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Actualités - ANALYSE

exécutif - Les rumeurs les plus contradictoires sur la démission de Hariri circulaient jusque tard la nuit L’État se moque bien de sa mort clinique et de ses conséquences

C’est saisonnier. Tous les deux jours, c’est le retour à la case départ. « Le gouvernement démissionnera demain ou après-demain. » Tous les deux jours, ce sont les observateurs qui s’en donnent à cœur joie pour expliquer le retard dans la formation du nouveau cabinet, le manque astronomique d’entente entre les deux pôles de l’Exécutif. « Ils attendent la décision du Conseil de sécurité. » Ou alors : « Ils attendent le résultat – c’est début novembre – de la présidentielle américaine. » Ou bien : « Ils attendent que les Syriens envoient un mot d’ordre ou un fax. » Ou encore : « Ils attendent la saison des pluies. » Tous les deux jours les rumeurs les plus variées, parfois terrifiantes, tantôt exotiques, se multiplient, tourbillonnent. Le prochain n° 3 de l’État sera Omar Karamé, Abdel-Rahim Mrad, Rachid Solh, Adnane Addoum. Les députés du bloc Hariri supplient le Premier ministre de ne pas revenir au Sérail, et d’appréhender les législatives 2005 de l’extérieur du pouvoir. Nabih Berry et Rafic Hariri se disputeraient les ministères des Télécoms et des Finances, et chacun d’eux propose déjà ses hommes. Émile Lahoud voudrait qu’au moins dix des ministres actuels se voient confier un portefeuille dans le prochain cabinet. Les plus obscurs, les plus incompétents ou les plus suivistes des députés s’imaginent déjà à la table du Conseil des ministres, en contrepartie de services rendus au pouvoir ou au tuteur syrien. Dernières nouvelles : elles sont deux. Contradictoires bien entendu. Un : le maître de Koraytem présenterait sa démission aujourd’hui et un nouveau gouvernement naîtrait en début de semaine prochaine (avec lui ? sans lui ?), encore plus crispé, plus monochrome, plus prosyrien, plus belliqueux que son prédécesseur. En un mot, et pour le coup, aussi « homogène » que le souhaite intrinsèquement, depuis le 3 septembre dernier, le locataire de Baabda. Deux : dans ses assises privées Rafic Hariri indiquait hier qu’il n’y avait pas de démission du cabinet en perspective, sans préciser de fourchette côté timing. Il ajoutait que personne ne lui a demandé sa démission, précisant même qu’ayant exprimé récemment un tel souhait devant le chef de l’État, il s’était entendu conseiller de patienter. Sauf qu’en attendant, et même si la véritable facture ne sera présentée que dans quelque temps, c’est le Liban dans le moindre de ses recoins qui est en train de payer le prix de cette mort clinique de l’État, de la vacance d’un pouvoir tellement vide, tellement creux, que l’on entend sans problème l’air y circuler. La gestion quotidienne du pays n’est absolument plus assurée ; les échéances économiques, financières et sociales n’attendront plus, malgré les effluves opiacés de croissance et autres redressements uniquement ponctuels, malgré les « tout va très bien, madame la marquise » d’un Riad Salamé, qui doit désormais trouver bien étroit son magnifique bureau de la BDL ; le prix du pain est sur le point d’augmenter, avec toutes les insensées et désastreuses dérives que cela peut entraîner ; la crédibilité du Liban auprès de la communauté internationale est grièvement endommagée, etc. Et pendant ce temps, Émile Lahoud attend que Rafic Hariri fasse une crise d’urticaire et décide de claquer la porte ; Rafic Hariri attend qu’Émile Lahoud la lui montre et exige qu’il la prenne ; Nabih Berry, dont les relations avec Damas rissolent désormais tellement elles se sont réchauffées, est tout entier consacré à la préparation de la nouvelle équipe exécutive. Et se contente d’expédier, en bon chef du Législatif libanais, les affaires parlementaires courantes avec une désinvolture et une insouciance telles que Boutros Harb n’a pas hésité à les qualifier hier d’anticonstitutionnelles... Quant au tuteur syrien, il s’emploie on the record à bien montrer à Kofi Annan et à ses hommes qu’il ne se mêle définitivement pas de la cuisine libanaise, et off à s’occuper de tout, faire mijoter le tout, pour finalement cracher aux yeux du monde la totale incapacité des Libanais à gérer leurs affaires, et, en corollaire on ne peut plus pernicieux et mortifère, l’indiscutable nécessité de la tutelle. Cette prorogation imposée outre-Masnaa et contre laquelle le patriarche Sfeir, les ténors de Kornet Chehwane, Walid Joumblatt, le mufti de la République et le vice-président du Conseil supérieur chiite ont mis en garde, contre laquelle l’immense majorité de la classe politique locale et des citoyens ont mis en garde, est aujourd’hui, du moins pour l’instant, dépassée. Même si le chef du PSP fait office une nouvelle fois de visionnaire en affirmant que seule une démission du chef de l’État pourrait rectifier l’erreur. Désormais, deux constats priment. Un : la naissance d’un nouveau gouvernement ne réglera en rien la dégénérescence du pouvoir. Puisqu’elle n’empêchera en rien la prolifération à venir, sous toutes les formes possibles et imaginables, des conflits lahoudo-haririens. En outre, si Rafic Hariri a besoin d’avoir, en coéquipier d’Exécutif, une personnalité forte, à même de contenir ses ardeurs et de veiller à l’équilibre de la balance, la réciproque, s’agissant d’Émile Lahoud, est tout aussi vraie. Et ce ne sont pas les Karamé, Mrad ou Addoum, qui pourraient y réussir. Deux : qu’elle ait lieu aujourd’hui ou dans des temps lointains, cette naissance n’atténuera en presque rien la cancérigène crise du pouvoir, désormais confortablement installée. Une crise que seule pourrait aider à résorber la participation effective et efficace à la gestion du pays de cette opposition libanaise sur le point de prendre concrètement forme, avec la création imminente du comité KC-bloc Joumblatt-Gauche démocratique. Sauf que cette crise, malheureusement, pourrait très vite dévoiler un bien peu rassurant bienfait. Celui de prouver dans les faits à quel point la prorogation du mandat Lahoud et la tutelle syrienne étaient une flagrante erreur. Une faute grave. Triste consolation. Ziyad MAKHOUL

C’est saisonnier. Tous les deux jours, c’est le retour à la case départ. « Le gouvernement démissionnera demain ou après-demain. » Tous les deux jours, ce sont les observateurs qui s’en donnent à cœur joie pour expliquer le retard dans la formation du nouveau cabinet, le manque astronomique d’entente entre les deux pôles de l’Exécutif. « Ils attendent la...