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Actualités - CHRONOLOGIE

Vient de paraître - « Observatoire de la paix civile et de la mémoire au Liban » 13 avril, se souvenir pour mieux oublier

13 avril, une date fatidique et l’occasion de se pencher sur une guerre dont les Libanais n’ont pas fini de subir les conséquences. Certains préfèrent miser sur l’amnésie, d’autres ne parviennent toujours pas à s’habituer à la paix. Mais près de quinze ans après sa fin officielle, la guerre continue à occuper une grande place dans l’inconscient des Libanais, malgré les non-dits et une certaine forme d’insouciance. Dans ce contexte, l’ouvrage dirigé par le professeur Antoine Messarra se veut un thème de réflexion sur un processus qui va « de la mémoire de guerre à la culture de paix ». Il a été écrit dans le cadre de la Fondation libanaise pour la paix civile permanente, en coopération avec Ayia Napa Conference Center-Chypre et la Fondation Konrad Adenauer. L’ouvrage de la Fondation libanaise pour la paix civile permanente qui vient de paraître constitue une œuvre fondatrice et opérationnelle pour la construction d’une mémoire collective, à la lumière de l’expérience cumulée et des souffrances durant les guerres au Liban en 1975-1990 *. Sur la couverture, l’immense banderole signée durant les guerres au Liban par des dizaines de milliers de Libanais, symbole de la résistance civile et en tant que « pacte de paix ». Deux interviews ont été menées avec Issam Khalifé et Amal Dibo sur l’historique de cette banderole qui, selon les auteurs, devrait être exposée au Musée national ou dans un « Musée de la mémoire au Liban ». En exergue, cette clause de l’Exhortation apostolique : «Certes, il faut maintenir vivant le souvenir de ce qui s’est passé, pour que jamais plus cela ne se reproduise » (n° 114). Grille d’indicateurs L’ouvrage se caractérise par sa méthodologie, à la fois théorique et pragmatique, sur le problème de la mémoire. À partir de la détermination des « conflits qui revêtent la dimension d’une guerre civile ou qui sont exploités dans cette perspective », l’Observatoire établit une « grille de 90 indicateurs du pacte libanais de coexistence ». La recherche part aussi de cette problématique : « L’histoire est-elle une science humaine en tant que classification ou est-elle humaine par son contenu, de sorte que l’histoire ne se limite pas à l’étude des gouvernants et souvent des tueurs, mais aussi des tués et des victimes ? » Quatre types de mémoire L’ouvrage relève que les peuples ont quatre manières d’appréhender leur mémoire : – La mémoire « culpabilisation » : se fondant sur un fait historique réel ou amplifié, on s’acharne à accuser l’autre, exploitant l’histoire pour camoufler d’autres injustices, s’innocenter soi-même et poursuivre après des décennies des coupables lointains et agonisants afin d’alimenter une mémoire qui continue à fouiner une haine originelle. L’acharnement culpabilisateur finit par se retourner contre le culpabilisant qui séquestre et limite l’autre, sans perspective de rédemption, dans un moment historique considéré comme fondateur d’une identité pure et d’une innocence absolue. – La mémoire « conflictuelle » : sous couvert de science historique, des historiens conjuguent le verbe « tuer » à tous les temps et tous les modes et recherchent la moindre gifle entre deux adversaires, dans une petite bourgade, pour rappeler à tous ceux qui seraient tentés d’oublier que les identités en conflit sont irréductibles et fatales, que l’interculturel est une illusion et que le compromis est une compromission. – La mémoire « bloquée » : le traumatisme provoqué par la souffrance ou l’exode demeure vivace de façon maladive et clinique ou, en politique, il rend un peuple empêtré dans son passé et incapable d’entrevoir des horizons meilleurs sans pour autant renier son patrimoine. – La mémoire « contrition » et « solidaire » : l’éthique historique dépasse la scientificité réductrice de l’histoire. Il ne s’agit pas de remuer les plaies et les souvenirs douloureux, mais d’aborder les souffrances avec authenticité. Les travaux de l’Observatoire aboutissent notamment à la conclusion qu’« il faut oublier, mais se souvenir » (Marie-Thérèse Khair Badawi), réhabiliter les nouveaux programmes d’enseignement de l’histoire, conçus justement dans une perspective de « mémoire solidaire et de contrition », sous la direction du professeur Mounir Abou Asly entre les années 1999-2000 et publiés au Journal officiel (décret n° 3 175 du 8 juin 2000, JO n° 27, 26/6/2000, pp. 2 114-2149), et instituer des rites et lieux de mémoire et de deuil, principalement un monument au centre-ville pour les disparus, qui sont de toutes les régions, communautés et appartenances et non-appartenances, symbole de la souffrance partagée. * (« Observatoire de la paix civile et de la mémoire au Liban », sous la direction du professeur Antoine Messarra - Librairie orientale, 2004, 656 pages).
13 avril, une date fatidique et l’occasion de se pencher sur une guerre dont les Libanais n’ont pas fini de subir les conséquences. Certains préfèrent miser sur l’amnésie, d’autres ne parviennent toujours pas à s’habituer à la paix. Mais près de quinze ans après sa fin officielle, la guerre continue à occuper une grande place dans l’inconscient des Libanais,...