La décision-surprise du président égyptien Hosni Moubarak de proposer un amendement constitutionnel autorisant la tenue d’élections présidentielles directes et concurrentielles pourrait fort bien constituer un pas de géant pour la démocratie en Égypte et dans le monde arabe. Les Occidentaux habitués à une démocratie pluraliste peuvent avoir des difficultés à comprendre quel changement potentiellement considérable cette décision engendrera dans un pays accoutumé au règne militaire depuis plus de 50 ans. Sous le système actuel, les citoyens égyptiens peuvent uniquement se manifester le jour d’un référendum présidentiel organisé tous les six ans pour dire oui ou non à la seule personne en lice. Ceci explique pourquoi un individu tel que Moubarak a toujours reçu plus de 90 % des voix,...
Actualités - OPINION
Commentaire Démocratie sur le Nil ?
Par Ibrahim Saad Eddin , le 02 mars 2005 à 00h00
par Saad Eddin Ibrahim*
La décision-surprise du président égyptien Hosni Moubarak de proposer un amendement constitutionnel autorisant la tenue d’élections présidentielles directes et concurrentielles pourrait fort bien constituer un pas de géant pour la démocratie en Égypte et dans le monde arabe. Les Occidentaux habitués à une démocratie pluraliste peuvent avoir des difficultés à comprendre quel changement potentiellement considérable cette décision engendrera dans un pays accoutumé au règne militaire depuis plus de 50 ans. Sous le système actuel, les citoyens égyptiens peuvent uniquement se manifester le jour d’un référendum présidentiel organisé tous les six ans pour dire oui ou non à la seule personne en lice. Ceci explique pourquoi un individu tel que Moubarak a toujours reçu plus de 90 % des voix, quel que soit le taux de participation. Les régimes syriens et irakiens ont fait encore mieux avec ce système, sans doute parce qu’ils ont exigé que les noms et les adresses des électeurs soient placés au bas de chaque bulletin.
Plusieurs individus soutiennent depuis longtemps que la démocratisation au Moyen-Orient ne pourra pas progresser tant que l’Égypte ne s’impliquera pas pleinement dans le processus. L’Égypte ne pourrait pas réellement s’engager sur une voie de démocratisation sans d’abord amender sa Constitution, ce afin de réduire les pouvoirs pharaoniques de son président et limiter la durée de son mandat. Moubarak, après tout, en est déjà à sa 24e année en tant que président. Ainsi, son annonce d’élections présidentielles concurrentielles constitue une première étape majeure.
Le régime peut supposer qu’il sera en mesure d’utiliser le processus à son avantage, mais les événements pourraient s’avérer plus difficiles à contrôler que prévu une fois que les citoyens commenceront à se sentir responsabilisés. Le génie démocratique est sorti de la bouteille.
En tout cas, l’Égypte n’est pas le seul pays dans cette région troublée à se lancer sur la voie de la démocratie. La Turquie d’un côté du Moyen-Orient et le Maroc de l’autre sont déjà bien engagés dans ce processus. La véritable lame de fond semble cette fois-ci résulter de la proximité temporelle et des résultats positifs des récentes élections qui se sont tenues en Irak, en Palestine et, à un degré moindre, en Arabie saoudite. Les manifestations sans précédent contre l’occupation du Liban par la Syrie suite à l’assassinat de son ancien Premier ministre, Rafic Hariri, ne semblent pas s’atténuer. Les groupes d’opposition égyptiens ont également organisé des marches de plus en plus courageuses et d’autres formes de désobéissance civile au cours des dernières semaines. Le catalyseur de leur colère a été l’arrestation et la détention du leader de l’opposition malade, Ayman Nour, fin janvier. L’attitude arbitraire du gouvernement a revigoré le mouvement national Kifaya (qui signifie « Assez »), qui a exigé la fin du régime de Moubarak. Subitement, la sagesse populaire qui veut que les Égyptiens soient passifs et aient peur d’agir n’a plus paru se vérifier. Une alliance de forces locales, régionales et internationales s’unit contre la tyrannie permanente exercée sur les rives du Nil. La récente vague de pressions populaire semble avoir secoué le régime. Seulement un mois auparavant, Moubarak écartait les demandes de réforme constitutionnelle en les taxant de « futiles ». Mais, quelle que soit la combinaison d’événements qui a amené ce revirement, l’initiative relative aux élections doit être bien accueillie. Il s’agit là d’une première étape nécessaire, bien qu’insuffisante, pour remanier le système politique stagnant de l’Égypte.
Les Égyptiens se méfient déjà des réformes symboliques à la tunisienne, pays dans lequel le président Zine el-Abidine Ben Ali, qui occupe ses fonctions depuis longtemps, a créé une caricature d’amendement constitutionnel qui a paru ouvrir la voie à des élections présidentielles concurrentielles, mais qui a par la suite entraîné un simulacre de concours avec quelques « opposants » triés sur le volet. Lors des précédents référendums présidentiels tunisiens, Ben Ali récoltait systématiquement 99 % des voix ; il en a maintenant obtenu 96 %.
Espérons que Moubarak soit plus sérieux quant à la réforme électorale. Pour prouver sa sincérité, il doit ordonner la libération immédiate d’Ayman Nour et prendre des mesures pour mettre fin à l’état d’urgence de 24 ans, qui empêche avec succès l’organisation de campagnes politiques.
Moubarak doit également approuver une limite de deux mandats successifs de cinq ans pour chaque président. Tout aussi nécessaires, des mesures destinées à gagner la confiance des citoyens, notamment un accès ouvert et égal aux médias, qui sont actuellement contrôlés par l’État. J’ai annoncé que j’avais l’intention de disputer cette élection présidentielle à venir afin d’ouvrir le débat sur ces réformes essentielles. Mais je retournerai avec plaisir à ma vie privée de citoyen lorsque j’aurai l’assurance d’une élection libre et ouverte l’automne prochain. Si elles sont sérieusement mises en œuvre, ces étapes transformeront l’héritage de Moubarak. Avec les événements survenus au Liban, en Irak et en Palestine, elles pourraient très bien inaugurer un printemps arabe de la liberté, attendu depuis fort longtemps.
*Saad Eddin Ibrahim, un activiste égyptien de la paix pro-démocratie, est professeur à l’université américaine du Caire et dirige le Centre Ibn Khaldun. Il rédige actuellement ses mémoires sur son emprisonnement.
© Project Syndicate. Traduit par Valérie Bellot.
par Saad Eddin Ibrahim*
La décision-surprise du président égyptien Hosni Moubarak de proposer un amendement constitutionnel autorisant la tenue d’élections présidentielles directes et concurrentielles pourrait fort bien constituer un pas de géant pour la démocratie en Égypte et dans le monde arabe. Les Occidentaux habitués à une démocratie pluraliste peuvent avoir des difficultés à comprendre quel changement potentiellement considérable cette décision engendrera dans un pays accoutumé au règne militaire depuis plus de 50 ans. Sous le système actuel, les citoyens égyptiens peuvent uniquement se manifester le jour d’un référendum présidentiel organisé tous les six ans pour dire oui ou non à la seule personne en lice. Ceci explique pourquoi un individu tel que Moubarak a toujours reçu plus de 90 % des voix,...
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