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Actualités - CHRONOLOGIE

Communauté - La politisation de la magistrature et le désordre des camps dénoncés par l’Église maronite Bkerké constate l’échec des efforts de rééquilibrage des rapports libano-syriens

L’assemblée des évêques maronites a publié hier, à l’issue de son rendez-vous mensuel, un communiqué prémonitoire dénonçant avec véhémence une magistrature politisée, qui ne jouit plus de la confiance des Libanais, et le grand désordre des camps palestiniens devenus des sanctuaires pour toutes sortes de hors-la-loi. Le communiqué, qui se veut bilan de l’année écoulée, s’inscrit, dans l’intention de ses auteurs, dans le prolongement des deux précédents appels lancés en septembre 2000 et 2001. Le premier, et le plus célèbre, avait réussi à crever l’abcès de la crainte qui empêchait les Libanais de dénoncer ouvertement les méfaits de la tutelle syrienne sur le Liban. Le communiqué d’hier a, sur le plan des rapports libano-syriens, établi un constat d’échec, notamment de la mission de bons offices entreprise par M. Fouad Boutros et des efforts pour obtenir de la Syrie qu’elle cesse ses ingérences au Liban. Il note qu’une rééquilibrage des rapports entre les deux pays lèse des personnalités au Liban et en Syrie, qui profitent du statu quo. Le texte affirme : « Disons-le franchement, nous avons choisi, convaincus, de tisser les rapports de fraternité et de cordialité les plus étroits avec la Syrie, nous basant sur la volonté unifiée des Libanais (...), mais il est de notre droit de mettre de l’ordre chez nous. C’est pourquoi des initiatives sincères ont été lancées, à diverses reprises, par des Libanais chevronnés et sincères, et se sont étalées sur des mois. En vain. Elles ont été abandonnées, en désespoir de cause, du fait des atermoiements et des réponses vagues et fuyantes. Du reste, nul n’ignore qu’il existe, dans les deux pays, des personnalités qui seraient lésées par une normalisation des rapports (...) Nous avons demandé, de façon répétée, que les accords de Taëf soient respectés, car aussi bien le Liban que la Syrie souffriraient des conséquences de ce qui risque, à Dieu ne plaise, de se produire. » Le communiqué commence par mettre en garde contre un bouleversement géopolitique, conséquence de la politique américaine dans la région. Il affirme qu’une attaque contre l’Irak déboucherait sur l’instauration de mini-États, ce qui aurait de graves conséquences pour l’Irak, bien entendu, mais aussi pour le Liban, dans le cadre d’une révision des acquis de l’accord Sykes-Picot, à l’origine de la carte actuelle du Machrek arabe et de ce que certains considèrent comme les « frontières artificielles qui en séparent les États ». « Le Liban, affirme le communiqué des évêques, est le premier concerné par cette question, et les partisans d’une telle révision oublient que l’entité libanaise est la plus ancienne et la plus authentique de la région, qu’elle a préservé ses particularités, en dépit des armées qui l’ont occupée et des changements de frontières qu’elle a pu connaître. » Des sanctuaires pour hors-la-loi Après avoir réclamé pour les Palestiniens le droit à instaurer leur propre État sur leur terre, les évêques en reviennent au Liban en affirmant : « Les épreuves du Liban, du fait de la présence palestinienne, se poursuivent depuis plus d’un demi-siècle. Et il est incapable jusqu’à présent, pour mille et une raisons, d’étendre son autorité sur les camps palestiniens, à l’instar des autres pays arabes. Ces camps sont devenus des sanctuaires pour les hors-la-loi, qui y trouvent refuge, sachant qu’ils y seront à l’abri des poursuites. Ce qui porte préjudice à la souveraineté du Liban et à la justice. » « Et ce qui atterre, ajoute le communiqué des évêques, c’est que, face aux dangers qui les guettent, les Libanais continuent d’être noyés dans leurs petites querelles, ce qui donne la mesure de leur ignorance et de leur inconscience des dangers qui menacent leur devenir. » Chaque fraction, parti ou communauté, notamment chez les chrétiens, est divisée en deux, enchaîne le communiqé, et les exemples sont nombreux. Certains changent de camp comme de chemise (...) Sans nous perdre en excuses, notons quand même que la loyauté à l’égard de la patrie est faible et l’intérêt particulier prévaut sur l’intérêt général. Quand les pressions exercées sur certains augmentent, au point que leur vie ou leur gagne-pain et celui de leur famille est menacé, ils sont obligés de renoncer à leurs principes. Et quand des fonctions leur sont promises, et qu’on fait miroiter à leurs yeux les avantages matériels et moraux, il est inévitable que les faibles faiblissent. Le proverbe dit : « Diviser pour régner. » Ce principe est toujours valable. Il agit aussi bien sur les chrétiens que sur les autres, ainsi d’ailleurs que le principe des promesses faramineuses. Voilà la seconde cause de la corruption endémique qui fait des ravages dans tous les secteurs de l’État, à commencer par l’Administration, en passant par les fonds publics, pour finir par la magistrature. Les ravages du clientélisme Décrivant les ravages du clientélisme politique dans l’Administration et la vie politique (« je serai votre député, que vous le vouliez ou non ! »), ainsi que le pillage des biens publics (« combien d’indemnités ont-elles été touchées pour des maisons qui n’étaient pas occupées ! »), l’assemblée des évêques maronites en vient à la magistrature : « Il est regrettable, disent les évêques, que la confiance des Libanais dans la magistrature se perde. On rapporte que, durant la Seconde Guerre mondiale, interrogé sur l’état de l’Empire britannique, Churchill aurait répondu : Tant que la magistrature va bien, nous allons bien. Nous aurions aimé en dire autant. La justice, chez nous, est devenue politisée et discrétionnaire (...) Nous avons le regret de dire que la justice, la plupart du temps, est désormais au service des objectifs politiques des personnes au pouvoir. C’est l’avis de la majorité des gens et d’un nombre non négligeable d’avocats. Et les grands criminels continuent de ne pas être inquiétés. » L’assemblée décrit, pour finir, la décrépitude du système démocratique et « la perte du sens de la responsabilité », puisque ni les députés, ni les ministres, ni les grands commis de l’État n’ont de compte à rendre à la population, mais uniquement à ceux auxquels ils doivent leurs positions et fonctions. Elle en appelle en fin de compte à « une initiative de conciliation de nature à déboucher sur une réconciliation nationale globale, condition indispensable au relèvement de la patrie, à la prospérité, à l’indépendance et à la dignité ».
L’assemblée des évêques maronites a publié hier, à l’issue de son rendez-vous mensuel, un communiqué prémonitoire dénonçant avec véhémence une magistrature politisée, qui ne jouit plus de la confiance des Libanais, et le grand désordre des camps palestiniens devenus des sanctuaires pour toutes sortes de hors-la-loi. Le communiqué, qui se veut bilan de l’année...