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MÉDIAS - Le ministre irakien de l’Information, « un héros qui a le courage de ses mots » Les Libanais ont fait de Sahhaf la star de leur petit écran(photo)

«Ces mercenaires finiront en enfer. Dieu se chargera de les rôtir à l’aide des braves soldats irakiens. » Tout le monde aura reconnu le langage imagé dont use depuis le début de la guerre le ministre irakien de l’Information, Mohammed Saïd as-Sahhaf. S’il est vrai qu’il emploie de moins en moins les termes de « oulouj » (sangsue) ou de « taratir » (imbéciles), des mots qui sont entrés dans le vocabulaire libanais, celui de « awghad » (racaille), par contre, semble être son vocable favori puisqu’il continue de fleurir pratiquement tous ses discours. Devenu presque une star au Liban, cet ancien professeur de littérature a charmé un nombreux public libanais qui voit en lui un « héros légendaire qui a le courage et l’intelligence de ses mots ». Son succès se mesure au nombre et à l’originalité des jurons qu’il adresse à l’ennemi anglo-saxon. Dans les cafés, les salons, les salles de rédaction, le nom d’as- Sahhaf revient sur toutes les lèvres, inéluctablement suivi de rires aux éclats. Dire que peu de Libanais ont réussi à se soustraire au charme de ce ministre pas comme les autres ne relève point de l’exagération. Les responsables irakiens l’ont bien compris : ici, nous sommes sur le terrain de la guerre médiatique et c’est désormais le ministre de l’Information, personnage charismatique au verbe facile, qui occupera les écrans télévisés. Pour dire une certaine vérité, parfois pour la camoufler, souvent pour divertir et remonter le moral des troupes ou celui des habitants, mais aussi pour décourager et humilier un ennemi redoutable à coups d’expressions blasphématoires couplées d’un jeu de désinformation dont ils ne se sont pas privés eux-mêmes. « Moi qui ne regarde jamais la télé, j’ai succombé à son charme, confie Leila, 37 ans, qui avoue être quand même du côté des Américains. Pourtant, dès que je le vois, je ressens tout à coup comme un attendrissement que je ne saurais expliquer. » Pour Leila, c’est le fond aussi bien que la forme qui comptent. « Non seulement je trouve qu’il est plutôt séduisant » – il faut dire que ce sexagénaire au costume militaire a un air plutôt bonhomme – « mais je l’écoute de bout en bout dans les moindres détails, moi qui ne m’intéresse jamais à la politique », dit-elle en indiquant toutefois qu’elle ne croit pas un seul mot de ce qu’il dit. Par quel tour de magie Mohammed Saïd as-Sahhaf réussit-il à captiver son public ? À quoi imputer un tel succès ? Pour Joumana, l’explication est simple : les Libanais sont charmés par les mises en scène concoctées à chaque circonstance, les scénarios qu’il traduit dans un style tout à fait personnalisé, dans un langage propre à lui. « Ce matin par exemple, il a choisi de donner sa conférence de presse auprès de son lit pliant au ministère, histoire de démontrer que rien ne s’est passé dans ce périmètre et que les “awghad” ont été repoussés. C’est tout de même assez drôle », dit-elle. Imad, lui, est sensible à la terminologie employée. En bon journaliste, il ne donne pas beaucoup de crédit à ce que dit M. Sahhaf, « bien que certaines informations données par lui se sont vérifiées par la suite ». Il souligne toutefois qu’il faut se méfier du contenu et vérifier à chaque fois les informations qu’il distille à coups de blagues. Fasciné par son discours, Salah parle du « jihad de la parole», cette autre manière « d’exprimer sa résistance ». « Sahhaf a raison car la coalition n’est rien d’autre qu’une alliance de mercenaires », dit-il. « Les Américains ont leur Tommy Franks, nous avons notre Sahhaf », affirme ce jeune de 24 ans. Ali, quand à lui, le trouve non seulement drôle mais « un peu plus crédible que les Américains, qui pratiquent une politique de désinformation totale ». Mais, il faut le reconnaître, la star ne plaît pas à tout le monde. Ceux qui le critiquent sont moins nombreux que ses admirateurs, mais le sentiment qu’ils éprouvent envers lui n’en est pas moins radical. Bref, ils ne voient en lui qu’un « guignol » qui essaye de dévier l’attention de l’opinion d’une guerre aux enjeux dramatiques. Hassan, 29 ans, le déteste tout comme il hait tous les membres du régime irakien. Le fait que sa famille ait la nationalité américaine n’a rien à voir dans sa prise de position. « J’éprouve une compassion pour les Irakiens. Je ne peux tout de même pas oublier que ce ministre incarne après tout un régime qui a opprimé son peuple pendant des années », dit-il. Khalil, 26 ans, est de son avis, puisqu’il estime que cet homme, au-delà de sa performance, « ne fait que représenter son gouvernement ». Reconnaissant qu’il a quelque part un côté « plaisant », du moins « pour les autres », il ne veut surtout pas que l’on occulte le fait que Sahhaf – certains se trompent d’ailleurs en l’appelant Saffah ou le « boucher », (lapsus bien significatif) – « fait partie de ceux qui ont commis des massacres contre son propre peuple ». Omar, 40 ans, un Saoudien de passage au Liban, le traite implicitement de menteur. « Il nous donne l’impression que tout va pour le mieux en Irak, alors que ce n’est pas le cas, du moins ce n’est pas ce que les images nous renvoient », dit-il en allusion aux nombreux blessés civils montrés par les médias arabes. Omar estime notamment que le langage populaire et « impoli » utilisé par le ministre « n’est pas sérieux ni digne de sa position ». « Et puis, il exagère tellement les choses », s’exclame-t-il. « Les infidèles se suicident par centaines aux portes de Bagdad. Dieu a donné la victoire aux soldats et à l’Irak. Bagdad est en sécurité, soyez-en assurés », avait affirmé M. Sahhaf hier au cours de sa conférence de presse. Mais n’est-ce pas justement ce côté exagération et défi qui contribue à le rendre tellement sympathique aux yeux du public ? Jeanine JALKH Le visage et la voix d’un Saddam insaisissable Un béret noir militaire vissé sur la tête, un sourire amusé flottant aux lèvres, le ministre irakien de l’Information Mohammed Saïd al-Sahhaf est devenu en trois semaines la voix et le visage familiers de l’Irak alors que Saddam Hussein, traqué par les forces anglo-américaines, demeure insaisissable. Interlocuteur privilégié des journalistes couvrant la guerre à Bagdad, M. Sahhaf semble n’être jamais impressionné par les succès militaires revendiqués par les assaillants, même lorsqu’ils ont pu être recoupés par des reporters ou cameramen étrangers. Peu en vue avant le début de la guerre, Sahhaf, 63 ans, n’apparaît plus sans son béret noir, sa tenue militaire kaki et son pistolet à la ceinture. Professeur de littérature arabe dans les années 60, Sahhaf a été ministre des Affaires étrangères de son pays pendant près de dix ans, jusqu’en 2001, après avoir été ambassadeur dans plusieurs pays européens et d’Amérique latine et aux Nations unies. Auparavant, il avait occupé un poste de direction à la radio et à la télévision irakiennes. Ses relations avec Saddam Hussein semblent sans nuages mais elles sont plus froides avec son fils Oudaï, qui l’a critiqué par le biais de son journal Babel. C’est à cette époque que Saddam Hussein l’a écarté des Affaires étrangères, pour le placer à la tête de l’Information.
«Ces mercenaires finiront en enfer. Dieu se chargera de les rôtir à l’aide des braves soldats irakiens. » Tout le monde aura reconnu le langage imagé dont use depuis le début de la guerre le ministre irakien de l’Information, Mohammed Saïd as-Sahhaf. S’il est vrai qu’il emploie de moins en moins les termes de « oulouj » (sangsue) ou de « taratir » (imbéciles), des...