Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Présidentielle - Les passions gomment le tabou exigé par les décideurs Un climat politique malsain, qui risque d’avoir de lourdes retombées économiques

Le pays politique, mais aussi socio-économique, traverse une phase littéralement empoisonnée. Par les luttes d’influence articulées sur la prochaine présidentielle. Et qui sont d’autant plus nocives qu’elles restent sournoises. En effet ni les haririens ni les lahoudistes ne déclarent franchement que l’enjeu réel c’est la présidentielle. Ou, plus exactement, les chances de maintien au pouvoir de l’un ou l’autre camp, qui cherchent leur salut propre dans l’élimination du vis-à-vis. Les arrière-pensées sont d’autant plus évidentes que d’autres leaderships n’hésitent plus à mettre les points sur les i. En traitant franchement, ouvertement, sans circonvolutions verbales du fond même du problème. C’est-à-dire de leurs positions respectives par rapport à l’échéance d’automne, vue sous l’angle de l’avènement d’un nouveau régime. Ou sous celui de la prorogation. On sait en effet que des pôles du calibre de Sleiman Frangié, de Walid Joumblatt ou de Nagib Mikati se sont prononcés sans tergiverser. Pour exprimer notamment leur préférence pour le respect des règles constitutionnelles démocratiques ; tout en n’excluant pas de se rallier à la reconduction, si les circonstances (et les décideurs) l’exigent. On peut se demander pourquoi, dans les salons comme partiellement sur la scène publique, le tabou réclamé par la Syrie, qui estime tout débat sur la présidentielle non seulement prématuré mais dangereusement déstabilisateur, n’est plus respecté. Cela peut en effet paraître d’autant plus étonnant que nul n’ignore que la décision finale est aux mains des Syriens eux-mêmes. La réponse à cette question est cependant assez simple. D’abord, l’enjeu est trop important, voire crucial, pour nombre de parties locales. Qui craignent d’être débordées, dépassées, si elles ne font pas acte de présence dès à présent. Ou qui souhaitent (cela peut se compléter) entamer une phase de prénégociations en se dotant d’atouts précis. Ce qui nous amène, tout naturellement, au deuxième point, qui peut se révéler d’une importance extrême. À savoir que, cette fois, la Syrie a défini de nouvelles règles de jeu, par la bouche de son président Bachar el-Assad. Qui a déclaré que le choix sera laissé aux Libanais. Pour peu que l’élu satisfasse à deux conditions : la compétence et l’attachement à la chose arabe, entendre au jumelage. Partant de là, les protagonistes locaux sont en droit de penser que l’on va tenir compte, dans la prochaine édition, sinon de la volonté, du moins des vœux des Libanais. Ce qui n’était pas antérieurement le cas. Une impression renforcée par la ligne que défendent, dans les médias comme dans leurs contacts, les hérauts quasi officiels de la Syrie. Éléments qui insistent toujours, depuis plusieurs mois déjà, sur l’audience qu’il faut accorder aux souhaits du patriarche Sfeir. Manœuvres Il y a donc, apparemment, de la marge pour une action intra muros et les professionnels tentent d’en profiter. Mais ils restent parfaitement conscients du fait que tout dépendra, en définitive, de l’état des relations entre la Syrie et les États-Unis, grands électeurs homologués de la présidentielle libanaise. Cette ultra-réalité est du reste soulignée par les trois pôles susmentionnés, Joumblatt, Frangié et Mikati. Pour le moment, malgré la volonté de dialogue positif affichée par la Syrie, ces rapports restent tendus. L’Amérique maintient en effet ses exigences et poursuit ses critiques. Avec une insistance qui incite nombre de spécialistes à penser que Damas va être obligé de radicaliser ses positions (Cf. L’Orient-Le Jour d’hier). De plus, les USA ont clairement fait savoir qu’ils n’admettraient pas que la présidentielle libanaise constitue une carte de négociation que la Syrie pourrait utiliser à leur égard. La tentation de relever le gant, en faisant élire une personnalité libanaise qui serait persona non grata aux yeux de Washington, paraît grande. Mais la plupart des observateurs s’accordent à estimer que la Syrie ne souhaite pas adopter une attitude de défi menant à une rupture définitive des ponts. Quoi qu’il en soit, il est évident, aux yeux de tous, que l’évolution de dossiers comme l’Irak, le processus de paix, l’intifada et la résistance pour Chebaa pèsera lourd dans la balance de la présidentielle libanaise. Si cette échéance devait intervenir demain même, beaucoup pensent que l’option de la reconduction serait la plus commode. Certes, elle offrirait le désavantage de ne pas répondre au souhait occidental (européen aussi bien qu’américain) de respecter l’alternance démocratique. Mais elle ne constituerait un camouflet pour personne, car il n’y a nulle part d’hostilité virulente à l’encontre du régime libanais en place. Il reste que les échauffourées enregistrées sur la scène locale secouent une économie déjà bien malade. Encore une fois, comble d’ironie, ce sont les responsables qui mettent en garde contre ce syndrome. Ainsi dans ses dernières déclarations, Hariri met l’accent sur le ralentissement de la productivité, sur le marasme accru, en soulignant que le mal doit être attribué au climat politique. Plus exactement, avoue-t-il, aux effets des rapports conflictuels entre les tenants du pouvoir. Problème qu’il souhaite voir résoudre dans les meilleurs délais. Sans préciser ce qu’il est prêt à faire lui-même à cette fin. En fait les haririens et les lahoudistes se rejettent réciproquement la responsabilité du blocage de Paris II et de la réforme promise. Les partisans du régime affirment que leurs adversaires ont sciemment contré toute tentative de réforme pour empêcher la reconduction. Dans ce sens que la prorogation aurait été encore plus justifiée s’il y avait une œuvre déterminée à poursuivre. Ce même argument est retourné contre les lahoudistes par les haririens. Qui soutiennent quant à eux que la prorogation signifierait du même coup la prolongation de la crise politique et, partant, de la crise économique. La Syrie, de son côté, continue à penser qu’il est trop tôt pour parler de la présidentielle. Selon certains de ses fidèles, retour de Damas, les recommandations restent inchangées : calme sur la scène politique et appui au président Lahoud, sans pour autant ignorer les autres pôles. Philippe ABI-AKL
Le pays politique, mais aussi socio-économique, traverse une phase littéralement empoisonnée. Par les luttes d’influence articulées sur la prochaine présidentielle. Et qui sont d’autant plus nocives qu’elles restent sournoises. En effet ni les haririens ni les lahoudistes ne déclarent franchement que l’enjeu réel c’est la présidentielle. Ou, plus exactement, les...