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Actualités - OPINION

TRIBUNE Une maison aux multiples demeures

La crise du livre est une maladie chronique qui tient à sa nature même. Il en souffre depuis sa naissance, en vit et en vivra, il n’en guérira pas et il n’en mourra pas. Il est immortel. Henri BAILLÈRE La crise du livre Paris 1904 La Maison du Livre qui ouvre ses portes nous inspire quelques réflexions portant sur la nature même du livre et sa pérennité. Le livre n’est-il pas devenu une des facettes de la culture où communication et information occupent désormais une place de choix ? Dans ce contexte éclaté, les grandes surfaces, qui font la part belle à la civilisation des loisirs, succèdent fatalement aux petites. Le livre unique et universel est pourtant le premier véhicule du mot, reprendra-t-il sa place de primus inter pares ? Des questions fondamentales se posent à nous, éditeurs, libraires, diffuseurs et surtout lecteurs francophones. Fort heureusement, les objectifs de la Maison du Livre nous livrent un large éventail de réponses qui englobent la formation des libraires et des éditeurs, la constitution de banques de données et la diffusion large de fonds éditoriaux complètement ou partiellement francophones. Longtemps réclamée par le syndicat des libraires et celui des importateurs, la formation des libraires est sans doute la réponse la plus urgente à nos interrogations. Former et délivrer, à terme, un diplôme universitaire à celles et ceux qui souhaitent opter «définitivement» pour le métier de libraire constitue le seul vrai rempart face à l’amateurisme et à la précarité. Souvent la question «suis-je libraire ?» nous met en garde contre les déviations de technocrates encravatés. Si, rompus à la gestion des stocks et à l’accueil de la clientèle, nous sommes seulement capables de vendre les livres qui se vendent, incapables d’argumenter pour vendre un livre meilleur, plus exhaustif et moins cher, alors nous ne sommes pas (plus) libraires. Aimer à faire aimer le livre est une passion dévorante. Si nous perdons celle-ci, aucune forme de rationalité ne nous la rendra. Certes, la formation qui semble attirer les jeunes générations est indispensable pour la survie de la profession. Grâce à elle, de grands talents peuvent se dévoiler. Assurera-t-elle pour autant la garantie de survie des librairies moyennes face aux monstres sacrés ? Rien n’est moins sûr. Dans le même contexte, la formation éditoriale est aussi importante et contribue grandement à la survie des librairies. Il suffit de constater le nombre impressionnant de titres sans éditeur pour évaluer l’indigence de la «culture» éditoriale chez certains auteurs. Plus l’édition libanaise se structurera autour du respect des droits et se diffusera convenablement dans le monde francophone, plus l’intelligentsia libanaise et d’origine libanaise trouvera naturel de s’y faire éditer. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Mais au-delà de la pratique professionnelle, l’existence même de la Maison du Livre nous lance un formidable défi, celui d’élever l’édition libanaise francophone au niveau de la francophonie universelle, celle du Sud et surtout celle du Nord et de l’Ouest. Elle en serait capable à condition de trouver de véritables partenaires dans les marchés très structurés. Sans doute, l’organisation par la Maison du Livre d’une mini-foire de Francfort à Beyrouth aurait, de ce point de vue, un impact déterminant. D’ailleurs, la littérature francophone d’auteurs arabes parisiens a déjà accédé au prix Goncourt (Taher Ben Jelloun (87) Amin Maalouf (93)), et la distinction, sous-entendue mais réelle, entre le français pure souche et la francophonie lointaine a vécu. Seule l’excellence compte, à présent, aussi lointaines et colorées fussent ses racines, pourvu qu’elles existent. La Maison du Livre vivra par et pour les professionnels du livre. Nous lui souhaitons une belle existence, plus belle que celle de son aînée, la Maison du Livre français, dont les objectifs n’étaient pas les siens. Maroun B. NEHMÉ
La crise du livre est une maladie chronique qui tient à sa nature même. Il en souffre depuis sa naissance, en vit et en vivra, il n’en guérira pas et il n’en mourra pas. Il est immortel. Henri BAILLÈRE La crise du livre Paris 1904 La Maison du Livre qui ouvre ses portes nous inspire quelques réflexions portant sur la nature même du livre et sa pérennité. Le livre n’est-il pas devenu une des facettes de la culture où communication et information occupent désormais une place de choix ? Dans ce contexte éclaté, les grandes surfaces, qui font la part belle à la civilisation des loisirs, succèdent fatalement aux petites. Le livre unique et universel est pourtant le premier véhicule du mot, reprendra-t-il sa place de primus inter pares ? Des questions fondamentales se posent à nous, éditeurs, libraires, diffuseurs et...