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Actualités - CHRONOLOGIES

EXPOSITION - Le voyage au Liban

Depuis les premières croisades, ils sont venus, ils ont vu, ils ont écrit et longuement décrit. Décidément, l’exposition sur le thème du «Voyage au Liban» – qui se tient jusqu’au 24 novembre dans la superbe crypte de l’église Saint-Joseph des pères jésuites – est un cadeau. Au visiteur libanais, elle offre d’un seul tenant l’apport précieux de ses ancêtres présumés à la communication à travers la codification de l’écriture ; et comme un juste retour des choses, le regard écrit des visiteurs européens sur notre région. Français, Allemands, Anglais, Hollandais… Quelle était cette fascination qui les menait jusqu’à nos rivages, à une époque (les documents exposés remontent aux XVIe-XVIIe siècles pour les plus anciens) où les voyages étaient périlleux et inconfortables, et les difficultés accrues par l’ignorance des langues vernaculaires, l’absence de communications et de moyens de transport, et les permanentes guérillas internes, prétextes à des notes savoureuses dans cet ancien français où les guerriers arabes «tiroient» sur les moines avec des fusils ! Archéologues, philologues, géographes et artistes voyageurs, écrivains voyageurs tout simplement (la belle vie !) ou encore pèlerins attirés par la terre sainte, chroniqueurs ancêtres des reporters, ethnologues, sociologues, musicologues intéressés par les «temps et musiques» de nos contrées, botanistes, entomologistes, missionnaires du «roy» ou plus tard de l’empereur, c’est peu dire qu’en visitant cette exposition, on a le sentiment d’avoir été observés à la loupe, partagés entre un chatouillement narcissique d’avoir suscité tant d’intérêt et une vague égratignure à l’amour propre pour avoir à ce point paru étrangers au monde dit civilisé. Il reste de leurs observations des documents inestimables, cartographies minutieuses, planches et notes, que n’eut pas relevés un autochtone naturellement dépourvu de curiosité à l’égard de ce qui l’entoure avec la force de l’évidence. Il en reste des témoignages précieux sur les fondements culturels de nos régions, à titre d’exemple cet extrait de l’Enquête aux pays du Levant de Maurice Barrès (1923), où un père lazariste confie à l’auteur que pour fonder une école, il faut à sa mission promettre à n’importe quel homme de bonne volonté un tant soit peu lettré l’équivalent d’un franc par jour pour réunir des enfants et leur apprendre à lire, écrire et compter dans leur langue. Rémunération qui s’élève à 1,60F si l’instructeur peut donner en plus des rudiments de français ! À quel moment s’est donc produite cette rupture provisoire avec l’écrit dans cette partie du monde qui l’a engendré et qui en a établi les premières règles ? Une mise en scène volontairement spectaculaire décline en autant d’affiches-bannières la variété des écritures méditerranéennes dérivées de l’écriture phénicienne. Explication : «À l’origine du grec et de l’araméen, l’écriture phénicienne fonda la société méditerranéenne : du grec naîtront notamment les écritures latine, copte, arménienne, tandis que de l’araméen résultent l’hébreu, le nabatéen, le syriaque et l’arabe», un échantillon de chacune de ces écritures calligraphie une même phrase : «Lis ton livre». Lis donc ton livre visiteur ! Cette exposition ne manquera pas de verser une forme de réponse à ceux qui se demandent encore, à la manière des voyageurs d’Orient : Comment peut-on être Libanais ? Et s’étonnent comme d’un miracle de l’être restés malgré tout. Il est à noter que cet événement n’aurait pas vu le jour sans la précieuse collaboration de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’efficacité du tandem Michel Vauzelle (président du Conseil régional) et R.P. Sélim Abou, doyen de l’Université Saint-Joseph. Grâce à l’apport technique de Manumed (réseau euro-méditerranéen d’experts au service des bibliothèques, des archives et des musées du Maghreb et du Proche-Orient) et l’effort conjugué de ces trois acteurs, une indispensable opération de fumigation de l’ensemble des collections de la Bibliothèque nationale (au bromure de méthyle) et de la Bibliothèque orientale (au dioxyde de carbone) a eu lieu entre le printemps et l’été 2001. C’est à ce traitement que l’on doit la chance de découvrir ces ouvrages dont l’état d’usure n’aurait pas permis la révélation autrement. Un seul regret : que tous les livres n’aient pas été systématiquement ouverts à une page de lecture sous leurs vitrines.
Depuis les premières croisades, ils sont venus, ils ont vu, ils ont écrit et longuement décrit. Décidément, l’exposition sur le thème du «Voyage au Liban» – qui se tient jusqu’au 24 novembre dans la superbe crypte de l’église Saint-Joseph des pères jésuites – est un cadeau. Au visiteur libanais, elle offre d’un seul tenant l’apport précieux de ses ancêtres présumés à la communication à travers la codification de l’écriture ; et comme un juste retour des choses, le regard écrit des visiteurs européens sur notre région. Français, Allemands, Anglais, Hollandais… Quelle était cette fascination qui les menait jusqu’à nos rivages, à une époque (les documents exposés remontent aux XVIe-XVIIe siècles pour les plus anciens) où les voyages étaient périlleux et inconfortables, et les difficultés...