Fleurs, ferveur, fièvre et fureur

Des chrysanthèmes et des roses. La fête des morts et des reliques. Pour un tout petit peuple qui n’est plus que, dont il ne reste que… Des reliques. Des écharpes frappées à la sainte image, ce doux sourire. Des oriflammes, des petits drapeaux aux couleurs du pape. Jaune et blanc, l’œuf originel contre le péché du même nom. Contre les offenses à la matraque, contre les violences, les menaces, la peur, la répression. Les abominables vexations : ces paraplégiques, ces hommes-troncs, ces malvoyants, ces malentendants, ces souffrants, ces malheureux que l’espoir seul tient encore debout, forcés d’attendre, d’attendre encore et encore, dans l’incertitude. Le handicap, le complexe n’est pas là où on pense. La chasse à la châsse sainte est ouverte. Par les craintifs, par les refoulés, la foule meurtrie est ainsi refoulée. Et se voit brutalement intimer : les rassemblements sont interdits, circulez, il n’y a rien à voir. Pour dégringoler, pitoyable cohorte que bousculent les bien portants, de Sassine au Saint-Sauveur et là, attendre, attendre encore. En allumant un cierge à la Madone, à sainte Thérèse pour qu’elle arrive enfin comme un miracle, à tous les saints en cette avant-veille de la Toussaint. Les rassemblements sont interdits. Peu auparavant, des jeunes sont chahutés, rudoyés, drôle d’inversion des rôles et de retour de bâton, du côté de Fanar ou ailleurs. Par des pointures 43 style mandat, de solides tirailleurs. Comme il s’en trouve à Varsovie, où l’ordre a si bien régné jadis. Que l’on est donc loin du Liban biblique, saint, de lait et de miel. Loin du ciel, que l’on est loin du paradis. Hommes, hommes d’ici, hommes de partout, hommes du monde (!), hommes de peu de foi, laissez un peu tranquilles ceux qui croient. Qu’ils révèrent, en paix, le croissant. Ou, qu’en priant, ils portent leur croix. J.I.