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Actualités - OPINION

HUMEUR

Faisons un cinéma! Qu’il semble lointain l’heureux temps des séances de cinéma de trois à six, de six à neuf et de neuf à douze heures. Des horaires qu’il faisait bon respecter, pour ne pas, surtout pas, rater les «prochainement» En famille, en groupe ou en couple, les bras chargés de pulls et autres manteaux, au cas où il ferait froid, orchestre ou balcon et prix spécial, 60 piastres, un après-midi par semaine, pour des écoliers souvent fauchés, faire un cinéma, souvenez-vous, relevait du plaisir, un vrai programme. Qu’elles sont loin, revisitées, les prestigieuses salles, un peu trop prestigieuses, du Piccadilly, du Strand, du Colisée et toutes celles qui insufflaient à la rue Hamra une vie et une identité. Exit les rideaux rouges en velours, de préférence, les sièges trop beaux pour être vraiment confortables et l’odeur humide du temps qui passe. Ces salles avaient pourtant un charme indéfinissable qui ressemble à de la nostalgie. Aujourd’hui, elles sont plus petites, plus intimes, on peut mieux y sentir la présence de l’autre, le moindre chuchotement et tous les bavardages qui vont avec cette intimité souvent inconfortable. Certaines odeurs du passé y traînent encore, dont une, reconnaissable parmi toutes et certainement internationale, celle du très mythique et incontournable pop-corn, fraîchement cuit. Oui, certaines choses n’ont pas changé. Traditions respectées, mauvaises habitudes, le comportement de nos compatriotes est le même: arrivée en retard, souvent dix minutes après le début du film, mais qu’importe. Le voisin, concentré, lui, mais qu’importe, leur expliquera ce qui s’est passé; on cherche sa place, debout, devant l’écran, on discute avec l’ouvreur qui, pile en main, cherche le coupable, trouve ladite place occupée par une personne indisciplinée et entêtée qui refuse de se lever; discussions, menaces, l’échange peut enfin se faire. Revenons à notre film, enfin. Mais ce serait méconnaître les spectateurs dans la salle, qui aiment commenter les scènes, s’exclamer, s’indigner, rire quand il faut pleurer, parler quand il faut se taire. Qui ont une boîte de pop-corn à avaler et, croyez-moi, c’est long, une cannette de boisson gazeuse à siffler, puis des bonbons qu’il faut ouvrir, l’un après l’autre, en guise de dessert. Grincement de papiers jetés par terre mais, encore une fois, qu’importe. Quelqu’un se chargera de les ramasser. Le menu complet pour jeunes «cholestéroleux» tend à sa fin. Le film aussi, entrecoupé, faut-il le signaler, de cellulaires en crise de manque, de «Kifak habibé, je suis au cinéma, racontes…». Générique de fin et même, quelques instants avant, une foule qui se lève, impatiente de repartir faire son cinéma ailleurs. Probablement dîner, dans un des restaurants du centre-ville. Demandez-leur donc si le film était bon alors que vous avez contenu votre colère, lancé un «chut» poli puis un «vos gueules» inutile. Ils vous diront sans doute qu’il avait le goût prononcé de leurs en-cas. Il avait surtout le goût gras du mauvais goût. Carla HENOUD

Faisons un cinéma!

Qu’il semble lointain l’heureux temps des séances de cinéma de trois à six, de six à neuf et de neuf à douze heures. Des horaires qu’il faisait bon respecter, pour ne pas, surtout pas, rater les «prochainement» En famille, en groupe ou en couple, les bras chargés de pulls et autres manteaux, au cas où il ferait froid, orchestre ou balcon et prix spécial, 60 piastres, un après-midi par semaine, pour des écoliers souvent fauchés, faire un cinéma, souvenez-vous, relevait du plaisir, un vrai programme.
Qu’elles sont loin, revisitées, les prestigieuses salles, un peu trop prestigieuses, du Piccadilly, du Strand, du Colisée et toutes celles qui insufflaient à la rue Hamra une vie et une identité. Exit les rideaux rouges en velours, de préférence, les sièges trop beaux pour être...