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Actualités - OPINION

Les retombées de la partielle du Metn encore plus importantes que la bataille elle-même

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. D’autant que, par définition, ce plantigrade a la vie dure. Ses soubresauts déséquilibrent encore, si l’on y regarde de près, la scène locale. Où, face à une opposition qui tente d’exploiter sa victoire en réclamant le départ du ministre de l’Intérieur, voire du cabinet tout entier, le pouvoir fait feu de tout bois pour reprendre… du poil de la bête. En s’efforçant d’abord, condition essentielle, de se réunifier, comme l’illustre la rencontre Hariri-Murr. En essayant ensuite de semer le trouble et la zizanie chez l’adversaire, par des contacts aussi secrets que sélectifs. Et en s’appuyant enfin, et surtout, sur les décideurs. Parce qu’après tout, ce sont ces derniers qui ont déterminé la pseudo-solution consistant à admettre de facto l’élection de Gabriel Murr sans la reconnaître de jure. Ainsi, dans le langage crypté, occulte, en usage dans les rapports entre les tuteurs et leurs pupilles, on entend ces derniers murmurer mezza voce : «Vous voulez que nous tournions la page. Soit. Mais il faut nous aider à limiter les dégâts .» C’est-à-dire à maintenir le statu quo ministériel, sans changement ni même remaniement. En se contentant de vagues réajustements dilatoires en ce qui concerne le fond même du problème. Entendre la nécessité de traiter autrement avec une opposition de l’Est, une rue chrétienne pour tout dire, forte – pour le moment – de son unité de 92 retrouvée. Avec des exigences plus concrètes, puisqu’au mot d’ordre de boycott succède une mode unanime de participation. Accompagnée d’évidentes conditions préalables, comme les libérations ou les retours d’exil, découlant d’un postulat impératif : le temps des discriminations est terminé. Le climat actuel reste donc agité, dans la mesure où il résulte du déclenchement d’un processus de mutation générale. Le tout est de savoir si le système va pouvoir récupérer le mouvement par un effet boomerang articulé, justement sur la participation. Ou si, au bout du compte, le pays va enfin avoir droit à cette refonte de la Constitution que tant de pôles, dont le président Élias Hraoui, réclament depuis si longtemps. C’est un tel espoir, est-il besoin de le souligner, qui étreint aujourd’hui les jeunes, dégoûtés de la politique et accablés par la récession, et qui s’en vont les uns après les autres en un incessant flux migratoire. Les politiciens se disent tous conscients de la nécessité de répondre aux aspirations d’une population asphyxiée. Mais quand on en vient aux dispositions et aux positions à prendre, les intérêts, les calculs priment tout le reste et impriment à la machine un net freinage. En plein tournant, cela produit un dérapage, plus ou moins contrôlé. Il n’est donc pas certain que l’évolution soit positive. D’autant qu’elle est implicitement contestée par plusieurs pôles considérés comme proches des décideurs. À les en croire, en effet, si un scénario de dégagement a été retenu, quitte à concéder une défaite électorale, c’est parce qu’au fond « le jeu n’en vaut pas la chandelle » et que la bataille du Metn ne serait « à tout prendre qu’une tempête dans un verre d’eau .» Une optique, une analyse réductrices qui semblent déjà avoir de bonnes chances de prévaloir. À travers un malentendu de base sur la nature du dialogue que certains piliers de l’opposition acceptent d’engager avec le pouvoir. Pour eux, ce processus d’échanges doit servir au rééquilibrage, avec tout ce que cela implique. Alors que pour les loyalistes, les modifications éventuelles doivent rester d’ordre purement cosmétique, sans toucher au fond. Pour tout résumer, on s’achemine vers un dialogue de sourds. Car les uns continuent à penser que la souveraineté est essentielle, tandis que pour les autres le jumelage passe en premier. Quoi qu’il en soit, redisons-le, la priorité pour les loyalistes reste actuellement de se regrouper. Une vaste campagne a été ainsi lancée en coulisses, auprès des taëfistes de toutes tendances, sur le slogan : tous derrière la bannière du régime. Pour défendre la ligne commune qu’il cristallise. Ces contacts de rassemblement sont menés notamment par le vice-président du Conseil et par le ministre de la Défense, M. Khalil Hraoui. Les sources informées qui livrent ces indications précisent que l’un des tout premiers à avoir été relancés se trouve être M. Sleiman Frangié. Qui est notoirement en froid avec les partisans du régime depuis le double épisode des dispensaires de province et du bruitage sur la réouverture du dossier du massacre d’Ehden. Le jeune ministre, ajoutent ces sources, a fait savoir qu’il respecte actuellement une sorte de trêve, malgré les atteintes dont il a fait l’objet. Et qu’il reste, pour le fond, sur la même ligne politique que le régime. Ajoutant même, à en croire ces témoins, qu’il n’hésiterait pas à militer pour la reconduction du mandat du président, si les décideurs en expriment le vœu. M. Frangié reconnaît enfin, toujours selon ces sources, qu’il doute de la possibilité de voir ses relations avec le camp du régime se normaliser, tant il a subi de vexations. Et qu’il préfère donc se tenir à distance. Même son de cloche à peu près, du côté des haririens. Où l’on entend MM. Farid Makari, Ghattas Khoury et Walid Eido se déchaîner contre les services. Les entretiens entre M. Hariri et M. Élias Murr n’ont pas fait beaucoup avancer les choses vers la détente, reconnaissent leurs proches. Il reste qu’un ministre conciliateur s’active pour recoller les morceaux. En soulignant la nécessité pour le pouvoir de réunifier ses rangs face à la montée en puissance de l’opposition. Pour promouvoir ensuite l’émergence d’un front modérantiste, dans un cadre de dialogue constructif. Philippe ABI-AKL
Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. D’autant que, par définition, ce plantigrade a la vie dure. Ses soubresauts déséquilibrent encore, si l’on y regarde de près, la scène locale. Où, face à une opposition qui tente d’exploiter sa victoire en réclamant le départ du ministre de l’Intérieur, voire du cabinet tout entier, le pouvoir fait feu...