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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Le président (PS) de la commission parlementaire française des AE répond aux questions de « L’Orient-Le Jour » - Loncle : Le gel des avoirs du Hezbollah entraînerait déstabilisation et désordre

François Loncle est le président de la (très active) commission parlementaire française des Affaires étrangères. Et les propos du très jospinien député normand ne varient pas beaucoup de ceux tenus il y a deux jours à Abou-Dhabi par le chef de l’État français, Jacques Chirac : «La Syrie et le Liban sont libres d’appliquer ou de ne pas appliquer la troisième liste US au regard de la législation internationale et des résolutions de l’Onu». Pas de couacs donc – du moins à ce niveau-là – au sein de la cohabitation jospino-chiraquienne. «Seules les Nations unies peuvent se saisir d’un certain nombre de propositions et les valider elles-mêmes», avait dit, avant-hier, François Loncle. Qui a répondu le lendemain aux questions de L’Orient-Le Jour. À Beyrouth depuis deux jours, après s’être rendu à Damas, et à la tête d’une délégation parlementaire, il parle de cette mission au Liban qui fait partie d’un travail mené par la commission française des AE, de plus en plus active depuis le 11 septembre, et qui a rencontré un grand nombre de personnes, dont Powell ou Peres. Et l’impression qui prévaut est que la France est venue au Liban – à travers François Loncle – en grande sœur. Et abonder dans le sens du Liban officiel suite à la demande US de geler les avoirs du Hezbollah. Est-ce simplement formel ? «La relation privilégiée de la France et du Liban mérite qu’on y insiste surtout en ce moment. Voilà pourquoi nous avons voulu la conforter, et il est important aussi que la France entretienne d’excellentes relations avec la Syrie, dans le contexte régional, celui de la crise israélo-arabe. Il est indispensable, là, que la France ait un rôle majeur à jouer parce qu’elle est en capacité de convaincre ses partenaires européens». Londres mis à part, non ? «Nous ne désespérons jamais de convaincre Londres. En particulier le Premier ministre Tony Blair, qui est un homme d’une grande intelligence, et qui est un ami politique. Là-dessus, il ne faut jamais renoncer». Lorsque vous parlez d’un rôle majeur pour la France, vous pensez qu’il consiste à prendre le contre-pied des États-Unis ? Nous parlons des fameuses «listes», et d’un antiaméricanisme politique assez européen somme toute… «Il ne s’agit pas de prendre le contre-pied des USA ou de faire de l’antiaméricanisme primaire : cela serait contre-productif et néfaste. Nous voulons une relation transatlantique rénovée sur la base d’une Europe et des États-Unis qui discutent d’égal à égal. Sans relation de dépendance ou de garde-à-vous, sans que l’on puisse constater de démarche unilatérale. Rien ne serait pire dans la situation internationale que de se livrer à une politique d’unilatéralisme. Il faut que les États-Unis, qui ont tout de suite fait la différence entre le réseau Ben Laden et le monde arabo-musulman, agissent en concertation avec leurs partenaires de la coalition politique antiterroriste. Sinon, cela serait dangereux pour le monde. Il faut mesurer toutes les conséquences…» La phase II de la lutte contre le terrorisme Justement, lorsque vous demandez que ces listes soient onusiennes et non américaines, vous ne pensez pas que c’est un peu reculer pour mieux sauter, et que les USA contrôlent, à leur façon, l’Onu ? «Dès le début de la riposte US en Afghanistan, le Premier ministre Lionel Jospin s’est exprimé fermement pour dire qu’il n’était pas question d’accepter des frappes américaines ailleurs qu’en Afghanistan». Doit-on penser, en vous écoutant, que cela est en train de se préparer ? «Non. Mais il y a au sein du pouvoir US des luttes de courants, et c’est normal dans une démocratie. Ce serait stupide de penser que les Américains n’ont qu’une seule pensée, un seul homme…» En l’occurrence, c’est une seule femme, Condoleeza Rice… «Pour la France, les choses sont claires : les interventions hors Afghanistan ne seraient pas acceptables. Parce que leurs conséquences seraient gravissimes. La lutte contre le terrorisme ne passe pas que par le militaire. Et il est impossible de laisser s’aggraver la situation au Proche-Orient et la crise israélo-arabe. Il est impossible que ce cycle de violence continue, impossible de laisser les Palestiniens sans État viable et sûr, qui assurera par ricochet la sécurité d’Israël», martèle un François Loncle, visiblement soucieux de rectifier l’image d’une gauche française que l’on accuse d’être bien plus israélophile que nécessaire. «Je pense qu’il n’y a pas de lien entre les attentats de Ben Laden et le P-O. Je suis persuadé que Ben Laden se moque totalement de l’avenir des Palestiniens, ce n’est pas son problème. Et puisque j’entends parler, venant des USA, d’une deuxième phase de la lutte contre le terrorisme, Eh bien je souhaite clairement et profondément que cette deuxième phase soit le règlement de la crise du P-O». C’est en tout cas le credo du Premier ministre Hariri… Supposons maintenant que l’Onu valide les listes US, et la demande de gel, en l’occurrence, des avoirs du Hezbollah, la France soutiendrait-elle cette résolution ? «Je ne sais pas ce que fera le gouvernement que je soutiens, et le président de la République. Je pense qu’il ne serait pas souhaitable d’aller jusque-là. En raison des conséquences et des risques de déstabilisation de toute une région, y compris pour le Liban. Je ne souhaite en aucun cas que l’on fasse quelque chose qui déstabiliserait le Liban et qui obérerait son avenir. Il est plus important d’en mesurer les conséquences, qui seraient néfastes, dangereuses. Parce que demander le gel des avoirs du Hezbollah entraînerait une cascade de déstabilisation, de désordre». Cela implique que vous appuyez, même indirectement, la poursuite des actions du Hezbollah dans les fermes de Chebaa ? «Je n’ai pas l’intention de qualifier et de codifier telle ou telle organisation. Ni de disserter sur le beau thème de résistance et de terrorisme. Le problème aujourd’hui est de considérer que la phase II d’une vraie lutte contre le terrorisme est de régler le problème israélo-arabe». Concernant la résolution 1373 de l’Onu, celle qui demande à tous les pays de combattre le terrorisme, vous pensez que le Liban est en train de faire ce qu’il faut ? «Je pense que le Liban a beaucoup de mérite actuellement à essayer de redresser sa propre situation économique. Et il faut faire confiance aux dirigeants libanais dans leur réponse au droit international». Vous avez parlé d’économie, et les mots, le week-end dernier, de Condoleeza Rice, qui disait qu’il ne faudrait pas parier un kopeck sur l’avenir économique du Liban si ce dernier ne souscrivait pas aux demandes US, résonnent encore. «Ce type de décision est une source de déstabilisation. Moi je me bats pour que le partenariat euro-libanais soit signé le plus rapidement possible». Et Paris II ? «Pour le moment, il n’y a aucune date fixée». Vous êtes un des rares à visiter, dans le cadre de vos missions, et Damas et Beyrouth, à donner à Beyrouth la place qu’il mérite sur l’échiquier politique international. Ça s’est fait naturellement ? «Tout à fait. Et nous avions l’intention de nous y rendre depuis longtemps. Sauf que nous irons en Jordanie en décembre. Moi je suis pour des pays libres, stables, indépendants, pour une relation très forte entre l’Europe et la Méditerranée». Donc ça ne fait pas double emploi, une perte de temps, que de se rendre à Beyrouth lorsque l’on a été, la veille, à Damas ? «Absolument pas. Ce sont deux pays dont on doit considérer qu’ils sont libres et indépendants. Je fais confiance à l’Onu. Et il y a un grand consensus en France sur cela, au sein de la cohabitation. Aucune divergence sur les points que j’ai évoqués…» Sur la nécessaire souveraineté du Liban… «Exactement», conclut François Loncle. François Loncle qui trouve à une cohabitation beaucoup de vicissitudes et qui soutiendra, «à fond», Lionel Jospin au cours de la présidentielle 2002. «Sa candidature ? Elle devrait être officielle fin février». Le rendez-vous est pris.
François Loncle est le président de la (très active) commission parlementaire française des Affaires étrangères. Et les propos du très jospinien député normand ne varient pas beaucoup de ceux tenus il y a deux jours à Abou-Dhabi par le chef de l’État français, Jacques Chirac : «La Syrie et le Liban sont libres d’appliquer ou de ne pas appliquer la troisième liste US...