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Actualités - INTERVIEWS

Rencontre - Le théâtre, après les affaires et la politique Bernard Tapie : le courage de dire, la force de faire (photos)

«Khalas, on a trop parlé de moi. On a dit le meilleur comme on a dit le pire. Je ne veux plus revenir sur tout cela». À Beyrouth en visite amicale et personnelle, Bernard Tapie bloque ainsi toute tentative d’interrogations sur son passé houleux en tant qu’homme politique et homme d’affaires. La seule et unique casquette qu’il porte en ce moment, c’est celle de l’artiste. Le voici donc devenu, par un de ses spectaculaires revirements de créneau, homme de théâtre dans le rôle de Mc Murphy dans Vol au-dessus d’un nid de coucou. Cette pièce, présentée à Paris dernièrement, doit se jouer à Beyrouth en novembre prochain. Tapie ne cache pas qu’il profite de sa présence chez nous pour «inspecter, en compagnie de M. André Elefteriadès, l’organisateur de la tournée au Liban, les salles où on nous propose de jouer». Charismatique ? Intelligent ? Forte personnalité ? Prolixe ? Oui, oui, oui et oui. Détendu, souriant, bronzé, Bernard Tapie est lancé sur son sujet favori : lui-même. Il s’envoie des fleurs et s’autocritique avec la même facilité et la même aisance qu’il déploierait pour converser sur un sujet aussi banal que la météo. On lui en fait la remarque. Il se tourne vers sa femme, comme pour la prendre en témoin de ce qui a été dit, et déclare : «Si j’ai une faculté, une seule, qui me distingue des autres, c’est celle d’être capable d’expliquer simplement des choses qui sont très compliquées. C’est à peu près la vertu inverse de mes collègues dans la politique». Des expériences qu’il a récoltées dans son existence en tant que chef d’entreprise, de ministre, de patron d’un club de sport, d’acteur et d’homme de télévision, il note : «Pour le moment, je suis exclusivement comédien. Mais il y a eu des moments où mes passions se chevauchaient d’une telle manière qu’elles ont créé un mélange pas profitable. Quand on fait de la politique, on ne doit faire que cela. En multipliant mes activités parallèles à la politique, j’ai moi-même préparé le terrain à mes détracteurs». Défi plus que caprice Tapie fait son mea culpa ? «Plus on fait de choses, plus on commet des erreurs, dit-il. Ce que je peux contester aujourd’hui, ce sont les conséquences démesurées qui m’ont été appliquées par rapport aux fautes éventuelles que j’ai commises. Les tribunaux ne m’ont pas cru quand je leur ai dit que les infractions ont été commises à mon insu. Un match de foot ne vaut pas huit mois de prison», dit-il. Bernard Tapie poursuit donc sa carrière artistique après des débuts fort prometteurs dans le film de Claude Lelouche Hommes, femmes, mode d’emploi. Il reprend donc le rôle de Jack Nicholson dans la version cinématographique de 1975 mise en scène par Milos Forman. Film qui remporta pas moins de cinq oscars. L’ex-président de l’Olympique de Marseille indique que «comme c’est une pièce où l’émotion l’emporte, elle a besoin d’être présentée dans une configuration plutôt intime». Ce qui expliquerait son exigence quant à la salle où elle doit être présentée au Liban. «C’est une pièce qui a eu un succès incroyable à Paris. On a fait salle comble au Théâtre de Paris (mille places) durant 140 représentations». Tapie souligne que le théâtre représentait pour lui un défi plus qu’un caprice, comme d’aucuns l’ont rapporté. «Le succès n’était pas gagné d’avance. Les gens gardaient en mémoire le film qui leur semblait une telle légende qu’ils se demandaient comment on pouvait s’y attaquer. Ils se demandaient comment quelqu’un qui n’est jamais monté sur les planches pourrait rivaliser avec le jeu de Nicholson dans la peau de Mc Murphy. Ils doutaient du fait qu’on arrive à faire totalement oublier le film». Tapie souligne que la pièce est nettement différente du film : la dose d’humour a été forcée, les scènes d’émotion sont infiniment plus fortes. «L’écriture du roman est plus proche de la pièce que du film. Le roman est plus fort que le film. On a pu obtenir une seule concession de la part des Américains : à un moment, Mc Murphy décrit un match imaginaire de coupe du monde de base-ball. On a obtenu que ce soit un match de football». Il est vrai qu’il se sent là en terrain plus que familier. «Je ne vous cache pas que les grands moments d’émotion sont ceux qui sont liés à la privation de la liberté, aux sentiments d’injustice… Ce sont des états d’âme que j’ai connus. Je n’ai pas besoin d’improviser : il suffit que j’appuie sur le bouton mémoire. Tous les soirs j’étais dans le même état. J’ai essayé de revivre ces sentiments pour les transmettre aux spectateurs. On a beau être un excellent comédien, on ne communique que les choses qu’on a vécues. J’ai vécu beaucoup de choses qui se passent dans la pièce». Jeu d’équipe Un brin biographique, cette pièce ? «Non, parce que ce ne sont pas les mêmes circonstances». Pour l’ex-président de l’Olympique de Marseille, le théâtre ressemble beaucoup au football. «C’est un jeu d’équipe. Cela demande une grosse condition physique. Paradoxalement, ce sont des sports individuels qui se jouent à plusieurs. Chacun joue sa peau. Au football, contrairement à ce que l’on croit, chaque joueur préfère que l’équipe perde et que lui-même fasse un très grand match. Au théâtre, c’est un peu cela. Chaque acteur essaie de tirer la couverture vers lui». Tapie explique la tactique qu’il a adaptée au théâtre : «Je crois avoir réussi à faire comprendre à chacun que c’est le succès global, collectif, construit par tous qui fait la notoriété et la gloire de chacun et pas le contraire». Et de poursuivre : «Les acteurs de cette pièce ne jouent pas comme on joue habituellement au théâtre. C’est très différent à tout les points de vue. Par exemple, au théâtre, il est de coutume que lorsque deux acteurs engagent un dialogue au milieu de la scène, les autres comédiens sont chargés de ne surtout pas distraire le spectateur de cette scène. Alors, non seulement ils sont immobiles et muets mais en plus ils doivent, par un effet d’entonnoir, ramener l’attention vers le milieu». «Je suis totalement hostile à cela. Celui qui parle a déjà un énorme avantage sur celui qui ne dit rien. Or, si ce qu’il dit n’est pas intéressant, c’est tant pis pour lui. L’attention des gens, cela se mérite. Je voulais que chaque acteur sur scène joue comme s’il était seul sur les planches. Même s’il n’a rien à dire». Bernard Tapie croit dur comme fer qu’on ne peut plus, «dans cette société de zapping d’aujourd’hui, avoir l’audace de prétendre que tout ce qui va se dire va vous intéresser pendant deux heures dix minutes. C’est impossible. J’ai donc assigné à chaque acteur la tâche de divertir le spectateur qui ne sera pas intéressé par l’action principale. On a donné à la pièce une dimension que les gens ne sont pas habitués à voir». Donc il a participé activement à la mise en scène ? «On peut le dire comme ça», dit-il avant de poursuivre : «Je suis très respectueux des gens qui dirigent les choses. Mais je les laisse faire jusqu’au moment où je considère qu’ils ne deviennent plus actifs et opérationnels. Donc, j’ai laissé faire le metteur en scène pendant le temps où il a amené son innovation personnelle, sa créativité, son imagination. Qui sont immenses pour un garçon qui a trente ans». Ensuite, il n’a pas pu s’empêcher d’y ajouter sa touche personnelle. Ce qu’il a trouvé d’exceptionnel dans le théâtre ? «J’avais besoin de m’exprimer par personne interposée. J’en ai trop dit sur moi, on m’a trop encensé ou critiqué. Je cherche des expériences nouvelles. La dissimulation de personnalité, le jeu de rôle en font partie». Comment se redorer le blason grâce au théâtre et à l’acteur qu’on interprète ? Planches, petit ou grand écran, Bernard Tapie est preneur. À quand le César d’espoir masculin ?
«Khalas, on a trop parlé de moi. On a dit le meilleur comme on a dit le pire. Je ne veux plus revenir sur tout cela». À Beyrouth en visite amicale et personnelle, Bernard Tapie bloque ainsi toute tentative d’interrogations sur son passé houleux en tant qu’homme politique et homme d’affaires. La seule et unique casquette qu’il porte en ce moment, c’est celle de l’artiste. Le voici...