valeurs. Benoît XVI, immense figure de la tolérance et du dialogue des cultures, écrit en une phrase lapidaire qu’« une raison qui est sourde face au divin et repousse la religion au niveau des sous-cultures serait incapable de s’insérer dans le dialogue des cultures. » On ne peut donc qu’être inquiets qu’en ce Liban qui se veut convivial et creuset de pensée, de liberté et de tolérance, on se laisse aller aux réactions totalitaires et destructrices en continuant à occulter la barbarie du terrorisme et la maladie de l’intégrisme. Puisque la religion occupe précisément une place prioritaire dans notre système actuel, il est impératif d’opposer une fin de non-recevoir à l’islamisme des esprits, de lutter contre la force des préjugés et les manipulations idéologiques, et de défendre sans faillir notre liberté de penser, de croire et de s’exprimer. Paul Philippe EDDÉ
Le séisme du 11 septembre 2001 a fait exploser les relations de l’Occident avec l’islam. La vision de Samuel Huntington prédisant un « choc des civilisations » hante, depuis, les esprits, faisant de l’intégrisme et du terrorisme le plus grave problème auquel le monde est aujourd’hui confronté.
Le pape Benoît XVI, chef de l’État du Vatican et de la chrétienté, a donc décidé d’entrer dans le vif du sujet en posant la question du rapport de l’islam à la violence et à la raison. Le discours qu’il a prononcé le 12 septembre dernier à l’Université de Ratisbonne est d’une haute tenue intellectuelle, très loin des prétendus anathèmes. C’est une synthèse sur les rapports entre foi et raison. En affirmant que la foi ne doit pas s’imposer par la force, le pape a formulé une évidence.
Une polémique...