Par Jean-Louis CARDAHI*
Depuis qu’un attentat sauvage a coûté la vie à l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et à ses compagnons, l’ensemble de la presse écrite ainsi que les médias audiovisuels ont consacré une large part de leurs éditions et programmes à décrire l’événement, analyser les conséquences, exprimer le sentiment général des Libanais face à ce crime odieux, et à recueillir les témoignages de sa famille, de ses proches et de ses amis.
Qu’il me soit permis d’exprimer un témoignage différent : celui d’une personne qui a livré pendant plus de trois ans un combat face à Rafic Hariri mais dans le respect des valeurs démocratiques. Je n’ai pas été l’ami de Rafic Hariri ni son allié, mais j’éprouve aujourd’hui au même titre que tous les Libanais un sentiment de frustration et de dégoût car la violence n’est pas admissible, quelles que soient les raisons, et le meurtre, quelle que soit sa forme, ne doit pas rester impuni. J’ose exprimer, au même titre, mes sincères condoléances à sa famille et à ses proches, mes vœux que l’investigation menée par les autorités libanaises avec l’assistance étrangère dévoile les auteurs de ce meurtre ignoble et nous permette d’exorciser le mal qui ronge notre société.
Rafic Hariri exerçait un pouvoir sans pareil sur le pays, la société et les gens grâce à sa force de persuasion et sa persévérance. Il était difficile de ne pas se laisser entraîner par sa logique implacable et pour garder du recul, il fallait développer toutes ses capacités d’analyse critique et mettre en œuvre le pouvoir intellectuel de plusieurs personnes. Il faisait preuve d’une remarquable persévérance, même s’il lui fallait attendre plusieurs années... Paix à son âme ! La vie est, de toute façon, trop courte et le destin ne nous permet pas toujours de voir la récolte de ce qu’on a semé.
J’ai confronté souvent l’homme et ses idées en exposant les miennes et en utilisant modestement et à mon échelle ma logique, ma force de conviction, ma persévérance au travail et les capacités d’analyse de mes conseillers. Je n’ai pas su entretenir avec lui une relation personnelle au-delà du différend politique et professionnel, mais j’ai partagé avec lui les valeurs démocratiques, le droit à l’expression, le droit à la différence, la soumission à la loi et aux règles des institutions, le rejet de la violence.
Adieu Rafic Hariri ! Tes détracteurs autant que tes alliés ont le droit de te rendre hommage s’ils partagent les mêmes valeurs universelles d’humanisme et de paix.
À sa famille, à ses proches et à ses alliés, je souhaite dire combien il est important de réfléchir ensemble à l’avenir du pays, calmement, sereinement, quelle que soit notre opinion politique. Le Liban ne peut être gouverné ni à gauche, ni à droite, ni à l’Est, ni à l’Ouest, mais bien au centre, au Liban même, sur ce rivage phénicien de la Méditerranée, et cela nécessite un compromis national que nul mieux que Rafic Hariri n’aurait su établir.
Arrêtons tous cette folie et entamons le dialogue avec courage et honnêteté, dans le respect du droit à la différence. C’est bien le meilleur hommage que nous puissions rendre au président défunt.
* Ministre des Télécommunications.
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