Dans le ciel, deux brefs reflets du soleil sur les ailes signalent le dernier virage qu’effectuent les oiseaux d’acier avant d’amorcer leur atterrissage. Les dérives en forme du V de la victoire et les réacteurs sifflant au point de percer les tympans, ils s’avancent à présent, leur mission accomplie, pour s’immobiliser sur le tarmac. Dans l’un des appareils, le pilote coupe les gaz en même temps que la musique qu’il écoutait dans son casque ; toujours la même d’ailleurs, «La chevauchée des Walkyrie». Au bas de l’échelle, avancée pour lui permettre de descendre de son chasseur-bombardier, il ouvre les bras pour accueillir les deux enfants qui courent pour l’embrasser. À quelques pas de là, une jeune femme sourit, elle attend patiemment son tour. Le spectacle de ce bonheur ineffable est attendrissant. Quelques instants plus tôt, une masure abritant des femmes et des enfants était soufflée dans un fracas de fin du monde. Un bruit qui s’est mêlé au bang sonore et au tonnerre d’un jet prédateur disparu impunément. Succédant au silence de mort qui régna sur les lieux, des appels désespérés et des gémissements se firent entendre, suivis des hurlements de douleur des survivants lorsque furent retirés des décombres des petits corps inanimés ou mutilés. Demander à la mère des enfants ainsi massacrés, rescapée du bombardement, de tendre la main au pilote pour faire la paix, oublier et pardonner relève de la folie. Il faudrait d’abord que celui-ci eut souffert comme elle de la perte de sa famille. G. SÉROF