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Actualités - CONFERENCES INTERNATIONALES

Conférence - Quelles perspectives pour un ombudsman libanais ? Relations citoyens-administration : du clientélisme à la médiation

On ne peut qu’acquiescer avec Me Ibrahim Najjar, sur le bon timing d’une conférence internationale sur l’ombudsman, dit aussi «médiateur de la République». En effet, alors que la consultation électorale vient d’aboutir à l’élection de 128 députés, dont la majorité doivent leur succès à une pléthore de services personnels et à un réseau relationnel entretenu des années durant, il est peut-être grand temps de parler de la fonction de médiateur ou de protecteur du citoyen. Me Najjar exprimera cette idée en disant que la «médiation» ne peut que répondre aux vœux de réformes souhaitées par une population qui aspire à plus de démocratie. C’est dans cet esprit que s’est poursuivie la seconde journée de cette conférence organisée par l’Institut des droits de l’homme au barreau de Beyrouth. «Une institution comme la médiation ne se refuse donc pas. (…) À condition, en revanche, de ne pas la considérer comme une alternative à la réforme administrative souhaitée», affirme Me Ibrahim Najjar, lors de son intervention devant une assistance nombreuse, formée essentiellement de juristes et de médiateurs internationaux, venus partager leurs expériences avec leurs collègues libanais. «À l’exemple de très nombreux pays, on peut relever certes que tel député, chef de file ou de clan, tel Cabinet ministériel, tel richissime... créent ici et là des structures d’intervention. Mais le piston – dans le jargon cavalier des familiarités usuelles – ou l’intercession et les passe-droits ne sont pas la médiation», relève M. Najjar, en traçant la frontière entre l’institution du médiateur, telle que comprise dans les démocraties modernes, et la notion de «médiation» telle que pratiquée au Liban. Rappelant la définition de base du rôle de l’ombudsman, Bernard Stasi, médiateur de la République française dira : «La fonction essentielle du médiateur ou défenseur du peuple est d’aider le citoyen à régler ses litiges lorsque qu’il a le sentiment d’avoir été maltraité ou de ne pas avoir été traité équitablement par l’administration publique». M. Najjar complétera la formule en disant que l’institution n’est pas un substitut ou un concurrent à l’administration publique, mais un simple correctif, «destiné à colmater les brèches, du droit positif et déni de justice, voire aux différentes iniquités résultant d’une application aveugle de la loi, d’un vide législatif, d’un dysfonctionnement des pouvoirs». Mais si la vocation première et essentielle du médiateur est de régler les conflits entre les citoyens et l’administration, du moins dans les démocraties occidentales, comment peut-on concevoir le fonctionnement d’une telle institution dans un pays comme le Liban, où toutes les réformes administratives ont échoué jusqu’à présent, où le clientélisme est roi et où les tentatives de récupération sont aussi multiples que les confessions en présence ? Un débat d’autant plus délicat que les conférenciers ont unanimement insisté sur la question de l’indépendance du médiateur, une condition sine qua non, «l’essence même de la fonction», dira Bernard Stasi. L’ancien ministre Français relève que dans trois pays membres de l’Association des médiateurs francophones, les ombudsmans n’étaient, précisément, pas indépendants, leurs gouvernements ne leur donnant pas les moyens de fonctionner. «La médiation ne devrait pas être récupérée par la politique. L’indépendance et l’intégrité devraient être garanties par la loi», souligne Me Najjar, qui propose par ailleurs que cette institution soit un service gratuit, offert au citoyen, à la différence de la justice officielle au Liban. Le juriste n’oublie surtout pas de souligner la mosaïque confessionnelle libanaise. Il propose de tenir compte de la confession des médiateurs, dans la désignation du Conseil national de la médiation. Allant dans le même sens, M. Antoine Messara reviendra sur la question de la réforme administrative en soulignant qu’une réforme ne doit pas être considérée sous l’angle simplement structurel, en ce sens qu’elle ne consiste pas uniquement à rénover les bâtiments, ou à modifier les législations, mais doit nécessairement se fonder sur l’idée de services et de citoyenneté. «Réformer, dira M. Messara, c’est se demander en premier comment servir le citoyen» . Et le conférencier de plaider en faveur d’une collaboration étroite entre la société civile et l’institution de médiation, afin d’éviter une éventuelle récupération de cette dernière par le pouvoir. Une telle coopération devrait également servir à mettre en place un réseau de communication, un outil indispensable pour le médiateur qui doit pouvoir disposer de toutes les informations nécessaires pour le bon fonctionnement de son institution. Qualifiant le thème de la médiation, de «pièce maîtresse dans la défense des droits de l’homme, et de moment fondateur de la question des rapports entre citoyens et l’administration», il souligne que ce n’est en fin de compte qu’une question de «bonne gouvernance». «Volonté de proximité, une idée centrale dans la démocratie, volonté de communication, c’est-à-dire que les gens sachent de quoi il s’agit, et volonté de droits et devoirs», dit-il. Car, c’est à travers le principe de l’ombudsman que nous revenons au droit fondamental et surtout aux droits de l’homme. Le citoyen, dans ses rapports quotidiens avec l’administration, doit ressentir qu’il a de la dignité, qu’il est reçu comme tout le monde et «non pas à cause de ses moyens, de son piston ou de son réseau d’influence. C’est dans le contact journalier qu’il perçoit ou non s’il y a de l’égalité dans les rapports entre les gens», conclut le professeur. Le président de la République sera-t-il converti à l’idée ? Ses visiteurs ont cru comprendre qu’il est déjà convaincu que la médiation est un prélude à l’État moderne. Le «Bureau des réclamations», relevait Me Najjar, pourrait être «de la prose médiatrice», ou peut-être le prélude à un éventuel projet de médiation…
On ne peut qu’acquiescer avec Me Ibrahim Najjar, sur le bon timing d’une conférence internationale sur l’ombudsman, dit aussi «médiateur de la République». En effet, alors que la consultation électorale vient d’aboutir à l’élection de 128 députés, dont la majorité doivent leur succès à une pléthore de services personnels et à un réseau relationnel entretenu...