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Actualités - OPINION

Dernier quart d’heure

Quelques jours encore et l’abcès sera crevé. D’abord le rapport de Terjé Roed-Larsen, ensuite celui de Detlev Mehlis. Des constats seront faits, des vérités seront dites. Qu’il s’agisse du retrait syrien et du désarmement des milices (résolution 1559) ou de l’assassinat de Rafic Hariri (résolution 1595), les zones d’ombre seront éclaircies, les doutes dissipés. Qu’on ne se méprenne surtout pas : les missions d’enquête, d’investigation, de recherche de la vérité propulsées par les Nations unies ne se sont nullement prêtées au jeu des sollicitations et manœuvres politiques ou politiciennes. « Une exploitation à ce niveau ne sera pas tolérée », ont d’ailleurs averti, pas plus tard que vendredi dernier, Jacques Chirac et Condoleezza Rice. Dans un cas comme dans l’autre, le travail était professionnel, les attendus des « jugements » le seront tout autant. La remise à Kofi Annan des deux rapports à quelque 48 heures d’intervalle n’est pas fortuite. Les deux affaires sont, en effet, imbriquées, entremêlées, et dans le premier cas comme dans le second, la Syrie en est, si l’on peut dire, la « vedette ». Une « star » éclaboussée par les scandales, accusée des pires turpitudes. Directement concernée par la mission dévolue à Roed-Larsen, la Syrie était en quelque sorte le chaînon manquant dans l’enquête menée par Mehlis. La moisson qu’a récoltée le magistrat allemand de sa brève visite à Damas, des interrogatoires qu’il y a menés et des témoignages de transfuges syriens ou de « complices » libanais, le rapport en dressera probablement un bilan complet, un inventaire précis. Mais d’ores et déjà, le « suicide » de Ghazi Kanaan, dans le contexte présent, a fourni la preuve de l’implication syrienne dans le crime à un échelon qu’il restera à déterminer. Dans le rapport qu’il remettra au secrétaire général de l’ONU, Roed-Larsen ne pourra que constater la poursuite des tentatives de déstabilisation sur la scène libanaise en dépit du retrait de l’armée syrienne : attentats en série contre des personnalités critiques à l’égard du régime baassiste, réactivation de groupuscules palestiniens inféodés à Damas, résurgence de bases militaires en dehors des camps. La signature est syrienne et l’objectif clairement affiché. Ce rapport constituera, de toute évidence, une entrée en matière à celui que présentera Mehlis deux jours plus tard au Conseil de sécurité. Alors qu’à Damas on s’efforce encore d’accréditer la thèse d’un « pétard mouillé », tout porte à croire, au contraire, que le rapport aura l’effet d’une « bombe à fragmentation » dont les éclats n’épargneront aucune des personnes déjà pointées du doigt. Indices sérieux ou preuves indiscutables, la machine à remonter le temps sera lancée dès le week-end prochain. Une descente aux enfers qui conduira, en fin de parcours, à la découverte des manipulateurs, des exécutants et des commanditaires. De Beyrouth à Damas, un chemin tortueux sur lequel trébucheront les criminels, un autel d’occasion pour d’éventuels sacrifices expiatoires. Piégée, encerclée de toutes parts, directement menacée par les GI sur le front irakien, soumise à des pressions insoutenables, la Syrie, qui a vu éclore hier une opposition interne plus déterminée que jamais, ne se résout toujours pas à conclure un « deal » avec les Américains auquel œuvrerait la diplomatie égyptienne. La rallonge du mandat Mehlis jusqu’au 15 décembre serait quand même mise à profit pour peaufiner un accord, un arrangement « à la libyenne » qui rognerait les ailes du régime syrien, neutraliserait sa faculté de nuisance au Liban, en Irak et en Palestine, mais garantirait, en contrepartie, la survie du clan alaouite des Assad. C’est du moins ce qu’espèrent les médiateurs égyptiens qui estiment que le « suicide » de Ghazi Kanaan a constitué un avant-propos au « bazar » en gestation. Une question s’impose alors : qu’en sera-t-il de Rustom Ghazalé et de ses adjoints déjà dans le collimateur de la justice internationale ? Scénario-fiction ou réalité, l’avenir le dira. Mais dans l’immédiat, justice sera faite, le Conseil de sécurité se devant de tirer « toutes les conséquences » du rapport Mehlis. *** Du constat de Roed-Larsen au « jugement » de Mehlis, une semaine cruciale s’ouvre pour le Liban confronté à la phase la plus critique de son histoire. Les interrogations se bousculent, plus pressantes l’une que l’autre : comment réagira la Syrie, rejettera-t-elle d’emblée les conclusions du rapport Mehlis, optera-t-elle pour la fuite en avant réactivant ses cellules dormantes au Liban ? Le Hezbollah et les Palestiniens, concernés par la 1559, verront-ils là l’occasion de se soustraire aux obligations stipulées par les résolutions internationales ? Des questions angoissantes, lancinantes, alors que le pays vit un état d’urgence non déclarée. Faut-il céder pour autant à la panique ? Évidemment que non. Personne au Liban, sunnite, chiite, maronite ou druze, n’est disposé à revivre les affres de la guerre, à servir de chair à canon. Le dialogue est le maître mot et les alliés de Damas savent pertinemment que les donnes ont changé, que le régime syrien est au bout du rouleau. Quels que soient les aléas actuels, le Liban est définitivement ancré sur la voie d’une résurrection, une renaissance garantie, protégée par la communauté internationale. Une assistance exceptionnelle pour un état d’exception. L’occasion, cette fois, ne sera pas manquée. Nagib AOUN
Quelques jours encore et l’abcès sera crevé. D’abord le rapport de Terjé Roed-Larsen, ensuite celui de Detlev Mehlis. Des constats seront faits, des vérités seront dites.
Qu’il s’agisse du retrait syrien et du désarmement des milices (résolution 1559) ou de l’assassinat de Rafic Hariri (résolution 1595), les zones d’ombre seront éclaircies, les doutes dissipés.
Qu’on ne...