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Actualités - REPORTAGE

Femmes...La vocation de Marie-Claire Antakly : « Assistance à personne en danger »(photo)

Elle le dit dans un murmure serein qui ressemble à une évidence : « On vit dans le silence. » Il était donc temps, après trente-cinq ans de bons et loyaux services, de faire parler, presque contre son gré, Marie-Claire Antakly, une des premières Libanaises anesthésistes spécialisées dans la réanimation et aujourd’hui chef de ce département à l’Hôtel-Dieu et à la faculté de médecine, ex-présidente de la Société libanaise des anesthésistes et, enfin, initiatrice de la Société de réanimation et du Centre de traitement et d’évaluation de la douleur. Marie-Claire Antakly, Mimi pour tous ceux qui l’aiment, la «dame en blanc» pour tous ceux qui la côtoient, parce que les cheveux blancs, qu’elle a eus à 30 ans et qu’elle a décidé de garder depuis pour que plus jamais un patient ne lui dise: «Mademoiselle, où est le médecin?» parce que la blouse blanche, tenue de combat des nuits blanches, des journées qui démarrent à 7 heures du matin pour ne s’achever que le lendemain, quelquefois, souvent. Il aura fallu – à tout malheur quelque chose est bon – une chute accidentelle d’un escabeau et une immobilité de sa jambe droite pour pouvoir enfin rencontrer cette femme toujours pressée, la légende veut qu’elle ait donné une interview à un journaliste dépassé dans les couloirs de l’hôpital, faute de temps! Des couloirs qu’elle sillonne tant de fois dans la journée, passant d’un service à l’autre, qu’elle a même acheté un pédomètre pour mesurer la distance parcourue au quotidien, «4 kilomètres et demi!» précise-t-elle avec le sourire. Mais elle aime ça, par-dessus tout. «L’hôpital, c’est ma vie», confirme-t-elle à ceux qui ne la connaissent pas. La médecine dans le sang Docteur ? Professeur ? On laisse vite tomber. Marie-Claire, ça lui ressemble sûrement plus, car dans Marie-Claire il y a claire, un adjectif qui semble bien la définir. Ou Mimi, car la dame en robe bleue ce matin déteste les titres. Il a fallu lui extirper sous la torture qu’elle a été décorée de l’Ordre national du Mérite français en avril dernier. Depuis trois mois donc, elle a troqué son marathon quotidien contre un repos forcé. « C’est bien la première fois de ma vie que je prends le temps de m’occuper de moi, de réfléchir, de regarder ma maison, ma famille, mes amis. Je découvre un autre aspect de la vie que j’ignorais totalement. » Car pour elle, depuis longtemps, depuis toujours diront ses proches et collaborateurs, c’était tout le temps « assistance à personne en danger». Cela depuis qu’elle a fait ce choix de vie et de carrière. « J’ai toujours pensé que la médecine était une science conçue pour venir en aide aux autres et c’est cela qui m’intéressait.» Elle choisira sa spécialisation, car «c’était une chose nouvelle». «Je savais déjà, poursuit-elle, que je n’avais pas opté pour la facilité; nous étions quatre filles dans ma promotion, deux sont venues à bout de ces études; c’est une spécialité pleine de risques, des risques calculés; on vit sur une corde raide. Pour cela, il faut avoir le goût du risque, être précis, méticuleux et très vigilant.» C’est sans doute aussi pour le silence des salles d’opération, le travail dans l’ombre et le travail d’équipe. «La réanimation peut être décevante quelquefois. Mais il suffit de sauver quelqu’un pour être à nouveau heureux. Je tiens à communiquer à mon équipe mon enthousiasme permanent. Lorsqu’il y a échec, je leur dis toujours qu’on a perdu une bataille mais pas la guerre.» Ses batailles quotidiennes se font surtout en faveur du patient, «la médecine est devenue des techniques. Le malade a besoin de temps, d’écoute, d’assistance sur plusieurs plans.» Elles se font aussi contre la souffrance, toute forme de souffrance, qu’elle a réussi à alléger en créant le Centre de traitement et d’évaluation de la douleur, en 1995, après avoir fondé la Société de réanimation, « une spécialité aujourd’hui à part». Petite accalmie dans les batailles, ces quelques mois où des bilans se sont imposés à elle et puis ce moment privilégié où Mimi laisse échapper quelques confidences. « J’ai quand même réussi à maintenir l’équilibre. Malgré une vie professionnelle très engagée, je n’ai jamais perdu contact avec mon mari et mes enfants. Ils ont compris. La preuve, ma fille est médecin.» Pour elle enfin qui parle de l’essentiel en ces termes : «Les vrais problèmes de la vie, c’est la santé. On le comprend quand on la perd.» Aujourd’hui est fait de repos, demain de petites batailles à remporter et après-demain de repos du guerrier après ce temps de réflexion involontaire. «C’est décidé, je prends ma retraite dans quelques années; je serais peut-être Médecin du monde ou quelque chose dans l’humanitaire. » Qui s’en étonnerait? «Je suis heureuse», conclut-elle. D’avoir remporté sa guerre, sans doute. Car, comme elle le dit si bien: «La vie n’a pas de prix.» Carla HENOUD
Elle le dit dans un murmure serein qui ressemble à une évidence : « On vit dans le silence. » Il était donc temps, après trente-cinq ans de bons et loyaux services, de faire parler, presque contre son gré, Marie-Claire Antakly, une des premières Libanaises anesthésistes spécialisées dans la réanimation et aujourd’hui chef de ce département à l’Hôtel-Dieu et à la faculté de...