Dessous, dessus et lingerie fine,
une tendance confirmée en 2004
La lingerie est une grande affaire. Dernier rempart avant la peau, dernière pelure, on l’inventa d’abord pour la pudeur, ensuite pour l’hygiène, très vite pour resserrer les chairs, modifier les contours de l’anatomie pour mieux les soumettre aux caprices de la mode. Dès lors, les hommes n’ont eu de cesse d’imaginer la dernière agrafe qu’on détache, la dernière ficelle à dénouer, le dernier élastique à détendre, la dernière dentelle où transparaît le corps, et cette dernière peau contre la peau, encore imprégnée de chaleur. Vêtement ultime, le linge est chargé d’émotion. Comment alors, dans notre ère de l’immédiat, susciter l’émotion avant le moment crucial du déshabillage? Les stylistes ont tout compris. Ils ont baissé la taille des pantalons pour laisser deviner la ficelle du string. Ils ont transformé la «combinaison», objet désuet contre la transparence, en «top» à part entière, à porter parfois sans rien dessus. Désormais, la lingerie tient un Salon ouvert au grand public, avec des défilés luxueux qui n’ont rien à envier aux grands shows de la haute couture. Désormais, les grands faiseurs annoncent les tendances et inclinent les goûts. Cette année, comme jamais, la lingerie s’affiche, et le vêtement, complice, fait de tout pour la dévoiler. La culotte revient, et aussi le balconnet. La dentelle triomphe, et pas que pour les femmes. De plus en plus les hommes veulent séduire au-delà des vieux codes qui leur sont assignés. Saint Valentin, ce coquin, nous en réserve de belles, la séduction est de plus en plus piégée, mais on vous aura prévenus!
Salon de la lingerie : la culotte couvrante est de retour
Le string représente aujourd’hui 25% des ventes de slips, mais la culotte couvrante et le petit boxer sexy échancré annoncent leur grand retour. «On continuera de voir la culotte dépasser du jean taille basse mais ce sera plus joli que le haut du string car la ceinture sera faite, par exemple, de dentelle», explique Claire Jonathan, directrice de la division lingerie d’un Salon qui présente aussi des vêtements de nuit ou d’intérieur.
Cette nouvelle culotte, qui pourrait être un bloomer revisité, permet aussi de «faire appel à la broderie, à de nouvelles matières que le string n’utilisait pas ou peu, comme le satin, la soie, les petits nœuds, les volants, etc., ainsi qu’à des couleurs vives acidulées».
Le sexy-sport gagne aussi du terrain, notamment chez les jeunes, avec des associations boxer et débardeur sans couture. Pas question donc de revenir à la culotte de grand-maman, car la lingerie d’aujourd’hui se situe résolument dans le «prêt-à-sortir», pour paraphraser le «prêt-à-porter», dit Mme Jonathan.
Vanina Vesperini, 33 ans, a lancé en 1996 sa propre marque, en proposant des sous-vêtements raffinés à l’extrême, conçus pour être portés comme des pièces de dessus. «J’ai toujours considéré la lingerie comme un élément de la garde-robe à porter dessous ou dessus selon ses humeurs», explique-t-elle. «Puis, en 1998/1999, les créateurs ont commencé à intégrer la lingerie dans leurs collections, les grands distributeurs ont suivi et, aujourd’hui, la frontière avec le prêt-à-porter s’est amoindrie», ajoute la jeune femme, dont les lignes sont vendues aujourd’hui dans le monde entier et qui a été désignée créatrice de l’année par le Salon.
Les corsets ont en effet poussé sous les vestes de tailleurs, les combinettes s’affichent par-dessus les jeans ou un smoking, la dentelle se porte même avec un blouson biker et des bottes de motard. La femme n’a plus une seule sorte de lingerie mais plusieurs pour afficher son état d’esprit et changer de registre selon le moment de la journée. De même il n’y a plus un type de lingerie en fonction de l’âge de la consommatrice. Ce que Claire Jonathan définit comme une histoire de «moi multiple». «Il y a un temps pour le bien-être avec le nouveau homewear-streetwear “dedans-dehors”. Ce sont des tenues sans contrainte pour les femmes qui travaillent chez elles et sortent faire leurs courses sans se changer. Ce sont les nouveaux joggings aux détails séducteurs», explique-t-elle. Il y a aussi un temps pour le romantisme du vintage chic reprenant les détails soignés de la garde-robe des grand-mères avec des laçages, des petits noeuds partout, des rubans, comme une impression de fait main, une pièce unique à l’heure de la mondialisation.
La lingerie peut aussi défiler dans la rue version rock glamour, version «good girl» en blanc et «bad girl» en noir. D’une manière générale, la sophistication des produits se confirme avec un net retour des matières valorisantes (dentelles, satin, soie, bretelles, bijoux, etc.). Le corset est toujours au top comme l’élément de séduction dessous-dessus tandis que les soutiens-gorge se renouvellent avec, par exemple, la montée des demi-bonnets. Les couleurs sont douces, apaisantes, couleurs thé ou rose poudré. Le rouge profond est décliné à l’infini, tandis que le noir est présent partout seul ou associé aux coloris bonbon.
Les hommes aussi
Fermé, ouvert, flottant ou collant sur la jambe, ultracourt et même string, en fibre high-tech, incrusté de dentelle ou de strass: le monde du sous-vêtement masculin réserve des surprises à ceux qui en seraient restés au coton blanc.
Les ventes de sous-vêtements masculins ont augmenté de 2,3% en France sur les 11 premiers mois de 2003 (par rapport à 2002), selon une étude réalisée pour le Salon international de la lingerie, qui a eu lieu fin janvier à Paris. Le Français a dépensé en moyenne 19,30 euros en sous-vêtements en 2002, cinq fois moins que la Française.
Mais l’avenir s’annonce radieux, assure Nathalie Generrat, auteur d’une autre étude sur le même sujet, pour l’Institut français de la mode (IFM). «Il y aura certainement une évolution significative à l’avenir car ça bouge au niveau de l’offre, dans les matières et les formes proposées aujourd’hui, selon elle. Les jeunes générations auront certainement une attente différente. Elles se détourneront des classiques, elles consommeront différemment».
Bien qu’en matière de sous-vêtements, le mâle français, comme son homologue allemand, soit plus aventureux que la moyenne, le marché a du potentiel.
À Paris, les petites boutiques de dessous masculins poussent comme des champignons, et elles attirent une clientèle extrêmement variée.
Michel Laurent a ouvert «Aux Garcons Martyrs» dans le IXe arrondissement, un quartier «familial» de la capitale, et il s’en félicite. «Je sentais que c’était un secteur en développement, explique-t-il. Nos clients ont entre 18 et 55 ans. Notre best-seller, c’est le string».
La garde-robe intime des hommes est un univers que connaît par cœur Georges Derennes, chef des achats de sous-vêtements masculins depuis 12 ans pour les Galeries Lafayette.
«En 12 ans, il y a eu une révolution, assure-t-il. Les hommes alors portaient tous des slips en coton blanc, un peu plus tard des slips imprimés classiques...». L’alternative était alors slip ou caleçon, prisé des Anglo-Saxons, avec ses jambes amples. Il avait ses adeptes, souvent «parce qu’il est coloré, avec des imprimés rigolos».
«Les strings pour homme, on en vend des tonnes, c’est la mode», dit Georges Derennes. «Le shorty (de forme caleçon, mais moulant), c’est plus élégant et plus agréable qu’un string», commente-t-il. Mais ce qui décolle vraiment, c’est «le coordonné haut et bas en fibre high-tech, assure-t-il. Le tee-shirt peut même être porté sans chemise, sous un costume ou pour sortir le soir».
Comme la lingerie féminine, le sous-vêtement masculin est de plus en plus une affaire de mode. Depuis Calvin Klein, qui a imposé sa marque sur la ceinture élastique, tous les Armani, Versace, Diesel ou Dolce&Gabbana s’y sont mis. Vendu entre 15 et 80 euros en magasin ou rayon spécialisé, le sous-vêtement masculin est à peu près aussi cher que le féminin.
Et ce sont toujours surtout les femmes qui les achètent: à 60%, selon l’Institut français de la mode, mais ce pourcentage diminue. «De plus en plus d’hommes font leur shopping eux-mêmes, explique Olivier Josserand, porte-parole du Printemps. Et comme ils créent la demande, de plus en plus de marques lancent des collections masculines».
Les dessous chics de Chantal Thomass
«pour se faire plaisir avant de séduire»
Chantal Thomass, la «reine des froufrous», a renoué avec le défilé de lingerie, après huit ans d’absence sur les podiums, en présentant une collection automne-hiver 2004 élégante et sexy «pour se faire plaisir avant de séduire».
Dans le cadre baroque de la salle Wagram, ancien temple de la boxe et de la virilité transformé en boudoir capitonné, une trentaine de mannequins ont défilé en soutiens-gorge bandeaux, porte-jarretelles, strings, guêpières et corsets – le dessous fétiche de la créatrice –, le tout rehaussé de fines dentelles, tulles, applications de satin ou imprimés fantaisie.
«Cette collection s’adresse à des femmes actives, à l’aise et qui s’assument. Le côté sexy pour séduire est dépassé. Désormais, on est sexy avant tout pour soi, a expliqué Chantal Thomass. La lingerie est d’abord un état d’esprit et une mode à part entière. Il faut jouer avec les dessous comme avec les vêtements qui se voient».
Les années 1930 et le style pin-up, en hommage à Marylin Monroe, sont célébrés par le grand retour du balconnet pigeonnant que Chantal Thomass décline aussi avec une première collection de maillots de bain, en une ou deux pièces.
«Le balconnet est idéal à la plage, car il n’écrase pas les seins», estime la créatrice qui remet au goût du jour le «maillot jupe», à la plage ou à la piscine, pour allonger la silhouette. La culotte-short s’invite aussi en dessous chic.
Très applaudie notamment par son compagnon, le couturier Jean-Charles de Castelbajac, la comédienne Mareva Galanter, ex-Miss France, a présenté un ensemble de bain et son peignoir assorti peint à la main. Autre pièce maîtresse de la collection, un corset en satin noir et ses émoustillants lacets rouges.
Quelques chiffres, par Ipsos
La lingerie,
objet de séduction
Le 20 octobre 2003, Les Galeries Lafayette ont ouvert à Paris le plus grand espace lingerie du monde. Pour marquer l’évènement, ce grand magasin a demandé à l’institut Ipsos d’interroger les Français sur la lingerie, en tant qu’objet de séduction. Effectivement, la lingerie fonctionnelle et discrète a laissé la place à l’accessoire de mode. Dentelle, coton, string, balconnet… Entre hommes et femmes, les avis divergent. L’incohérence de certaines réponses, selon le sexe des interviewés, montre que le fantasme prend parfois le pas sur la réalité.
La lingerie, nouvelle star
de la garde-robe féminine
La lingerie est enfin devenue importante dans la vie des femmes! Preuve en est, neuf Français sur dix, femmes et hommes, estiment que la lingerie, «c’est tout le temps important». Elle occupe une place essentielle dans la garde-robe de 85% des femmes. Pour 86% des interviewés, la lingerie a beaucoup évolué depuis quelques années. D’une lingerie fonctionnelle et discrète, on est passé à une lingerie accessoire de mode. Aujourd’hui, neuf femmes sur dix achètent de la lingerie «pour se faire plaisir».
String ou culotte en coton,
les avis divergent
La lingerie en dentelle fait l’unanimité et reste le must en matière de séduction pour 48% des femmes et 40% des hommes. Ensuite, les avis divergent. Le soutien-gorge et le slip tout coton symbolisent la séduction pour 30% des femmes mais seulement 7% des hommes, qui lui préfèrent, dans 25% des cas, le string et le balconnet. Si 17% des hommes préfèrent leur partenaire en tenue d’Ève, seules 3% des femmes se trouvent séduisantes nues. Fin d’un mythe, la guêpière ne fait en revanche plus recette. Seuls 1% des femmes et 4% des hommes estiment qu’elle rend les femmes séduisantes.
Les femmes ne consultent
jamais leur conjoint
En matière de lingerie, les hommes ne sont pas consultés, mais ne s’en plaignent pas. De toute façon, une femme sur deux n’achète jamais sa lingerie en fonction des goûts du partenaire. Mais 31% des femmes achètent de la lingerie pour séduire et 18% quand elles ont un nouveau partenaire. Faute de goût ou indifférence? Ce manque de consultation de la population masculine n’a pas l’air de gêner les hommes: 54% d’entre eux ne demandent jamais à leur partenaire d’acheter sa lingerie en fonction d’eux. Les plus concernés – la fameuse crise de la quarantaine? – sont les 35/44 ans: 23% d’entre eux s’impliquent vraiment et interviennent dans le choix des sous-vêtements de leur femme.
De la lingerie pour dire
je t’aime
De la lingerie en cadeau? 22% des femmes et 25% des hommes estiment que recevoir ou offrir de la lingerie est une façon de dire «je t’aime» même si 24% des hommes avouent ne rien y connaître. Attention tout de même: pour plus d’une femme sur cinq, la lingerie est trop personnelle pour être offerte; 21% sont d’ailleurs totalement indifférentes à ce genre de cadeau.
Un petit strip-tease en jolie
lingerie, le fantasme
de quatre hommes sur dix
81% des femmes disent ne rien faire en particulier quand elles portent de la jolie lingerie, mais seulement 51% des hommes affirment la même chose. Qui dit la vérité? Soit les femmes n’osent pas en parler, soit les hommes confondent-ils fantasme et réalité, l’enquête ne permet pas de trancher. Un homme sur cinq semble heureux que sa compagne réalise de temps en temps un petit numéro de strip-tease (moins d’une femme sur dix déclare le faire) et un sur quatre aimerait beaucoup que cela lui arrive. La célèbre scène du film 9 semaines et demi n’est pas si loin dans les esprits…
RUBRIQUE RÉALISÉE PAR FIFI ABOU DIB
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