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Actualités - REPORTAGES

ENQUÊTE Le français reste la langue étrangère prédominante dans le domaine de l’éducation

Par Pascal MONIN * La langue de Molière demeure, malgré tout, la première langue étrangère pratiquée au Liban. Le développement, surtout auprès des jeunes générations, d’un trilinguisme libanais, arabe-français-anglais, a le mérite de permettre à la langue française de se maintenir en tant que langue de culture et de communication au Liban. Mais le risque persiste qu’à moyen terme, le français se fasse évincer par la langue anglaise. Selon l’enquête que nous avons menée avec l’institut Ipsos, 55 % de la population libanaise n’ont aucune connaissance du français et 45 % sont entièrement ou partiellement francophones. Pour les Libanais de plus de 5 ans, la proportion de francophones passe à 48 %. Le taux de connaissance du français atteint son niveau le plus élevé dans la tranche d’âge des 5-34 ans, en l’occurrence ceux qui sont en cours de scolarisation ou bien qui viennent de terminer leurs études universitaires. Le nombre de personnes connaissant la langue française décroît à mesure que l’on avance en âge. Les anglophones «réels ou partiels» représentent quant à eux près de 30 % de la population. Il apparaît donc clairement que la langue française, grâce à son implantation historique et grâce à un vaste réseau d’enseignement scolaire et universitaire francophones libanais, garde une longueur d’avance sur l’anglais dans le domaine pédagogique. Sur le plan communautaire, l’état de la francophonie au Liban a connu une importante évolution depuis la fin de la guerre. Ainsi, on assiste à un début de rééquilibrage entre les principales communautés libanaises, notamment en ce qui concerne l’apprentissage du français. Cependant, il est clair que l’aire géographique francophone, marquée par le poids de l’histoire, trouve sa concentration dans les zones habitées majoritairement par les populations chrétiennes. Cependant, depuis le début des années 80, la diplomatie et la politique culturelle françaises prennent plus spécifiquement en compte les populations musulmanes, et la communauté chiite en particulier. Cette coopération englobe ainsi toute une population qui en était en quelque sorte exclue jusqu’à présent. L’inauguration d’un Lycée français dans la région de Nabatieh, dans le Sud du pays, en est l’illustration la plus claire, tout comme la création et le financement par la France de nombreux centres culturels et linguistiques français dans différentes régions et provinces du pays (Chouf, Tyr, Baalbeck...). Parallèlement, l’État libanais déploie, surtout depuis l’arrivée de M. Rafic Hariri au pouvoir, d’intenses efforts pour le maintien et le développement de la francophonie au Liban. Au niveau des rapports bilatéraux, depuis 1995, date de l’élection de M. Jacques Chirac à la présidence de la République française, les relations franco-libanaises ont connu un essor exceptionnel, caractérisé par un dynamisme que les relations personnelles qu’entretiennent M. Hariri et le président français ont insufflé et même déterminé dans une large part. Cependant, il est clair qu’aux côtés de ces efforts, les initiatives privées, notamment au niveau de l’enseignement, ainsi que l’aide française demeurent pour l’instant à la base du maintien de la langue et de la culture françaises au Liban. Francophonie et enseignement supérieur L’enseignement scolaire et universitaire demeure le secteur clé qui est à la base de l’introduction et du maintien de la langue et de la culture françaises au Liban. De ce secteur dépend l’avenir de la francophonie dans ce pays. Le Liban regroupe l’un des plus vastes réseaux d’institutions d’enseignement supérieur francophone en dehors de la France et du Canada. Certes, on assiste depuis 1975 à une floraison d’institutions universitaires qui ont renforcé la présence du système américain et de la langue anglaise dans ce secteur. D’une manière générale, toutes les confessions libanaises ont participé à la création de ces universités anglo-saxonnes. Il n’en demeure pas moins que les universités francophones au Liban – en particulier l’Université Saint-Joseph qui demeure un réel pôle d’excellence – continuent d’attirer la majorité des étudiants. Cela est la conséquence de la longue et vaste présence culturelle française dans le système éducatif libanais. Par ailleurs, les frais de scolarité des institutions francophones restent bien en deçà des frais dans les universités anglophones. De même, les universités francophones ont une meilleure répartition territoriale et une plus grande présence en province que celles de type anglo-saxon. Pour toutes ces raisons, le nombre d’étudiants francophones est encore supérieur à celui des anglophones. Dans ce cadre, la situation de l’Université libanaise constitue un cas à part. Jusqu’en 1975, le français était considéré comme langue principale d’enseignement parallèlement à l’arabe dans toutes les facultés de l’Université publique. Actuellement, après l’ouverture de plusieurs branches et sections dans les régions, l’UL est toujours considérée comme francophone, mais l’usage du français varie suivant les sections et les facultés. En général, les facultés se situant à Beyrouth-Est sont plus francophones qu’ailleurs. Les autres sections sont partiellement francophones et le français y est nettement moins utilisé. À signaler dans ce cadre que, sous l’impulsion de M. Hariri et du président Chirac, le premier Institut universitaire technique (IUT) du Liban a été créé au sein de l’UL, à Saïda, en 1996. Les cours sont en majorité dispensés en français. Mais l’avenir des universités francophones au Liban est directement lié à celui de l’enseignement scolaire francophone qui demeure un des atouts majeurs de la francophonie libanaise. Francophonie et enseignement scolaire Malgré une nette augmentation du nombre des écoles anglophones et le développement de plus en plus évident des sections de langue anglaise, notamment dans l’enseignement public, l’écrasante majorité des enfants scolarisés au Liban doivent suivre des cours de français ou en français en tant que langue seconde et comme première langue étrangère. Le fort pourcentage d’élèves libanais (70 %), qui «choisissent» officiellement la langue française comme seconde langue d’enseignement avec l’arabe, démontre l’extension de l’enseignement du et en français à l’ensemble du territoire libanais. Mais cela ne doit pas masquer une baisse de niveau, surtout dans le secteur public. L’échec de l’apprentissage de la langue française dans les écoles publiques, et dans certaines écoles privées, est alarmant. De nombreuses mesures sont donc à prendre pour améliorer le niveau général de l’enseignement francophone. Pour améliorer le niveau de l’enseignement du et en français, il incombe d’entreprendre une démocratisation de l’éducation et de renforcer l’école publique, seule institution accessible à une majorité de Libanais en période difficile. Il est indispensable que les privilèges de la culture française ne soient pas réservés à une minorité de Libanais. L’échec de l’apprentissage du français ne peut qu’encourager la remise à niveau des enseignants et la mise en place d’un nouveau système pédagogique francophone à travers la redéfinition des programmes et des manuels scolaires. Les efforts du Centre de recherche et de développement pédagogique et du Service culturel français semblent abonder dans ce sens. Il est donc grand temps de développer au Liban le concept de l’enseignement du français en tant que langue seconde et non plus comme langue maternelle telle qu’elle est pratiquée en France. Ainsi, les manuels scolaires et les méthodologies devraient prendre en considération l’environnement des jeunes Libanais et les caractéristiques propres au pays. D’où la nécessité d’axer la coopération franco-libanaise simultanément sur l’enseignement aussi bien scolaire que supérieur. L’action culturelle française et les efforts des autorités libanaises devraient donc porter sur le renforcement du niveau pédagogique et linguistique à tous les échelons éducatifs, de la maternelle à l’université. Ces efforts, pour porter leurs fruits, ne peuvent se faire sans le renforcement de la langue française dans les domaines de la communication, au niveau de la presse et de l’audiovisuel.
Par Pascal MONIN * La langue de Molière demeure, malgré tout, la première langue étrangère pratiquée au Liban. Le développement, surtout auprès des jeunes générations, d’un trilinguisme libanais, arabe-français-anglais, a le mérite de permettre à la langue française de se maintenir en tant que langue de culture et de communication au Liban. Mais le risque persiste qu’à moyen...