Rotation synchrone des juges et de la polémique

Valsons, pour faire un peu de vent, en ce torride été qui tarde à finir. Sur un de ces airs à mille temps que Brel aimait tant, le couple terrible opposition-pouvoir continue à tournoyer sur la piste de danse. Dans un interminable jeu de chaises musicales, où le dernier debout se retrouvera par terre. Et puisqu’il est question de siège, disons tout de suite que demain, dès le retour à Bkerké de Sfeir, la Rencontre ira le voir. Pour faire le point sur la dernière trouvaille qui relance la polémique politique, ce mouvement cyclique imprimé d’une chiquenaude au corps de la magistrature. Fort à propos, d’un coup de baguette (de chef d’orchestre) magique, les obstacles qui entravaient depuis des mois les permutations des juges ont été levés. Et ainsi Labib Zouein, promu en Cass comme on dit dans le jargon professionnel, n’aura pas à se déjuger. Du même coup, la séance de lundi 16 saute. Dans cette opération technique, l’opposition voit évidemment une redoutable tentative d’atermoiement, de dilution. Car le tribunal des imprimés est maintenant en suspens. Il n’est même pas encore désigné, ne le sera que dans plusieurs jours. Et voudra alors, sans doute, un bon délai pour étudier le dossier. L’Est pense en général qu’on cherche à le manipuler, à gagner du temps, à dégonfler l’affaire. Et à maintenir un statu quo de fermeture de la MTV. Sous prétexte que le problème ne peut pas être réglé sous la pression, pour ne pas dire sous le chantage, la justice devant rester sereine autant qu’impartiale. Sur ce point, les piliers de Kornet Chehwane sont assez d’accord. Mais ils trouvent pour le moins bizarre le moment choisi par le pouvoir politique pour se rappeler ses devoirs administratifs à l’égard de l’organigramme judiciaire. Bien entendu, les loyalistes jurent leurs grands dieux que le timing des affectations n’a rien de suspect. Et rien à voir avec l’affaire de la MTV. Des sources ministérielles avancent une justification rétroactive : à les en croire, il était entendu de longue date que le train de nominations interviendrait dans le courant de ce mois de septembre. En rappelant que, dans d’autres secteurs, des désignations avaient été promulguées début août. Et que le ministre de la Justice avait évoqué la possibilité d’une publication de ban vers le 15, avant la fin des vacances judiciaires. Mais pourquoi Zouein n’a-t-il pas été remplacé ? Cette question sidère un peu les professionnels. Du côté du ministère de la Justice, on rappelle en effet qu’il n’existe pas de tribunal des imprimés spécifique. C’est le président des cours d’appel qui distribue, au début de chaque nouveau cycle, les rôles (au sens juridique du mot) et les dossiers aux chambres. Qui sont toutes dotées, inévitablement, d’un président flanqué de deux assesseurs. Il y aura donc sans faille une instance chargée des imprimés. Cela sera fait obligatoirement dans les prochains jours. Avant la rentrée judiciaire, le 1er octobre, et avant le départ imminent à la retraite de sept des douze membres du Conseil supérieur de la magistrature. De ce fait même, et en attendant la saisine d’une des nouvelles chambres constituées, il ne peut y avoir dans l’immédiat de séance consacrée à l’affaire de la MTV. Le rendez-vous de lundi a donc sauté et c’est pourquoi l’opposition a sursauté. En signalant un autre élément important à ses yeux : la MTV, comme d’autres médias, est considérée comme un trait d’union culturel avec le monde francophone. Les opposants craignent donc que le pouvoir ne veuille garder la chaîne fermée jusqu’à la clôture du sommet de la francophonie, fin octobre. Cependant, et pour conclure, des piliers de Kornet Chehwane affirment qu’ils sont toujours pour la détente, l’ouverture, le dialogue, et qu’ils ne veulent pas mobiliser la rue ou provoquer des troubles. Contrairement à ce que certains affirment dans des rapports remis aux autorités. Philippe ABI-AKL