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Actualités - ANALYSE

À Beyrouth, les absents ont pris trop de place

Il y a un avant mardi 26 mars, et un après. Un sommet qui avait, sur le papier, toutes les chances d’être sinon «historique» (même si l’on sait ce que valent, dans ce genre de situations, ces épithètes par trop vite lancées, ou espérées), du moins, bien différent de ceux qui l’ont précédé. Plus prometteur. Sauf qu’en pratique, ce n’était plus vraiment le même schéma – en tous cas, à quelques heures du tomber de rideau. Et le tarmac de l’AIB en a été le témoin : les absents – leur nombre était somme toute assez secondaire – ont vite eu tendance à prendre bien trop de place. Et où l’on se rend compte qu’ils n’ont pas toujours, nécessairement, tort. L’absence la plus assourdissante : celle de l’incontournable Hosni Moubarak. Pourquoi ? Oublions ses évidents alibis (soutien à Arafat, prétentions trop belliqueuses de certains voisins d’Israël, charité bien ordonnée...). «Trois raisons. Un : le président égyptien appréhende (tout comme Abdallah II de Jordanie) la réaction de certains groupes radicaux libanais. C’est effectivement une question de sécurité, et c’est très important pour lui. Deux : l’ego. Hosni Moubarak ne se prive plus, avec des visiteurs non arabes, de critiquer ouvertement, et avec des mots qui frappent, les wahhabites. Parce que justement, cela fait dix ans qu’ils partagent avec la Syrie – c’est un de leurs rares points communs – la presque exclusivité de la notion de normalisation avec Israël. D’accord avec Damas, Le Caire ne cessait de répéter aux Américains que si vous contribuez à la création d’un État palestinien, nous nous faisons forts – c’est toujours les Égyptiens qui parlent – de convaincre les Syriens. Les Égyptiens en veulent beaucoup aux wahhabites», conclut, interrogé par L’Orient-Le Jour, un haut responsable libanais. Vexé d’avoir découvert la première mouture de l’initiative Abdallah dans la presse, Hosni Moubarak n’oublie pas non plus que c’est du niveau et du rendement de la diplomatie de son pays – à laquelle il a toujours essayé d’offrir la suprématie incontestée sur l’échiquier arabe – que dépend, entre autres, la quantité de dollars américains balancés en aide à l’économie égyptienne. Un drôle de jeu de chaises musicales entre les capitales arabes, sur fond de je t’aime-moi non plus, d’alliances et de coups de griffes, de revirements conjoncturels comme de coups de poignard dans le dos. Il n’est tout de même pas anodin que deux des plus grands absents du sommet soient deux des dirigeants arabes les plus modérés : l’Égyptien Hosni Moubarak et le Jordanien Abdallah II. Mais il y a aussi, évidemment, le cas d’Arafat. Différent celui-ci puisque le dossier palestinien est censé occuper la (très) grande part des discussions arabes. Son absence à Beyrouth est une petite gifle assénée aux Américains, non ? «Sans aucun doute. Mais encore plus pour les Européens, qui sont les grands architectes de Yasser Arafat à Beyrouth. Les Européens ont échoué : parce que les Américains sont entrés tardivement et faiblement dans la danse. Et parce que les réunions des trois derniers jours avec Zinni n’étaient pas bonnes. Et puis Arafat a peur, il n’a aucune garantie». Tout cela, sans oublier l’incident diplomatique entre la présidence du sommet – assurée par Émile Lahoud – et la délégation palestinienne. Tout et n’importe quoi se disait hier dans la salle de presse où par moment l’on ne pouvait même plus bouger un petit doigt. «Un événement de l’importance du discours satellite d’Arafat, et que tout le monde attendait, ne peut pas dépendre uniquement de la décision du président libanais. Et puis tout le monde sait que ce n’est pas la diplomatie libanaise qui gère les dossiers, qu’ils soient cruciaux ou tout à fait banals. Que la Syrie-sœur est là pour tout superviser. Ou tout initier». Les deux écoles se disputent : celle qui soutient que les responsables libanais n’attendent plus les desiderata syriens, il les «anticipent», et celle qui répète inlassablement qu’en ce qui concerne les maladresses – insignifiantes ou gravissimes comme celle d’hier – du Liban, c’est Damas qu’il faut blâmer. Dans les deux cas, c’est le Liban qui en pâtit, et pendant ce temps-là, Bachar el-Assad s’en va participer au rabibochage des Palestiniens avec les Libanais. Après s’être «diablement bien positionné» au cours d’un discours dit-on improvisé de bout en bout, assez neuf semble-t-il si l’on écoute les innombrables voix qui ont commenté pendant un long moment, dans la salle de presse du sommet, le discours du président syrien. Notamment en ce qui concerne l’«échec» du parrainage US du processus de paix au cours de la décennie écoulée. Mais aussi, bien sûr, à cause des très nombreuses piques lancées aux wahhabites, faisant des Syriens les plus féroces – voire les seuls si l’on excepte Beyrouth – contradicteurs de l’initiative Abdallah. Voire, carrément, les trouble-fêtes. Au grand dam de Washington. Enfin, en ce qui concerne l’ex-star du sommet – l’initiative Abdallah –, qui risque bien fort de se voir voler la vedette par l’éventuel happy end koweïto-irakien, ce qui, en soi, permet au sommet de Beyrouth de s’enorgueillir d’un très gros succès – le haut responsable libanais concédait hier qu’elle «pouvait dégonfler. À cause de Moubarak. Il a blessé les Saoudiens. Et puis dites-vous bien que pour ce sommet, il y a deux invitants. Les Libanais et les Saoudiens. Et si le Liban n’a aucun compte à régler avec qui que ce soit, Ryad, par contre, a ouvert un sacré cahier avec Hosni Moubarak. Il y a déjà une grosse croix noire. D’ailleurs, le Liban, qui n’a jamais été très chaud en ce qui concerne l’initiative Abdallah, n’est pas du tout mécontent de l’absence du Raïs égyptien...» Ziyad MAKHOUL
Il y a un avant mardi 26 mars, et un après. Un sommet qui avait, sur le papier, toutes les chances d’être sinon «historique» (même si l’on sait ce que valent, dans ce genre de situations, ces épithètes par trop vite lancées, ou espérées), du moins, bien différent de ceux qui l’ont précédé. Plus prometteur. Sauf qu’en pratique, ce n’était plus vraiment le même...