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courrier Une décision hypothéquée
Par Bachir Nassib KHOURY, le 03 septembre 2004 à 00h00
Une vraie mascarade, un vrai coup de théâtre, de l’humour noir mêlé au mélodramatique, et encore… Les expressions ne manquent pas pour décrire l’indescriptible et ce qui confine à la folie de toute une classe politique assujettie, atteinte du syndrome de la multipersonnalité. La scène locale libanaise, plongée dans un marasme sans précédent, observe depuis quelques mois déjà une évolution politique a caractère « schizophrène » où l’on est passé brusquement d’une soit-disant «libanisation» de l’élection présidentielle à une syrianisation ex cathedra. La décision prise par le Conseil des ministres samedi dernier marque une des périodes historiques les plus sombres qu’ait connues le Liban. Un arbitraire éclair qui a ordonné la rallonge de trois ans au président Émile Lahoud, bafouant ainsi la Constitution, l’avis des instances politiques et religieuses (exprimé surtout par le patriarche maronite, chef religieux de la communauté à laquelle appartient le président, mais également par Dar el-Fatwa. Mais surtout une décision qui balaie avec dédain la volonté de tout un peuple qui aspire a un vent nouveau. Un peuple humilié d’abord par deux décennies de guerre et qui souffre, depuis quinze ans déjà, du diktat syrien.
Nul doute que l’attitude prise par nos voisins sort de l’ordinaire et du rationnel, surtout quant on vient à évoquer le concept de souveraineté; je dirais même que dans une province syrienne, on aurait respecté davantage l’avis des habitants! Mais encore plus accablant est le motif utilisé a tout bout de champ : les circonstances régionales et les intérêts stratégiques des deux pays frères. Comme si on nous disait qu’Émile Lahoud est le plus compétent en matière de protection des intérêts syriens. Qu’en est-il alors des intérêts libanais? Où sont passés les 40 milliards de la dette, les réformes fiscales à adopter, la lutte contre la corruption (ce cancer qui se propage sans merci), l’émigration des jeunes et le chômage, les agriculteurs et leur droit à trouver des débouchés à leurs marchandises… Sans oublier l’inquiétante régression des libertés et du niveau d’éducation (signalée par le dernier rapport du Pnud), mais aussi la question du malaise chrétien, devenu chronique.
Les mauvaises conditions économiques et sociales frappent tous les Libanais, et les derniers événements de Hay el-Sellom témoignent de ce malaise grandissant… C’est donc tout un peuple qui aspire à un changement, toutes classes et confessions confondues un changement que le régime actuel (et prolongé) ne peut assurer. Certains me rétorqueront: de quel peuple parles-tu s’il n’est toujours pas uni? Ma réponse est simple: pensez-vous que les agriculteurs musulmans ou chrétiens, qui jettent chaque année leur marchandise dans les rues, ou bien les propriétaires de taxis, tous voués à une compétition illégale, ne sont pas unis dans leur réclamation d’un avenir meilleur? Croyez-vous que les journalistes, les avocats, les professeurs d’université, les penseurs et les politologues n’ont pas des certitudes communes : régression politique et socioéconomique depuis plus d’une décennie qui coïncide avec une mainmise syrienne sur le pays qui, elle aussi, dure depuis plus d’une décennie?
Mais encore plus ironique dans ce sombre tableau est le détour de 180 degrés effectué par certains politiciens et députés qui avaient martelé longtemps durant leur opposition à tout amendement par leur attachement à la Constitution et qui se retrouvent aujourd’hui dans le camp des reconductionnistes par la magie de la « carotte et du bâton ». Je pense qu’il faudrait distribuer le prix « Hommes de principe » à ces politiciens exemples de droiture et de transparence !
Finalement, face à ce putsch contre la démocratie, le seul espoir serait d’avoir recours à une minorité de blocage et à une action civique islamo-chrétienne, déjà traduite par la pétition pour la défense de la République, ainsi qu’à une prise de conscience internationale des maux qui font souffrir le Liban depuis bien longtemps !
Bachir Nassib KHOURY
Étudiant en économie
Une vraie mascarade, un vrai coup de théâtre, de l’humour noir mêlé au mélodramatique, et encore… Les expressions ne manquent pas pour décrire l’indescriptible et ce qui confine à la folie de toute une classe politique assujettie, atteinte du syndrome de la multipersonnalité. La scène locale libanaise, plongée dans un marasme sans précédent, observe depuis quelques mois déjà une évolution politique a caractère « schizophrène » où l’on est passé brusquement d’une soit-disant «libanisation» de l’élection présidentielle à une syrianisation ex cathedra. La décision prise par le Conseil des ministres samedi dernier marque une des périodes historiques les plus sombres qu’ait connues le Liban. Un arbitraire éclair qui a ordonné la rallonge de trois ans au président Émile Lahoud, bafouant ainsi la...
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