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Actualités - OPINION

Le vrai test se situera au niveau des législatives

Tout compte fait, l’État, candidat au certificat de régularité, obtient une bonne moyenne à l’issue de la première épreuve du concours : le Mont-Liban. Mais pour être déclaré admissible, il lui faudra éviter les notes éliminatoires lors des trois étapes suivantes. Et il y a de quoi éprouver des inquiétudes quant à ses chances de succès. Car, s’il n’y a pas eu dimanche de gros scandales, l’on a enregistré quand même des dérives troublantes. Il a été ainsi question de pressions variées. De cartes électorales insaisissables, glissant comme le mercure, dont on a privé des militants déterminés. D’achat de voix. D’une nouvelle invasion de vans transportant des naturalisés. Il faut donc faire attention. Pas seulement pour les municipales, mais aussi pour les législatives de l’an prochain. Qui devraient être fondamentales, en termes de changement positif, de progression démocratique. Il faut donc élaborer une loi électorale digne de ce nom. Pour assurer les équilibres égalitaires, la vraie représentation de proximité. Mais aussi pour garantir un déroulement techniquement satisfaisant du scrutin. Dans ce cadre, les failles à combler se présentent comme suit : – La carte électorale ne doit plus être la seule pièce justificative permettant à un citoyen de voter. S’il s’en trouve privé ou, pour quelque raison, ne peut la produire, il doit pouvoir déposer son bulletin en présentant sa carte d’identité nationale. Une telle mesure permettrait, par exemple, aux voyageurs fraîchement de retour d’exercer leur droit civique. Globalement, le recours à la seule carte électorale permet de détecter à l’avance le nombre des votants potentiels. Et de connaître les tendances majoritaires, ce qui facilite les manipulations abusives. – Il faut, une fois pour toutes, répudier l’hérésie, cautionnée naguère par des officiels directement concernés, et responsables, selon laquelle le passage par l’isoloir n’est pas obligatoire. Le scrutin, le choix, est secret ou il n’est pas. Brandir un bulletin découvert et aller directement le glisser dans la fente se fait souvent pour prouver à celui qui vous télécommande, ou qui vous a acheté (cela arrive) qu’on tient ses engagements. Et, aussi souvent, le geste est interprété comme un défi au camp adverse, avec des frictions à la clé. L’isoloir est la seule façon, en tout cas, de mettre l’électeur à l’abri de pressions ou de craintes diverses. À noter, à ce propos, que l’interprétation donnée par le Conseil d’État autorisant un électeur à esquiver l’isoloir, sous prétexte de respect de sa liberté propre, est largement réfutée par les juristes et les législateurs eux-mêmes. Qui font valoir d’abord qu’une loi (la loi électorale elle-même) a institué l’isoloir et qu’on ne peut la contourner. Ensuite, que les libertés publiques surclassent évidemment, en matière d’affaires publiques, les libertés individuelles. L’isoloir existe, justement, pour donner à l’électorat dans son ensemble la liberté de voter vraiment à sa guise, suivant ses vraies convictions, loin de toute ingérence. Mais alors, pourquoi le Conseil d’État a-t-il émis un tel avis ? Tout simplement, répondent les professionnels, parce qu’il avait été sollicité dans le cadre d’une plainte en invalidation présentée par un candidat éliminé. Qui signalait que nombre d’électeurs, dans sa circonscription, avaient voté à bulletin découvert, sans passer par l’isoloir. Lui donner raison aurait conduit à l’invalidation du mandat de son adversaire déclaré élu, et on ne voulait pas en arriver là. – Toujours dans le cadre des dispositions techniques, il faut remplacer la signature du votant par l’empreinte digitale à l’encre indélébile. Pour court-circuiter les fraudes, notamment par le truchement de femmes voilées qui refusent de se découvrir. Et pour empêcher le doublon, le double vote d’une même personne dont le nom serait apparu par erreur dans deux bureaux de vote distincts. L’essentiel Mais il ne suffit pas qu’un scrutin soit techniquement impeccable pour qu’il soit irréprochable. Car ses résultats peuvent être tronqués, manipulés, faussés par divers moyens politiques. Le Centre libanais pour les études signale tout d’abord, dans ce cadre, la discrimination criante dans le découpage des circonscriptions entre une région et l’autre. S’y ajoutent les erreurs dont se trouvent truffées les listes d’électeurs. Les nominations ou permutations en faveur du camp du pouvoir. La composition parachutée, à coups de pressions, des listes de candidats. L’inégalité flagrante des chances en matière de communication, de propagande électorale. Le rôle de l’argent, et parfois même de l’argent public. Les abus d’influence, en exploitant des postes permettant de rendre, ou de promettre, des services pour gagner des voix. Les directives de vote données à des fonctionnaires et à leurs familles. L’éviction des scrutateurs ou des délégués de candidats déterminés. La condensation, exprès, des listes d’électeurs de franges minoritaires dans des bureaux isolés de ceux où se rend la majorité communautaire dans certaines régions. Les restrictions à la liberté de déplacement de nombre d’électeurs ou même de candidats. Les menaces ou l’intimidation dont ils peuvent faire l’objet. L’absence de critères unifiés pour trancher les cas douteux devant les commissions de dépouillement ou de contrôle. La triche dans le décompte oral des voix ou les substitutions d’urnes pendant leur transport, etc. Dans le réquisitoire du centre cité, préparé par Tony Atallah, on peut lire que la fraude électorale est tout un art qui a ses spécialistes. Dont aucun camp n’a le monopole exclusif. L’enseignement de cette école des irrégularités orchestrées constitue un cursus suivi, qui va du découpage des circonscriptions à la proclamation des résultats. En passant par la présentation des candidatures, l’établissement des listes d’électeurs, l’acte décisif du vote, le bourrage des urnes ou leur vol et le décompte final. Émile KHOURY
Tout compte fait, l’État, candidat au certificat de régularité, obtient une bonne moyenne à l’issue de la première épreuve du concours : le Mont-Liban. Mais pour être déclaré admissible, il lui faudra éviter les notes éliminatoires lors des trois étapes suivantes. Et il y a de quoi éprouver des inquiétudes quant à ses chances de succès. Car, s’il n’y a pas eu...