Quarante-huitième semaine de 2005.
Walid Joumblatt : « Je ne pense pas que la Syrie serait envahie de fondamentalistes et de salafistes au cas où le régime (Assad) serait affaibli ou en danger. Je crois qu’il existe des partis et des hommes en Syrie capables d’offrir à ce pays un nouvel horizon. »
Indépendamment de ce côté bombe nucléaire politique qu’il a gentiment fait exploser hier, indépendamment du bon sens et de la bonne santé du constat, c’est sur une urgence, sur une plaie purulente que le chef du PSP a mis le doigt, la main : l’irremplaçabilité du Baas syrien en tant que rempart exclusif et presque ultime contre l’intégrisme sunnite. En d’autres termes, sciemment ou pas, volontairement ou pas, Walid Joumblatt a eu le bon goût, son appartenance communautaire aidant, de poser très haut une question que tout le monde répète (de moins en moins) bas : jusqu’à quand ce sinistre chantage ? Jusqu’à quand continuer à faire croire qu’entre deux maux, le fondamentalisme et l’obscurantisme, qu’entre deux dérives, les Frères musulmans, les salafistes et consorts, et le Baas de la famille régnante, il y en a une moins grave, moins dangereuse que l’autre ? Jusqu’à quand, 35 ans presque jour pour jour après l’intronisation d’Assad Ier, continuer à occulter la troisième voie, faire comme si elle n’existait pas ? Jusqu’à quand faire primer cette logique totalement obsolète désormais, cette folie douce, celle d’un certain Henry Kissinger, qui livrait le plus généreusement du monde, à la planète entière, les fragments de son discours amoureux à l’adresse de son ami Hafez ?
Première réponse, la plus évidente – et toutes proportions gardées, naturellement : chercher, savoir si les États-Unis ont tiré la leçon de leur insensé laboratoire taliban en Afghanistan, uniquement destiné à l’époque à endiguer le grand Satan bolchevique. Ce que femme veut, Dieu veut : Condoleezza Rice serait-elle la Kissinger en bas résille du troisième millénaire ? Il semble bien que non. Est-ce que Condoleezza Rice préfère un régime affaibli à un nouveau régime, ou vice versa ? Cela dépendrait des jours. Et ces jours-ci, il paraît que cet aspect des choses ne figure pas nécessairement en tête des préoccupations américaines. Il n’empêche : avant que de faire la lumière sur les intentions un tantinet cyclothymiques de Washington, il serait sans doute bon de se demander si, pour faire entrer la Syrie dans le IIIe millénaire, dans la démocratie et le pluralisme, un changement de régime est la seule solution.
En d’autres termes, cela revient à savoir si le mal qui mine le régime syrien est curable ou pas ; si, avant toute chose, il y a volonté de guérir ou pas, d’en finir avec le système, totalement séropositif, du tout sécuritaire, du tout policier, du tout moukhabarate. Si Bachar el-Assad est prêt à amputer pour éviter une infinie gangrène. Et si oui, comment ? Généralement, la vérité que l’on croit profondément enfouie, cachée au tréfonds d’un puits introuvable, s’avère finalement être en train de se reposer et d’attendre (qu’on la déniche) en pleine lumière : c’est du Liban, notamment après le 11/9, et du seul Liban ; de cette ex-vache à lait totalement pervertie par les bons soins de ses SR que la solution peut venir, que l’exemple démocratique peut être suivi.
Utopique ? Sans doute. Alors qu’en est-il de ces partis, de ces hommes évoqués par le très cultivé (et généralement toujours très informé) Walid Joumblatt ? Qu’en est-il de cette opposition syrienne que l’on dit à la fois animée par de bonnes âmes, mais encore très timide, embryonnaire, faiblarde et pas très cohérente ? Que vaut-elle, que peut-elle ?
Corollaire incontournable : doit-elle y aller ? Doit-elle être soutenue, appuyée, boostée ? Parce qu’il reste naturellement un dernier paramètre, de loin le plus compliqué : les répercussions d’une telle installation sur le Liban. Qui ne seront, en aucun cas, tièdes : soit elles mettraient un terme radical à cette espèce de redevabilité/gratitude que le Hezbollah (et, accessoirement, Amal) se croit obligé de cultiver, mais qui ne fait, en réalité, que le marginaliser, le paralyser et l’accuser un peu plus chaque jour ; soit elles centupleraient la crise.
Il n’en reste pas moins qu’il ne servirait à rien de mettre la charrue avant les bœufs, de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir au moins envoyé hiberner, ou de rêver à une troisième voix avant que de lui paver la voie. Surtout qu’en attendant, il y a plus important, c’est-à-dire l’avortement politique d’une autre troisième voie, libanaise chiite celle-ci. Mais ce n’est pas bien grave : les Saoud el-Mawla, les Ziad Majed, les Mohammed Hussein Chamseddine, les Riad et autres Ahmed el-Assaad savent bien qu’un jour, pas si loin que cela, ils auront à prouver qu’ils sont tout aussi bons et nécessaires pour le Liban au Parlement que dans les salles d’attentes de la politique sous les sunlights. Ces hommes-là, d’ailleurs, doivent certainement avoir des frères d’idées un peu partout dans le monde. En Syrie, notamment.
Ziyad MAKHOUL
Quarante-huitième semaine de 2005.
Walid Joumblatt : « Je ne pense pas que la Syrie serait envahie de fondamentalistes et de salafistes au cas où le régime (Assad) serait affaibli ou en danger. Je crois qu’il existe des partis et des hommes en Syrie capables d’offrir à ce pays un nouvel horizon. »
Indépendamment de ce côté bombe nucléaire politique qu’il a gentiment fait...
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