« La constance des sages n’est que l’art de renfermer leur agitation dans le cœur. » François de la Rochefoucauld Politique, il a traversé l’histoire du Liban avec un regard tranchant, sans illusions sur nos gloires et nos déchirements. Architecte, il a mis en perspective ses visions et nous a donné à les admirer. Il a pensé Beyrouth des milliers de fois, il en a marqué à jamais la silhouette. Au quotidien, il a regardé le temps dérouler son linceul, sans haine, ni jalousie, ni regret. Il a moqué nos prétentions et nos arrogances sans jamais renoncer à s’opposer à la bêtise des hommes. Discret mais flamboyant, provocateur mais bienveillant, laconique mais enthousiaste… humain surtout ; il a lutté contre l’incohérence du monde en travaillant sans répit, passionné par son métier de bâtisseur, curieux des autres, remettant en question ses concepts, jamais ses croyances, sans cesser d’être de son temps. Ce temps de la folie des hommes qu’il s’évertuait à disséquer dans le moindre détail, trouvant à chaque folie une émotion positive. Sur les chantiers, avec sa canne, il poussait au respect et en jouait presque de ce que son rang impliquait en saluts déférents que lui adressaient clients, entrepreneurs et contremaîtres. Il jetait sur le monde un regard plein d’une condescendance avenante mais il savait, quand il le fallait, conquérir et charmer ces hommes en quête de reconnaissance. Parfois, il se disait misanthrope, il ironisait que jamais la France n’aurait dû voter l’abolition des privilèges, que le monde devait être dirigé par des dictateurs éclairés… C’était un sage que rien ne faisait trembler, que rien ne déridait, que rien ne troublait, mais dans son regard, dans ses mains qui s’agitaient, sa sensibilité se trouvait sans cesse écorchée. Élie-Pierre SABBAG Architecte *** Il nous a quittés en silence. Discrète a été sa vie. Discrète a été sa mort. Pour sa famille, ses amis et pour son pays, c’est une grande perte. Nous te regrettons et te pleurons. Aimée KETTANEH