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Actualités - REPORTAGES

Négociations - La revendication des sept villages pourrait remettre en question le tracé des frontières Ses compensations matérielles pour les détenteurs de titres de propriété en Israël ?

Depuis quelques mois, on entend constamment parler des fameux sept villages, comme s’ils constituaient un enjeu important dans une reprise éventuelle des négociations de paix, entre la Syrie et le Liban, d’une part, et Israël, de l’autre. Où se situent ces villages, qui font désormais partie du discours politique local et le Liban doit-il demander qu’ils soient placés sous sa souveraineté ? Les services compétents au sein du ministère des Affaires étrangères se penchent depuis des mois sur la question, fouillant les archives et revoyant les principes de droit international, afin d’avoir des dossiers solides le jour où... Si, comme nombre de personnes avisées l’espèrent, les pourparlers de paix reprennent entre la Syrie et Israël, le Liban ne devrait pas tarder à être convié, à son tour, à la table des négociations. Ce ne serait certes pas la première fois. Il y a eu un précédent en 1983 qui a abouti à l’accord mort-né du 17 mai et une autre tentative qui n’a pas abouti, mais qui a quand même duré deux ans, de 1992 à 1994, à Washington. Selon les experts, ce serait pourtant la première fois que le Liban aura des dossiers aussi solides et bien ficelés. En 1983, la délégation libanaise présidée par l’ambassadeur Antoine Fattal travaillait sous la pression des blindés israéliens postés à quelques kilomètres de la capitale et dans une atmosphère trouble, alourdie par les dissensions internes. En 1992, la délégation présidée par l’ambassadeur Souheil Chammas n’avait pas eu le temps de bien se préparer et n’avait abordé avec les Israéliens que les dossiers de l’eau, du tracé des frontières et de la présence palestinienne au Liban. Conflit sur les frontières entre Français et Britanniques Aujourd’hui, la situation s’annonce différente et si au Liban et ailleurs on reste convaincu de l’imminence d’un accord, il n’est pas question de négliger un seul des droits du Liban. Toutefois, les sept villages doivent-ils être réclamés par le Liban ? Ceux qui connaissent ce dossier parlent en fait de sept villages : Tayr Bikha, Salha, Malkiyé, Qods, Nabi Youshah, Ibel Kamh et Hounine et de 28 fermes avoisinantes. Par fermes, on entend de vastes étendues de terres agricoles. Ces localités sont situées dans les régions de Saint-Jean-d’Acre et de Safad, au nord de la Palestine, aujourd’hui la Galilée israélienne. Sous l’empire ottoman, de nombreux Libanais possédaient des propriétés en Palestine, les grandes familles de Beyrouth (Sursock, Baladi, etc...) préférant Jérusalem et ses environs et les habitants de Marjeyoun achetant plutôt dans la Galilée toute proche, à Saint-Jean-d’Acre et à Safad, plus précisément. Lorsqu’en 1918, les alliés entrent dans l’Est méditerranéen, ils commencent, selon leurs propres termes, «à occuper des territoires pris à l’ennemi» (ottoman). Les Français et les Britanniques, qui avaient déjà signé les accords de Sykes-Picot, décident alors de délimiter les frontières de leurs zones de contrôle respectif. Les Britanniques avaient déjà, dans la fameuse déclaration de Lord Balfour, promis aux sionistes la création d’un foyer national juif en Palestine et dans leurs négociations avec les Français, ils visualisaient déjà ce foyer. Ils le voulaient donc suffisamment étendu pour être viable et quasiment autonome. C’est pourquoi, ils avaient réclamé aux Français que leur zone de contrôle s’étende jusqu’à la ville de Saïda incluse. Des frontières internationalement reconnues Constatant que la majorité des terres de la région de Saint-Jean-d’Acre appartenait aux Libanais, les Français ont alors réclamé une zone d’influence qui s’étendrait jusqu’à Haïfa. Britanniques et Français ont négocié âprement avant de parvenir à un compromis qui reconnaît Ras Nakoura comme ligne de frontière entre les deux zones d’influence. Une série de textes signés par les Français et les Britanniques sont venus confirmer cet accord, qui a été couronné par la Convention de Paris du 23 décembre 1920 et qui a été enregistrée à la Société des nations (l’ancêtre de l’Onu) le 6 février 1921 sous le numéro 564. Un échange de notes entre Français et Britanniques, connu sous le nom d’accord Paulet-Newcombe, a par la suite confirmé une nouvelle fois l’accord et il a été enregistré à la Société des nations le 6 février 1924 sous le numéro 565. Le rapport du 3 février 1922 établi par la commission de délimitation franco-britannique prévue par la Convention de Paris, fait partie intégrante de cet échange de notes et confirme les frontières des zones d’influence française et britannique, donc du Liban et de la Palestine. Ce sont ces textes officiels et dûment enregistrés auprès de la SDN et des Nations unies qui consacrent les «frontières internationalement reconnues» du Liban. Ces mêmes frontières ont une nouvelle fois été consacrées dans les accords d’armistice signés sous l’égide de l’Onu entre le Liban et Israël, en 1949. Or le Liban est l’un des rares pays de la région à avoir des frontières internationalement reconnues et donc consacrées par la communauté internationale. Selon le tracé de l’époque, les 7 villages et les fermes avoisinantes ne faisaient pas partie du Liban et, en fait, n’en ont jamais fait partie. De plus, ni en 1949 ni plus tard au cours des rares tentatives de négociation avec l’État hébreu, le Liban n’a revendiqué ces territoires. De 1923 à 2000, l’Onu pas plus que la SDN n’ont jamais reçu une plainte ou une contestation en ce sens déposée par le Liban. C’est pourquoi, les experts estiment que si le Liban réclamait aujourd’hui l’instauration de sa souveraineté sur ces 7 villages, cela pourrait remettre en question «les frontières internationalement reconnues» et par conséquent, la résolution 425 des Nations unies qui prévoit un retrait israélien jusqu’à ces mêmes frontières. Cela ne pourrait donc que compliquer une négociation relativement simple, puisqu’entre le Liban et Israël il y a des frontières, mais ni d’annexion territorirale à annuler ni de colonies de peuplement à évacuer. Certes, selon une carte de la Palestine appartenant aux Nations unies et datant de 1947, il apparaît clairement que 87 % des terrains de la région de Saint-Jean-d’Acre et 50 % de ceux de Safad appartiennent à des Libanais. (À Safad, 18 % des terrains appartiennent aux Syriens du Golan). De plus, le Liban a naturalisé en 1994 les habitants de ces sept villages qui se sont installés au Liban après la création de l’État d’Israël et les guerres avec les Arabes. Pour toutes ces raisons, des voix libanaises s’élèvent pour réclamer l’installation de la souveraineté libanaise sur ces villages et les fermes qui les entourent. Seulement, dans une négociation aussi serrée, le moindre faux pas pourrait être fatal. Selon les documents d’archives, ces villages n’ont jamais appartenu au Liban. En les réclamant, celui-ci permettrait à Israël de lancer l’idée d’un nouveau tracé des frontières qui raviverait ses appétits déjà énormes. Plus de mille dossiers Que peut donc faire le Liban ? Les experts sont très optimistes. Le Liban peut réclamer des indemnités en contrepartie de ces villages. C’est d’ailleurs pourquoi le président du Conseil, M. Sélim Hoss, a demandé à tous les Libanais possédant des titres de propriété en Israël de présenter leur dossier au centre d’études juridiques, de recherche et de documentation, rattaché au ministère des Affaires étrangères et dirigé par l’ambassadeur Gilbert Aoun. Depuis cette annonce, les locaux du centre ne désemplissent pas et, déjà, plus d’un millier de dossiers sont pratiquement prêts. C’est d’ailleurs avec beaucoup d’émotion que les détenteurs des titres de propriété, souvent les héritiers de la génération qui avait vécu le partage de la région, se présentent au centre remettant aux fonctionnaires, presque à contrecœur, leurs papiers jaunis soigneusement plastifiés et pliés comme des reliques chères. Même les habitants de Marjeyoun, sous occupation israélienne, viennent au centre et quand ils ne peuvent s’y rendre en personne par crainte de représailles israéliennes, ils envoient les documents via leurs proches. Cette fois, tout le monde prend au sérieux la démarche et le Liban officiel s’emploie à éplucher les textes de loi afin de protéger efficacement les intérêts de ses citoyens. Si les négociations devaient reprendre entre le Liban et Israël, le dossier des compensations pourrait bien en constituer l’un des points forts. Les deux délégations seraient chargées d’en établir le cadre juridique, laissant aux individus le soin de négocier les indemnisations. Le Liban s’attend d’ailleurs à ce qu’Israël présente à son tour un dossier sur les biens des Juifs ou des Arabes israéliens sur l’ensemble du territoire libanais. Des recherches ont déjà été menées sur le sujet, ainsi que sur celui des compensations à la suite des dommages de guerre. Bref, tout est prêt pour une négociation qui devrait dresser les bases d’un avenir plus sain et en tout cas plus pacifique. Reste à savoir quand Syriens et Israéliens se décideront à reprendre contact...
Depuis quelques mois, on entend constamment parler des fameux sept villages, comme s’ils constituaient un enjeu important dans une reprise éventuelle des négociations de paix, entre la Syrie et le Liban, d’une part, et Israël, de l’autre. Où se situent ces villages, qui font désormais partie du discours politique local et le Liban doit-il demander qu’ils soient placés...