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Actualités - CHRONOLOGIE

Éducation - Younan : « Les religions ne doivent pas s’approprier les bancs de l’école » L’enseignement religieux obligatoire revu et corrigé

«Nous ne cherchons pas à susciter une polémique, mais à lancer le débat afin qu’ensemble nous trouvions une solution rationnelle». Dès le départ, la représentante du Mouvement des droits humains, Ogarith Younan, a voulu préciser les objectifs de la rencontre. La conférence de presse qu’elle a organisée devait ouvrir la débat sur un thème particulièrement sensible : «L’enseignement religieux obligatoire au Liban». Tel était en outre l’intitulé de l’ouvrage qui devait être lancé ce jour-là et qui a donné lieu à des interventions multiples. Ce recueil, qui regroupe toute la matière relative à cette question – notamment les principales positions prises lors d’une conférence nationale qui s’était tenue en mars 2000 – a été préparé et publié par le Mouvement des droits humains dans le but de démontrer les effets négatifs de l’enseignement religieux obligatoire. Aidée en cela par un certain nombre de personnalités politiques, et, dans une moindre mesure, religieuses, la campagne que mène depuis quelque temps cette ONG fait appel à l’introduction dans les programmes d’un cours «d’éducation religieuse» par opposition à un «enseignement religieux obligatoire» à caractère exclusivement confessionnel. L’idée est d’assurer désormais un enseignement dans le sens d’une «culture religieuse», dont profiteraient à égalité les musulmans et les chrétiens au sein d’une même classe, ou dans leurs écoles respectives, les deux communautés devant désormais apprendre les fondements et les préceptes religieux de l’une et l’autre croyance. Le problème est de taille. Il faudra peut-être commencer par le reconnaître, s’accordent à dire les intervenants. L’enseignement religieux doit-il être l’apanage des seuls hommes de religion ? L’État n’a-t-il pas un rôle, voire une obligation, d’organiser ce domaine sans pour autant empiéter sur le principe sacro-saint du respect des croyances ? Enfin comment faire la différence entre endoctrinement et éducation religieuse ? «Il ne s’agit pas d’une bataille qui doit se solder par un vainqueur et un vaincu». Mme Younan tient à mettre en garde les chefs religieux qui défendent à cor et à cri leur «chasse gardée». Et de préciser que c’est en termes pédagogiques et nationaux qu’il faut réfléchir à ce problème. Le raisonnement est le suivant : une formation générale aux préceptes religieux est assurément dans l’intérêt des générations futures qui, dès le plus jeune âge, doivent être préparées à l’avenir dans un esprit de cohésion et d’unification nationale. La première chose à faire est de mettre de côté nos sensibilités et de se poser les vraies questions, souligne Ogarith Younan. «Pourquoi envoyons-nous nos enfants à l’école ? N’est ce pas en vue de l’acquisition des valeurs et du savoir-être, en plus des diplômes ?» s’interroge la militante. Dans un pays tel que le Liban qui est édifié sur des bases confessionnelles, où la politique continue d’être une affaire de quotes-parts, il est grand temps de poser ce problème dans toutes ses dimensions. «Tous les Libanais ne sont pas nécessairement chrétiens ou musulmans», ajoute Mme Younan qui précise qu’il existe des laïcs, des agnostiques, des athées, ceux qui n’ont pas encore fait leur choix ou tout simplement des personnes qui se disent foncièrement chrétiennes ou musulmanes par fanatisme, sans avoir réellement la foi. «L’idéal pour nous est que les croyances religieuses ne viennent pas s’approprier les bancs de l’école. Celle-ci ne saurait être une tribune qui servirait à prêcher et à endoctriner, mais un lieu pour l’acquisition des connaissances». Quant aux effets d’un enseignement religieux obligatoire, ils se traduisent, sur le plan national, par une véritable confusion dans la définition réelle de l’identité individuelle. Par conséquent, ce ne sont plus des citoyens à part entière que les institutions scolaires cherchent à former, mais des croyants qui ne savent se définir qu’à travers le prisme communautaire religieux. Car, explique Ogarith Younan, les communautés traitent avec les écoliers comme s’il s’agissait de leurs propres enfants. «Nous sommes en premier les enfants de la communauté, et ensuite ceux de la nation. Ne devrions-nous pas plutôt chercher notre véritable identité à travers l’identification à une nation qui respecte la liberté de la religion pour tous ?» Dans son allocution, la représentante de ce mouvement laïc démontre comment, une fois bien ancrée dans son inconscient, l’éducation reçue par l’enfant se répercutera plus tard dans sa vie sociale et dans ses choix politiques qui restent imprégnés d’une éducation confessionnelle. D’ailleurs, la plupart des législations qui sont proposées viennent exacerber les dissensions confessionnelles, à l’instar de ce qui s’est passé avec le projet d’abolition des agences non exclusives, souligne l’intervenante. «La foi ne peut être enseignée ni héritée. C’est un cheminement intérieur et spirituel qui est propre à chacun», certifie Elham Kallab Bsat, professeur d’université. Rappelant que les religions sont à la disposition de toute l’humanité et ne sont pas la propriété exclusive d’une seule communauté, ni un secret à sauvegarder par une seule religion, Mme Bsat a rappelé que l’école est avant tout un espace de liberté. Et par là-même, son rôle est d’assurer une ouverture d’horizon en diffusant la connaissance et la culture. «Dans un pays pluraliste, où les mariages mixtes augmentent et où la liberté de croyance est consacrée dans la Constitution libanaise, l’enseignement religieux obligatoire devient contraire à la loi fondamentale». Des études entreprises par l’Unesco à ce sujet viennent confirmer une certaine tendance en faveur de ce nouveau principe. Le vice-président du bureau régional de l’Unesco Ramzi Salamé a présenté les résultats des statistiques qui ont été effectuées auprès d’un échantillon d’écoles sur l’enseignement religieux mixte. «Cinquante pour cent des personnes interrogées sont en faveur de cette alternative et se sont prononcées contre la division des classes lorsqu’il s’agit d’écoles religieusement mixtes. Trente pour cent ont exprimé un avis contraire, révèle M. Salamé. Notre étude s’est fondée sur trois critères essentiels : le critère pédagogique, l’unité l’nationale et enfin les valeurs humaines». Et le responsable de l’Unesco de s’interroger, lors du débat, sur la nécessité de l’intervention de l’État pour instituer et organiser un tel programme, en se demandant si des examens sur les matières de culture religieuse ne devraient pas être mis en place. Entre-temps, un projet d’unification des livres d’enseignement religieux – au sein de chaque religion – vient d’être initié. Pour le Mouvement des droits humains, il faut saisir l’occasion pour que ce projet – qui bénéficie d’un délai de trois ans – aboutisse à une idée plus grande : c’est-à-dire l’éducation religieuse pour tous et l’unification à travers une telle formation, entre les différentes communautés et non seulement au sein de chacune d’entre elles. Ayant fait une analyse de fond des livres d’enseignement religieux, notre collègue Charbel Antoun relève que le contenu des ouvrages «se fonde sur le Moi religieux tout en rejetant l’Autre. Ces ouvrages abondent en dogmatisme, enseignent le confessionnalisme en usant de moyens d’inculcation traditionnelle et non démocratique». Jeanine JALKH
«Nous ne cherchons pas à susciter une polémique, mais à lancer le débat afin qu’ensemble nous trouvions une solution rationnelle». Dès le départ, la représentante du Mouvement des droits humains, Ogarith Younan, a voulu préciser les objectifs de la rencontre. La conférence de presse qu’elle a organisée devait ouvrir la débat sur un thème particulièrement sensible :...