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Bush imperator
Par *, le 15 mars 2003 à 00h00
Une alliance atlantique, hier unie comme un seul homme lorsqu’il s’était agi de bouter l’envahisseur irakien hors du Koweït, aujourd’hui déchirée ; l’Onu au bord de la fracture, peut-être même d’un naufrage dont il est difficile d’imaginer quelles épaves demain surnageront ; la haine d’une certaine Amérique, plus vive qu’à aucun moment par le passé ; des gouvernements, tel celui de Tony Blair, déstabilisés et d’autres qui le seront, à n’en point douter, quand sera déclenchée la bataille de l’Armaguedon voulue par les stratèges de Washington. Le déluge de fer et de feu ne s’est pas encore abattu sur l’Irak qu’on en voit déjà les dommages collatéraux et qu’il est permis de s’interroger : le président le plus mal élu de l’histoire des États-Unis serait-il passé à côté de la victoire avant même que d’être entré réellement en campagne, simplement parce qu’il a dû se rabattre, faute de mieux, sur le mauvais adversaire ? Le problème avec les faucons – et l’administration républicaine est incontestablement dirigée par un homme qui se croit appelé de droit divin à régenter notre bonne vieille Terre –, c’est qu’il leur faut constamment invoquer, pour asseoir leur autorité, des dangers venant d’États relativement petits mais présentés comme une menace pour l’humanité. Prétexte doublement commode... Tout pourtant, quelques heures à peine après ce funeste 11 septembre, avait concouru à assurer à George W. Bush un nouveau départ, avec une mobilisation massive aux côtés de cette Amérique blessée dans son orgueil et qui se découvrait brutalement vulnérable. Avec, aussi, la visite de son président au Ground Zero et ce discours qui avait galvanisé le pays, donné l’impression à l’Occident qu’un nouveau leader venait de naître, glacé d’épouvante tous ceux qui se voyaient en héritiers du cerveau qui avait planifié les attaques. La chute du régime taliban qui s’était ensuivie semblait annonciatrice d’autres victoires à venir en Afghanistan même mais aussi, disait-on à Washington, ailleurs dans le monde et jusque dans les lointaines forêts où se terraient les hommes d’Abu Sayyaf. Force est de se rendre à l’évidence : à ce jour, ce diable d’Oussama Ben Laden et ses plus proches compagnons semblent plus insaisissables que jamais, même si, et comme pour entretenir l’intérêt, on annonce l’arrestation (encore sont-ce les services secrets pakistanais qui s’en chargent...) de quelque lieutenant falot, présenté comme un redoutable comploteur. Sur ce semi-échec sont venus se greffer d’autres éléments qui paraissent avoir grandement contribué au choix de l’option irakienne, comme – l’énumération est loin d’être exhaustive – d’abord la récession économique qui traîne en longueur et menace même de s’aggraver, réduisant à néant le plan de relance élaboré par la Maison-Blanche, loin par ailleurs de faire l’unanimité des spécialistes, à commencer par Alan Greenspan lui-même ; ensuite l’échéance de 2004, difficile année d’élection présidentielle qu’abordera l’actuel locataire de la Maison-Blanche alourdi par le boulet du terrorisme et celui de l’essoufflement économique. À moins précisément d’une guerre contre l’Irak, présentée par le chœur des Savonarole qui entourent George W. Bush comme une expédition punitive contre un dirigeant arabe honni par ses pairs et dont la chute marquera le point de départ d’un processus de démocratisation censé englober, grâce à un irrésistible effet de contagion, l’ensemble des pays de la région. Voilà pour le grand dessein yankee. Dont les auteurs, l’inquiétant Paul Wolfowitz entre autres, taisent pudiquement des motivations moins wilsoniennes comme la mainmise sur les secondes réserves pétrolières du monde, c’est-à-dire sur le contrôle du robinet commandant l’irrigation des nerfs de l’industrie européenne et japonaise, mais aussi la future irruption d’Ankara (quatre-vingt-deux ans après le traité de Sèvres) dans un monde arabe en pleine déconfiture et qui se retrouverait dès lors asphyxié par une tenaille turco-israélienne. Comme encore cette redéfinition de la carte régionale à laquelle Colin Powell faisait brièvement allusion, sans en révéler les détails tant, semble-t-il, elle en est encore à l’état embryonnaire. Est-ce à dire que vers l’Orient compliqué, le président US aurait appareillé avec des idées trop simples ? Tout permet de le croire. Car essayons d’imaginer le monde après le « Desert Storm II » à venir. Le baril de pétrole ayant atteint des cimes vertigineuses aura laissé exsangue une économie mondiale plutôt souffreteuse. La facture de la guerre, estimée pour les seuls Arabes à 110 milliards de dollars, atteindra des chiffres bien plus astronomiques pour l’ensemble de la planète, prédisent les experts. Sans parler des retombées internes sur nombre d’alliés de Washington, du fossé qui va se creuser davantage encore entre le Nord et le Sud, avec ses conséquences incalculables pour les deux zones. Un journal américain rappelait fort à propos, l’autre jour, la terrible expression prêtée au tyran Atrée : « Oderint, dum metuant » (Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent). Autrefois, la guerre de Suez, la crise des missiles de Cuba, les États-Unis avaient réussi bien plus habilement à les affronter. Vous avez dit habileté ? C’est que, mais comment l’oublier en ces jours, les présidents avaient nom à l’époque l’un Dwight Eisenhower, l’autre John Kennedy. Christian MERVILLE
Une alliance atlantique, hier unie comme un seul homme lorsqu’il s’était agi de bouter l’envahisseur irakien hors du Koweït, aujourd’hui déchirée ; l’Onu au bord de la fracture, peut-être même d’un naufrage dont il est difficile d’imaginer quelles épaves demain surnageront ; la haine d’une certaine Amérique, plus vive qu’à aucun moment par le passé ; des gouvernements, tel celui de Tony Blair, déstabilisés et d’autres qui le seront, à n’en point douter, quand sera déclenchée la bataille de l’Armaguedon voulue par les stratèges de Washington. Le déluge de fer et de feu ne s’est pas encore abattu sur l’Irak qu’on en voit déjà les dommages collatéraux et qu’il est permis de s’interroger : le président le plus mal élu de l’histoire des États-Unis serait-il passé à côté de la...
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