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Actualités - OPINION

Frangié entrevoit déjà une deuxième opposition, interne Faute de chef d’orchestre et de baguette, la partition risque de tourner vite à la cacophonie

Le président Omar Karamé parviendra-t-il à former le gouvernement ? La question peut paraître naïve. À en croire Joumblatt, en effet, tout est préfabriqué. Mais s’il est exact que le problème de base, la composition politique, la couleur du cabinet ne se pose pas, il est également vrai qu’on est en plein bazar. Que chacun veut tirer la couverture à soi, que les conditions, les exigences s’entrechoquent et risquent de tout bloquer. Alors, encore une fois, Karamé peut-il s’en sortir tout seul ou avec l’aide de Lahoud ? Ne lui faudra-t-il pas, en désespoir de cause et malgré leurs compréhensibles réticences de surveillés, en appeler aux Syriens ? Et dans ce cas, comment ces derniers vont-ils réagir d’abord ? Comment peuvent-ils, ensuite, dénouer l’écheveau, sans se mettre à dos trop de mécontents ? La gestation, qui se confirme comme laborieuse et pénible, risque de mettre à mal l’idée, loyaliste, d’un gouvernement homogène, bien soudé. Parce que, en supposant qu’on parvienne, avec ou sans l’aide des frères, à persuader des figures de proue comme Sleimane Frangié de renoncer à leurs demandes, quel zèle, quel soutien appuyé pourra-t-on en attendre quand il leur faudra se contenter de lots de consolation? Comment assainir un climat si longtemps empoisonné par les querelles entre dirigeants? Comment mettre l’État en mesure de faire face aux défis, aux dangers et aux difficultés de l’heure ? Au départ, Karamé affirme qu’il veut opérer en base des constantes, du principe premier du consensus. Il laisse entendre qu’il n’est pas désigné à la tête d’une formation préfabriquée. Mais qu’il va l’établir lui-même, avec le concours d’autrui. Toujours dans un esprit, dans un climat d’ouverture et d’entente. Il souligne qu’il ne s’agira pas de «son» gouvernement, mais de celui du plus large éventail possible de forces politiques populaires. Il ne cesse de laisser entendre que, malgré les fuites rapportées par les médias, rien n’a été décidé d’avance, rien n’a été parachuté ou téléguidé, en somme. Autrement dit, que tout se passe très démocratiquement, dans les règles. Karamé précise cependant que, de tout temps, il y a eu sinon des préparatifs, du moins des noms connus à l’avance. Soit parce qu’ils s’imposaient d’eux-mêmes ou de par les circonstances, soit parce que leur tour normal était venu. Comme sur des roulettes Dans la journée d’hier, un ministre informé indiquait que des difficultés avaient été aplanies, que des contacts intensifiés avaient lieu pour tout résoudre rapidement. Et que, selon lui, il n’y a aucun risque de crise véritable, d’impasse. Selon ce ministre, et selon nombre d’observateurs, les décrets devraient être publiés en début de semaine. Tout serait bouclé dimanche, et la photo souvenir serait pour lundi, sauf contretemps. Certains se rassurent: la formation du nouveau gouvernement est tout à fait ordinaire. Dans son déroulement. Mais sans doute aussi dans son résultat. Ce qui est quand même inquiétant, car un gouvernement banal n’est pas ce que l’on peut espérer de mieux en des temps aussi troublés. Mais le fait est que, cette fois, contrairement à 1998, les consultations parlementaires impératives ont fonctionné comme il fallait. La suite aussi. Et par ses propos démentant une quelconque préfabrication, Karamé aide à la relance d’une vie politique institutionnelle normale. Ce qui signifie, en tout premier lieu, que le Syrie se signale par son absence dans l’opération en cours. Une retenue qui a pour effet d’aiguiser les appétences, et les rivalités entre les composantes ministrables de la ligne dite nationale qui tient le pouvoir. Dont certains courants montrent déjà une tendance à s’opposer à Karamé, à lui tenir tête, à vouloir lui mettre des bâtons dans les roues. Alors que lui-même annonce qu’il compte contrer la voie suivie par son prédécesseur. Ce qui promet également des remous. En vedette, en tant que contempteurs de Karamé, deux autres Nordistes, Frangié et Mikati. Ces ministres posent des conditions que le chef de gouvernement désigné peut difficilement accepter. Or ils sont considérés comme très proches de cette Syrie qui affirme ne rien vouloir arbitrer, rien imposer, rien concilier. Ce qui ne l’a pas empêché, confirment des sources fiables, d’avoir bien fait comprendre à nombre de députés que la désignation de Karamé est éminemment souhaitable. Les désirs de la Syrie étant des ordres pour la majorité parlementaire, comme nul ne l’ignore, elle a été bien entendue, comme de bien entendu. Turbulences Les mêmes sources indiquent, et cela paraît logique, que les Syriens ont également prié leurs fidèles de faciliter les choses, de soutenir le président Lahoud et le nouveau gouvernement au maximum. Ce qui veut dire que la télécommande se veut désormais d’ordre général, sans entrer dans le détail, sans mettre la main à la pâte. Ce qui est confirmé par le ministre Sleimane Frangié. Une attitude syrienne imposée par les pressions extérieures et la 1559. Et qui montre tout de suite ses limites, si l’on veut voir les choses du côté des décideurs : il n’y a pas moyen, ainsi, d’empêcher les Libanais de la ligne dite nationale d’en découdre entre eux. De semer la confusion, d’être unis derrière le régime, comme le voudrait Damas. Partant de là, une deuxième opposition, issue de la ligne dite nationale et dirigée contre Karamé, pourrait prendre corps dans les prochains jours. Un groupe qui resterait cependant dans l’orbite des décideurs et continuerait à être distant de Kornet Chehwane, de Joumblatt et de la Gauche démocratique, voire à leur être encore plus hostile que les karamistes. Frangié, qui veut préparer les législatives, appelle cela une opposition modérée. Elle le réunirait à Hariri et à quelques personnalités indépendantes. Pour cristalliser un nouveau centre, distinct de celui de Hoss-Husseini. Auquel appartenait Karamé lui-même et dont deux membres, Moawad et Harb, ont donc pris langue, à titre de courtoisie, avec le président du Conseil désigné. Ce centre-là, rappelons-le, a éclaté à cause des divisions de ses adhérents au sujet de la prorogation. Hoss et Husseini ont ensuite fait savoir qu’ils ne comptent intégrer aucun autre front. Quant à Kornet Chehwane, rien de changé. On s’y gausse de la préfabrication du gouvernement. En annonçant que l’opposition va sans doute réorganiser ses rangs dans les semaines à venir pour se structurer en large front cohérent, regroupant toutes les forces qui se sont dressées contre le fait accompli du 3 septembre. Ce front se doterait d’un secrétariat général et deviendrait rapidement une véritable institution politique. Une sorte de gouvernement-Parlement fantôme en somme. Pour une éventuelle relève au niveau du pouvoir étatique. Philippe ABI-AKL
Le président Omar Karamé parviendra-t-il à former le gouvernement ? La question peut paraître naïve. À en croire Joumblatt, en effet, tout est préfabriqué. Mais s’il est exact que le problème de base, la composition politique, la couleur du cabinet ne se pose pas, il est également vrai qu’on est en plein bazar. Que chacun veut tirer la couverture à soi, que les...