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Les souverainetés ébranlées par l'impératif humanitaire
le 06 mai 2000 à 00h00
L’évolution du droit international et des pratiques diplomatico-militaires ont ébranlé les notions de souveraineté et d’impunité au cours de la dernière décennie, qu’il s’agisse du Kosovo ou de l’affaire Pinochet, relève l’IISS. Le «principe humanitaire est en train de s’affirmer» et l’accélération de l’évolution vers un droit humanitaire international «aura à coup sûr un impact sur la conduite des nations», selon l’Institut international d’études stratégiques basé à Londres. Cette évolution ne va pas sans résistances. Les interventions de l’Otan au Kosovo, de l’Onu au Timor, en regard de la non-ingérence internationale en Tchétchénie, ont alimenté le débat sur la légitimité et la faisabilité de telles pratiques. Une intervention militaire en Tchétchénie «n’a jamais été une possibilité, ni politique, ni pratique», pas plus qu’elle ne le serait au Tibet, car la menace serait réelle de voir la situation dégénérer en conflit international, estime l’IISS, qui relève que la Russie et la Chine sont les plus ardents défenseurs d’une stricte souveraineté nationale. La Chine forme en outre avec les États-Unis «une alliance improbable dans le domaine des droits de l’homme» contre la Cour internationale de justice. Le Pentagone redoute que les troupes américaines, sollicitées au premier chef, ne se retrouvent en position d’accusées devant la CIJ à l’issue d’une intervention internationale. Créée en 1998 à Rome, la CIJ n’est qu’un des signes de la «volonté croissante de la communauté internationale de limiter la liberté d’action des États sur leur propre territoire». D’autres exemples en sont la création par l’Onu des tribunaux pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre en ex-Yougolsavie et au Rwanda, en 1993 et 1994. La «portée de ces développements n’est devenue claire» qu’avec l’arrestation de l’ex-dictateur chilien Augusto Pinochet à Londres, et les décisions de la justice britannique en 1998-99 de le dépouiller de l’immunité dont il se prévalait. Le cas Pinochet, suivi de près par l’inculpation pour tortures de l’ancien président tchadien Hissène Habré par le Sénégal, «reflète une conviction que la punition dissuadera d’autres violations» des droits de l’homme et que la législation en la matière «est universellement applicable». La situation a pareillement évolué fondamentalement en ce qui concerne les conflits armés, estime l’IISS et «les lois de la guerre et celles des droits de l’homme commencent à se confondre». Leur application «est devenue centrale pour la diplomatie internationale», tout d’abord parce qu’au cours des 20 dernières années «elles ont été violées plus gravement et plus fréquemment» que jamais, que ce soit en Irak, en Yougoslavie, en Somalie ou au Rwanda. Le droit humanitaire international, qui s’est développé «comme un droit d’intervention, mais non un devoir», relève l’IISS, impose d’agir lorsqu’il existe une menace contre la paix internationale. Le Conseil de sécurité de l’Onu a fait beaucoup pour établir qu’une crise humanitaire, même dénuée de tout élément interfrontalier, «présente une telle menace», estime l’IISS. Ainsi a-t-il autorisé les États-Unis à intervenir en Somalie et en Haïti, et une force de l’Onu à faire de même en Bosnie-Herzégovine et au Timor. En revanche, les interventions dites humanitaires mais menées sans la caution légale du Conseil de sécurité ont fortement divisé la communauté internationale. Ainsi en est-il allé de l’action contre l’Irak des États-Unis et du Royaume-Uni et surtout, de par son ampleur, de la campagne de bombardements de l’Otan au Kosovo. Dans ce dernier cas, soutient l’IISS, l’Otan a de fait agi sur la base de principes de l’Onu, qui a entériné son action a posteriori. Le Kosovo «constitue donc un précédent hautement significatif qui établit fermement en droit international le droit d’intervenir» même sans mandat de l’Onu.
L’évolution du droit international et des pratiques diplomatico-militaires ont ébranlé les notions de souveraineté et d’impunité au cours de la dernière décennie, qu’il s’agisse du Kosovo ou de l’affaire Pinochet, relève l’IISS. Le «principe humanitaire est en train de s’affirmer» et l’accélération de l’évolution vers un droit humanitaire international «aura à...
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