Par Charbel Cordahi *
De récentes études effectuées au plan international par le National Bureau of Economic Research – l’équivalent américain du CNRS – principalement sur les États-Unis, l’Europe et le Japon montrent que la fréquence de longues heures passées au bureau (plus de 50 heures par semaine) chez les salariés (cadres, employés, ouvriers, etc.) les mieux rémunérés a augmenté de plus de 15 % durant les 20 dernières années, alors que cette fréquence chez les moins rémunérés a baissé de 6 %. Comment expliquer ce phénomène ?
Le nombre d’heures travaillées a mondialement baissé au cours du XXe siècle. Cependant, la relation entre la rémunération et le nombre d’heures travaillées a été inversée. Alors qu’en 1983 ceux qui gagnaient le moins travaillaient le plus (afin de hausser leur revenu par le biais d’heures supplémentaires, bonus, etc.), ce sont actuellement ceux qui gagnent le plus qui travaillent, et de loin, encore plus. Les explications de ce dernier phénomène sont multiples. Certains des mieux rémunérés travaillent beaucoup pour accroître leur incitation marginale ; bien qu’ils ne soient pas rémunérés en heures supplémentaires, ces salariés visent sur une longue période une promotion ou envoient tout simplement un signal en direction des autres entreprises, comme quoi ils sont productifs et efficaces dans leur travail (afin d’être éventuellement débauchés par un concurrent). D’autres cherchent à développer leurs compétences et à augmenter leurs contacts avec d’autres managers et collègues, ce qui leur permet plus tard d’accéder à un statut meilleur au sein de leur entreprise, sans nécessairement rechercher une augmentation de salaire. Les études montrent également que certains, craignant d’être licenciés en cas de mauvaise conjoncture, visent à démontrer ainsi leur efficacité et se présenter comme indispensables dans leur entreprise. La recherche d’un revenu supplémentaire est, bien sûr, une autre explication de l’appétit pour le travail ; alors qu’en 1985 ceux qui travaillaient 55 heures par semaine gagnaient (à compétences égales) 10,5 % de plus, cette proportion a augmenté jusqu’à 24,5 % actuellement. Il y a aussi d’autres explications. Les études empiriques montrent clairement que la relation « longues heures travaillées-revenu » ne dépend pas du niveau d’éducation, ni du vieillissement démographique, ni du recul du rôle des syndicats. Elle ne dépend pas non plus de l’expansion du travail à domicile ou de la détention de plusieurs emplois à la fois, ou même de la diffusion d’Internet à grande échelle, ce qui favorise le développement du travail à domicile. Une étude récente aux États-Unis montre que le phénomène social en question dépend, en plus des explications antérieures, des méthodes d’indemnisation des entreprises. Il apparaît que dans les entreprises où les gens travaillent plus, le rendement financier est plus élevé. Par conséquent, les salariés sont tout simplement récompensés plus généreusement qu’ailleurs.
* Docteur en économie – Centre de recherches et d’études doctorales de l’ESA (CRED).
En coopération avec l’ESA
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