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Actualités - OPINION

Le droit aux étoiles

La démocratie serait-elle chose trop sérieuse pour être promise à tout le monde ? Le nombre des démocraties électorales est passé de 119 à 122, se félicite Freedom House : constat d’autant plus encourageant, souligne dans son rapport annuel la célèbre organisation américaine des droits de l’homme, que l’année 2005 a été particulièrement fertile en violences terroristes, en conflits armés et en catastrophes naturelles. Les nouveaux venus au sein du club démocratique sont, tous les trois, des pays africains. Et pourtant, c’est surtout sur les progrès réalisés au Moyen-Orient qu’insiste Freedom House : un Liban qui malgré les assassinats politiques passe de la catégorie pas libre à celle de partiellement libre, tenue d’élections en Irak et en Égypte, prochain scrutin en Palestine, institution du droit de vote des femmes au Koweït, etc. L’organisation en conclut que les hommes et les femmes de cette région partagent le désir universel de vivre dans des sociétés libres. Ce jugement optimiste ne manque pas cependant de candeur. Car le choc des ambitions planétaires américaines et des fanatismes qu’elles suscitent inévitablement, c’est aussi celui de deux idées bien différentes de ce qu’est une société libre : prise au pied de la lettre, la liberté ne commence-t-elle pas en effet par le droit de choisir… sa propre forme de liberté ? C’est bien là que tout se gâte. On l’avait déjà vu lors des législatives algériennes de 1991, avec la victoire fracassante des intégristes du FIS et l’annulation du scrutin par les militaires. En Égypte, où le président Hosni Moubarak, bon ami de Washington, entame le plus antidémocratiquement du monde un cinquième mandat, c’est un succès non moins significatif que viennent de remporter, malgré la limitation des candidatures qui leur a été imposée, les Frères musulmans, dont le projet d’État théocratique n’est pas précisément un modèle de société libre. Et à quelques semaines des élections en Palestine, c’est le Hamas qui a le vent en poupe, au grand émoi de l’autorité locale. À l’affolement, aussi, de l’UE, premier pourvoyeur de fonds des territoires autonomes, qui menace déjà de fermer le robinet à euros. Tiens tiens, et la liberté au fait ? C’est dire les appréhensions des puissances, mais aussi leur comportement des plus erratiques en matière de propagation des principes démocratiques. On abat souverainement des dictatures, dès lors qu’elles sont tenues pour inutiles ou, pire, dangereuses. Et on ménage d’autres dictatures, on leur octroie même à l’occasion des bons points, quand ces puissances y trouvent leur compte. C’est de cette mansuétude qu’a longtemps bénéficié le régime syrien lequel, tout au long de l’année finissante, n’a cessé de frôler l’autre extrême. Frôler seulement, toutefois : autant que la perspective d’une irakisation de la Syrie, les expériences électorales tentées çà et là n’incitent guère en effet les apprentis-sorciers à tenter un nouveau coup de dés. Dans l’échelle internationale des calamités, c’est encore le spectre intégriste qui tient la vedette. C’est un autre genre de calamité, douloureusement réelle et non plus potentielle, qu’endure quant à lui notre pays, avec cette série de liquidations barbares dont la dernière en date fut l’assassinat de Gebran Tuéni. Il y a plus important que le tracé des frontières et c’est l’assainissement des relations bilatérales, soutenait hier Farouk el-Chareh, qui accompagnait le président Assad dans une de ces visites, devenues routinières, qu’il effectuait au Caire. Il n’est pas venu à l’idée du ministre qu’il y a plus important encore pour les Libanais, et c’est l’arrêt de ces exécutions dont Damas se défend, c’est vrai, mais qui paraissent signées, tant elles ont été presque toujours précédées d’attaques et de menaces à peine voilées : lesquelles équivalaient, pour le moins, à autant d’incitations au meurtre. Pour les Libanais, tous les Libanais, c’est à cette mortelle série que doit aller l’absolue priorité. Fallait-il vraiment un martyr de plus pour que soit formellement reconstitué le rassemblement libérateur du 14 mars après la débandade, le chacun-pour-soi et les alliances contre nature des législatives de mai ? Face à l’œuvre systématique de mort, est-il donc devenu si difficile pour les parties libanaises d’engager un dialogue (même entre parties se situant objectivement dans le même camp) pour que des semaines entières soient perdues en médiations ? Et comment une de ces parties, le Hezbollah, peut-elle se réserver en exclusivité le droit de guerre ou de calme à la frontière avec Israël tout en brandissant la clause d’unanimité face à la majorité parlementaire et gouvernementale, ce qui revient à réécrire unilatéralement la Constitution ? C’est sur le terme même de consensus, clé de voûte de la coexistence libanaise, qu’il faut, paradoxalement… un consensus. À défaut, ce sont des étoiles de pacotille que nous aurons remportées dans les michelins de la démocratie. Issa GORAIEB

La démocratie serait-elle chose trop sérieuse pour être promise à tout le monde ? Le nombre des démocraties électorales est passé de 119 à 122, se félicite Freedom House : constat d’autant plus encourageant, souligne dans son rapport annuel la célèbre organisation américaine des droits de l’homme, que l’année 2005 a été particulièrement fertile en violences terroristes, en...