Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

PERSPECTIVES - Les tractations vont bon train en coulisses en vue des scrutins de mai Les municipales pourraient ouvrir de nouveaux horizons politiques dans plus d’une région

L’échéance n’est pas encore d’une brûlante actualité. Elle fait déjà l’objet, cependant, de tractations en coulisses. Les élections municipales devraient avoir lieu, selon le ministère de l’Intérieur, à partir du 2 mai prochain. Ce scrutin, de par son essence même, est certes tributaire de considérations familiales, claniques et locales (dans le sens étroit du terme) qui sont propres à chaque localité ou quartier. Mais elles revêtent, malgré tout, une portée et une dimension politiques qui n’échappent à personne. En l’absence de développements notables à l’échelle nationale, cette échéance pourrait occuper prochainement, dans une certaine mesure, le devant de la scène. Au stade actuel, plusieurs inconnues demeurent en suspens : le sort de Beyrouth ; les grandes alliances qui pointent à l’horizon ; le cours de la bataille dans des localités qui peuvent avoir valeur de symbole ; le comportement des services étatiques et sécuritaires durant la phase qui précédera les scrutins... Pour des raisons diverses et évidentes, la bataille de Beyrouth revêt à elle seule une importance politique... capitale (sans jeu de mots). En 1998, grâce à l’attitude louable du chef du gouvernement, Rafic Hariri, un subtil équilibre communautaire avait été instauré au sein du conseil municipal. Il avait été convenu à l’époque – et M. Hariri avait parfaitement joué le jeu – qu’il reviendrait aux pôles chrétiens de choisir eux-mêmes (sans interférence de la part du Premier ministre) les douze représentants chrétiens au sein du conseil municipal (qui compte 24 membres). L’ancien ministre Fouad Boutros avait joué un rôle central sur ce plan. La désignation des douze chrétiens avait été ainsi le fruit de concertations entreprises avec les Forces libanaises, les Kataëb, certaines forces vives de la capitale et (d’une manière discrète) le métropolite de Beyrouth, Mgr Elias Audeh. Le PNL et le courant aouniste avaient refusé de se joindre à la liste consensuelle. Dans la perspective du scrutin de cette année, M. Hariri a pris les devants et a suggéré d’une manière unilatérale une reconduction pure et simple du conseil municipal actuel de Beyrouth (au sein duquel seuls les FL et les Kataëb sont représentés parmi les fractions chrétiennes, à raison d’un représentant par formation). Cette fois-ci, la position du Premier ministre a été perçue, aussi bien dans les milieux chrétiens que dans certains cercles sunnites, comme une tentative de se poser en décideur unique et incontesté dans la capitale. Cette réaction est compréhensible et elle sous-tend en réalité tout le débat autour du scrutin de Beyrouth. Car la conjoncture en 2004 n’est en rien comparable à celle de 1998. Lors des dernières élections, le Rassemblement de Kornet Chehwane n’existait pas. Quel que soit le jugement que l’on pourrait porter sur ce rassemblement, force est de reconnaître qu’il constitue désormais un passage obligé pour toute négociation portant sur la représentation chrétienne (à quelque niveau que ce soit). Suggérer, comme l’a fait M. Hariri, que le maintien de l’équilibre communautaire pourrait être préservé en reconduisant simplement dans leurs mandats les douze délégués chrétiens de 1998 revient à court-circuiter les nouvelles réalités apparues sur le terrain. Tout consensus dans la capitale doit passer nécessairement par Kornet Chehwane. Et toute tentative de consensus ne saurait occulter, en outre, le poids du courant aouniste, lequel a fait ses preuves lors du scrutin partiel de Baabda-Aley. En toute logique, les discussions et les tractations seront principalement axées dans les prochains jours sur ces nouvelles réalités et sur la manière d’en tenir compte dans le scrutin de Beyrouth, tout comme dans les autres grandes agglomérations. Le débat sur ce plan a d’ailleurs déjà été entamé au sein de Kornet Chehwane. À cet égard, l’ancien leader des Kataëb, Élie Karamé – qui jouit de l’estime et du respect de toutes les fractions de l’opposition –, joue un rôle clé en tant que rassembleur et catalyseur d’une vaste coalition regroupant tous les courants de l’opposition. Capitalisant sur les effets de la bataille électorale de Baabda-Aley, il s’emploie à maintenir la cohésion entre les diverses composantes de Kornet Chehwane, d’une part, et les aounistes, le courant de M. Nadim Béchir Gemayel et d’autres personnalités indépendantes, d’autre part, afin que cette vaste coalition puisse présenter un front uni (et donc des listes uniques) si possible à Beyrouth, mais en tout cas dans les principales localités où la bataille peut avoir une portée politique. Dans une déclaration faite hier soir, M. Karamé a fait montre d’un optimisme prudent quant aux chances de succès d’un tel projet. Sur les autres « fronts », de nouvelles données qui ne sont pas dépourvues d’intérêt pourraient apparaître et défrayer la chronique locale dans les prochains jours ou les prochaines semaines. D’aucuns envisagent déjà le scénario d’une alliance entre l’émir Talal Arslane et certaines fractions de l’opposition chrétienne, notamment les FL et les aounistes, dans le caza de Aley. Nous n’en sommes, certes, pas encore là, mais un tel ballon d’essai pourrait faire germer certaines idées dans la perspective des législatives de 2005. La bataille de Tripoli, quant à elle, revêtira sans aucun doute une signification politique de première importance. Elle devrait constituer, dans une certaine mesure, un prolongement de la bataille de Beyrouth, dans la mesure où, dans l’un et l’autre cas, c’est le leadership sunnite de M. Hariri qui sera en jeu. Dans cette seconde ville du pays, le chef du gouvernement croisera le fer, par le biais de puissants alliés locaux, non pas avec l’opposition chrétienne, comme ce sera peut-être le cas dans la capitale, mais avec son principal adversaire sunnite, M. Omar Karamé, lequel (le hasard fait bien les choses) est l’allié, pour l’heure, de certains pôles de Kornet Chehwane (Mme Nayla Moawad et M. Boutros Harb). Dans le sud du pays, c’est le leadership chiite qui sera en jeu. Fort de son statut de « résistant », le Hezbollah sera-t-il tenté de rafler la mise ou sera-t-il contraint (realpolitik oblige) de composer avec le mouvement Amal, en perte de vitesse ? Les deux formations chiites ont entamé des réunions de concertations au plus haut niveau, mais les perspectives d’alliances réelles ne sont pas encore très claires sur ce plan. À l’évidence, les tractations vont ainsi bon train dans les différents milieux concernés par ces échéances électorales. Mais comme à l’accoutumée, le traditionnel mot d’ordre lancé par le tuteur syrien ne manquera pas, au dernier quart d’heure, de fausser dans une large mesure le jeu électoral dans plus d’une région. Encore que dans le cas de municipales, la voix des électeurs peut quand même se faire entendre pour contrer le poids des éventuels rouleaux compresseurs. Une preuve que les circonscriptions restreintes peuvent assurer, plus que toute autre formule, la représentation la plus fidèle de la base électorale. Et donc des réalités sociocommunautaires du pays. Michel TOUMA
L’échéance n’est pas encore d’une brûlante actualité. Elle fait déjà l’objet, cependant, de tractations en coulisses. Les élections municipales devraient avoir lieu, selon le ministère de l’Intérieur, à partir du 2 mai prochain. Ce scrutin, de par son essence même, est certes tributaire de considérations familiales, claniques et locales (dans le sens étroit du...