Rechercher
Rechercher

Actualités

CONCERT - Solomon Burke et Otis Grand à Eddé Sands La soul est un sexagénaire énorme(photos)

Monarque flamboyant à la tête d’un orchestre bigarré, avec force cuivres et guitares, bishop Solomon Burke a livré un sermon définitif pour marquer l’inauguration officielle du complexe balnéaire Eddé Sands-Jbeil. L’auguste personnage est apparu sur une scène trop équipée en sons et lumière (elle aurait mieux servi les Rolling Stones), trop élevée, trop éloignée des disciples – qui n’ont pas tous pris la peine de s’approcher – pour rendre l’âme véritable de la Soul Music. Mais l’ineffable a quand même réussi un concert émouvant et fort, puissamment évocateur de ce que peut produire un homme sincère et généreux, entouré de musiciens de grand talent. Ayant assuré, en toute honorabilité, la première partie de la soirée, le guitariste Otis Grand a fait de son mieux pour chauffer l’atmosphère.

Avec Jimmy Thomas au chant, Ibrahim Jaber à la darbouka, Gilbert au qanun, Enrico au piano, Otis Grand a offert un bel ensemble de classiques du Blues, de BB King ou de sa propre composition, tel ce Blues for Lebanon, un hommage au pays qui l’a vu naître et qu’il a dédié à ses amis « Kamal, Issa, Tony et autres membres du Monday Blues Band, gardiens du temple bleu au Liban ».
Pas vraiment nombreux donc, ceux qui ont foulé le sable encore tiède d’une journée caniculaire. Face au trône royal qui va accueillir l’auguste séant de l’homme surnommé le King of Rock’n Soul, une centaine d’intrépides attendent l’arrivée de Solomon Burke.
Comme on le sait, un concert de jazz est avant tout, du point de vue des grandes catégories, une manifestation sportive qui est surtout interactive. Il est vrai que l’ampleur de l’événement avait attiré, en faveur de Burke et de Grand, un public composite. Il y avait là une certaine proportion d’esprits déliés pour qui le blues et la soul ne sont pas sujets d’horreur. Mais l’on identifiait également plus d’un curieux mal inquiété dans sa foncière indifférence et quelques douzaines d’aznavouriens qui s’étaient trompés d’heure, de jour, de lieu et même d’année.
Comment expliquer autrement une certaine passivité du public, plus occupé à faire des salamaleks ou à garnir son tube digestif qu’à savourer les joies de cette musique énergisante et la présence magnétique du prêcheur à la voix d’airain ?
Certains ont trouvé leur bonheur ailleurs : dans les buffets, dans la boisson ou en se « nombrilisant » (activité prisée par la gente féminine consistant à se promener le nombril à l’air, à faire cascader sa longue chevelure sur une épaule et à faire coincer ses talons aguilles entre deux planches de bois, deux grains de sable ou deux brins de gazon), ou encore en posant pour les nombreux photographes. Ce ne sont finalement que quelque cent âmes (par rapport aux 1 500 présentes cela ne constitue même pas 10 % de l’assistance) qui ont été véritablement touchées par Burke.

« Easy, easy »
Mais il en faut plus pour perturber le Bishop qui a démarré sa carrière il y a maintenant un demi-siècle. Accompagné par deux guitaristes, un bassiste, un batteur, un pianiste, un organiste, trois cuivres (trombone, saxos alto, ténor et baryton) … et une harpe, Solomon Burke interprète certains titres de son dernier album et des classiques qui ont fait sa gloire. Il excelle aussi, sinon davantage, dans l’art de faire monter votre température dans la transe en danse générée par ses interprétations de Hot Spot, ou encore Always Keep Down your Mind… Le tout entrecoupé de ballades soul qui vous remuent doucement la potion dans la marmite et dont vous ne pourrez vous passer. Il y eut également des incursions bienvenues dans les répertoires soul classique, à travers deux medleys soigneusement choisis, faisant revivre le répertoire d’Otis Redding, de Don Covay ou de Joe Tex.
Ce personnage truculent engage facilement la discussion avec le public, offre aux femmes de magnifiques roses rouges, qu’il puise dans deux vases bien garnis posés à ses pieds. D’un geste rapide et précis, en répétant « Easy, easy » (doucement), il imprime sans conteste toutes les subtilités des arrangements nécessaires à son répertoire : breaks impeccables, passages silencieux immédiatement exécutés, ponts, introductions rapides et enchaînements naturels des morceaux se feront dans une entente totale avec son groupe.
Entre deux morceaux, il prêche l’amour : « Aimez votre entourage, votre famille, vos amis, ceux qui vous font vivre ou vous donnent votre importance par leur amour et leur estime »... Le tout ponctué de phrases incisives, mille fois entendues, qui pourtant nous piègent et nous piègeront toujours. Et le bon gros roublard de nous mettre dans la petite poche de son trois-pièces pailleté. Juste comme ça.
Il a une voix légère et profonde, une énergie qui n’a pas besoin de ses mouvements. L’heure et demie du concert de Burke semblait durer dix minutes. La soul est là, avec sa sueur, son frénétique esprit de communion. La soul est un sexagénaire énorme.

Maya GHANDOUR HERT
Monarque flamboyant à la tête d’un orchestre bigarré, avec force cuivres et guitares, bishop Solomon Burke a livré un sermon définitif pour marquer l’inauguration officielle du complexe balnéaire Eddé Sands-Jbeil. L’auguste personnage est apparu sur une scène trop équipée en sons et lumière (elle aurait mieux servi les Rolling Stones), trop élevée, trop éloignée des disciples...