La maladie est, disait Nietzsche, le meilleur point de vue sur la santé. Pour qui s’inquiète de la santé démocratique du pays et des dérives de la vie politique, il n’est pas inutile de s’obliger à une vigilance renforcée. Car la vérité se reconnaît au soin qu’elle met à se dissimuler.
Le pays vit plus que jamais au rythme d’un cercle infernal, comme il s’agissait de son rythme biologique : compétition, surenchère, dérive, blocage, mascarade politiques, protestations de parodie et polémiques insignifiantes. Peut-être ce malaise, résultat d’un ordre mi-imposé, mi-négocié, à demi subi, à demi consenti, traduit-il le mieux les grandes illusions et les fausses croyances.
Le désir exprimé de part et d’autre de monopoliser la conception de la démocratie a eu pour conséquence d’accentuer les effets de l’esprit de parti et de parti pris sur la vie politique du pays, entraînant un essoufflement et un étouffement de la culture démocratique. Au lieu de se mettre à l’école de la vie et du peuple, au lieu d’exprimer des convictions, les acteurs de la scène politique ont préféré s’en tenir à de simples postures politiques, trahissant les intérêts nationaux ou s’en prévalant, selon le cas et la conjoncture, au profit d’« intérêts de boutique », car c’est bien un chassé-croisé d’« intérêts de boutique » qui orchestre actuellement la vie politique. Les lignes de partage des influences se dessinent timidement ou s’affirment avec vigueur ; l’histoire, le présent, les dessins occultes et les ambitions affichées expliquent les constellations qui se font et se défont, la géométrie de plus en plus variable des ensembles politiques. Dans ce monde de « voleurs volés » où chacun cherche à tirer avantage de la situation, quitte à exacerber les passions, la parole n’est plus qu’acte de contrebande et de faussaire.
Si la politique est l’art du possible, la politique locale affectionne tout particulièrement les variations. « Avoir des esclaves n’est rien, disait déjà Diderot, ce qui intolérable, c’est d’avoir des exclaves en les appelant des citoyens. » Quiconque brigue le pouvoir promet toujours liberté, souveraineté et indépendance, termes qui servent indifféremment à réveiller les consciences ou à les asservir. Et pourtant, malgré cette ambivalence, ils conservent leur jeunesse et leur pouvoir mobilisateurs. On ne feindra donc ni la surprise ni l’étonnement lorsque ceux qui se posent en gardiens de ces valeurs, ces paladins de la vertu politique, avec une assurance pharisaïque, l’emportent, à l’applaudimètre populaire, sur les « inféodés » brandissant la menace d’un terrorisme aux contours somme toute flous.
Le risque que représente cette situation de paralysie, de famine symbolique et de gavage politique édulcoré est grand, même pour un pays qui, dans ses profondeurs, recèle d’immenses capacités de mouvement et de réactivité. Car, comme le disait à juste titre Georges Bernanos, « l’énorme proportion des coupables finit toujours par détruire chez les non-coupables le sens de la culpabilité ».
Pr Élias MAALOUF
Président de l’Ordre des dentistes du Liban
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Le pays vit plus que jamais au rythme d’un cercle infernal, comme il s’agissait de son rythme biologique : compétition, surenchère, dérive, blocage, mascarade politiques, protestations de parodie et polémiques insignifiantes. Peut-être ce malaise, résultat d’un ordre mi-imposé, mi-négocié, à demi subi, à demi consenti, traduit-il le mieux les grandes illusions et les fausses croyances.
Le désir exprimé de part et d’autre de monopoliser la conception de la démocratie a eu pour conséquence d’accentuer les effets...