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Actualités - OPINIONS

OPINION - Erreurs US et intégrisme

« Ne cherchez pas ce que les religions ont fait des peuples, mais plutôt ce que les peuples ont fait des religions » Amin MAALOUF André Malraux avait déjà dit que le XXIe siècle serait le siècle des religions ou ne serait pas. Le penseur américain Huntington l’a relayé dans ses présages en se plaçant toutefois dans une optique de confrontation développée dans un ouvrage, Le conflit des civilisations, qui a fait grand bruit aux États-Unis. Les événements du 11 septembre 2001 ont fait croire que cette guerre des civilisations a réellement commencé et que la mondialisation, envisagée en son aspect intégrateur des valeurs humaines, a échoué devant la multiplicité des civilisations et des cultures qui sont entrées en conflit au lieu de cohabiter, de se comprendre et de s’entendre. Un tel langage commence à trouver des auditeurs attentifs après le 11 septembre. Mais la civilisation musulmane est-elle ce «11 septembre» ? Il faut d’abord signaler que l’islam de Malaisie n’est pas celui de l’Afghanistan ou du Pakistan, car si les religions ont beaucoup donné aux divers peuples, ces peuples ont également donné aux religions en les façonnant dans leurs moules respectifs ! Mais existe-t-il vraiment un conflit entre les civilisations ? Ou n’est-ce plutôt qu’un conflit entre l’islam intégriste et l’islam de l’école réformatrice, celle de Mohamad Abdo, Jamal el-Dine al-Afghani, Rachid Rida et autres, qui ont fait paraître la revue al-Eroua à Paris. Cette école avait jeté les bases d’une vraie modernité défendue par Lotfi el-Sayed, puis par Taha Hussein, al-Accad, Ahmad Amin et Abdallah al-Alaili, et c’est à travers elle que la pensée réformatrice musulmane avait trouvé son chemin vers une évolution moderne progressive. Si une divergence existe dans les conceptions relatives à la naissance, à l’éducation, à l’amour, à la souffrance, au mariage, à la mort et à la femme, cette divergence est encore plus grande entre l’islam intégriste et l’islam réformateur du cheikh Mohamad Abdo et de ses compagnons. Cette confrontation entre les deux pôles de l’islam a commencé à l’époque de la «Nahda» au tout début du XXe siècle, après la chute des Mamelouks et de l’Empire ottoman. Pour montrer le recul de ce courant réformateur, il suffit de se remémorer le cas de Nasr Abou Zied qui a «été divorcé» de sa femme par l’islam intégriste et qui a été considéré comme apostat parce qu’il a formulé un avis sur la religion, qui n’a pas plu aux intégristes. Aussi n’a-t-il pas pu continuer de résider en Égypte et a-t-il été contraint d’émigrer, avec son épouse, en Hollande. L’islam intégriste ne s’est «apaisé» que sous le régime d’Abdel Nasser qui a été contraint de liquider les «Frères musulmans» après qu’ils eurent tenté de l’assassiner. L’auréole de héros d’Abdel Nasser et l’étendard du nationalisme arabe brandi par ce dernier ont pris le dessus dans les âmes des musulmans et transformé le conflit entre Abdel Nasser et l’islam intégriste en une lutte entre le nationalisme arabe et le colonialisme occidental. Je me souviens que les musulmans du Liban affichaient alors, vis-à-vis de l’intégrisme, un sentiment de méfiance et de réprobation et le considéraient comme marginal. Faut-il rappeler, à ce sujet, que les Américains avaient tenté, en ce temps, d’encercler Abdel Nasser par une alliance de pays regroupés au sein du «Pacte islamique» qui s’appuyait sur l’intégrisme pour lui faire échec et ambitionnait de remplacer le nationalisme arabe par le fondamentalisme musulman ? Le monde musulman ne se rallia pas alors à ce projet et le «Pacte islamique» mourut dans l’œuf. La défaite de 1967 a redonné vie à l’intégrisme et celui-ci risque de reprendre la place de Abdel Nasser dans l’esprit des musulmans arabes et non-arabes depuis l’avènement de l’intifada palestinienne. Les premières victimes de l’intégrisme ont été les musulmans eux-mêmes : près de 100 000 Algériens ont été assassinés jusqu’à présent. La guerre Iran-Irak, qui a opposé deux pays musulmans, a fait plus de 750 000 victimes, et ce sont les slogans intégristes iraniens qui ont incité les pays arabes à soutenir l’Irak ! L’intégrisme musulman n’aurait pas revu le jour si Abdel Nasser était resté et s’il n’y avait pas eu la défaite de 1967. Si l’Amérique n’avait pas pratiqué cette politique méprisante et injurieuse vis-à-vis des valeurs les plus chères à l’islam, le monde musulman n’aurait pas prêté l’oreille aux intégristes. Le plus surprenant dans la politique de l’Amérique de ce jour est la coalition avec les pays et régimes intégristes dans sa guerre contre l’intégrisme afghan. N’était-ce pas elle qui avait soutenu et ménagé le terrain à l’intégrisme afghan dans sa guerre contre l’Union soviétique ? Le courant réformateur musulman a beaucoup souffert de la politique des États-Unis et des régimes despotiques qui lui sont alliés. Si ce courant a faibli au point que l’islam ne s’est plus manifesté par sa pensée, sa musique, ses arts, ses découvertes scientifiques et sa science juridique, mais par ses hommes barbus et ses femmes voilées, c’est bien par la faute des États-Unis d’Amérique qui en assument une bonne part de responsabilité. Il n’y a pas de conflit de civilisations. Le conflit est d’ordre politique et non religieux ou culturel ! Seul le courant réformateur contemporain de l’islam aurait été capable de faire front et d’empêcher l’évolution de la situation vers ce qui a été le 11 septembre, et il aurait réussi si la politique américaine ne l’avait pas entravé. La riposte au défi, qui a écrasé l’âme et l’individu musulmans et dont l’Amérique n’a subi, le 11 septembre, que des bribes en comparaison avec les immenses inondations subies par le monde musulman et qui l’ont englouti en entier, serait le retour à l’esprit même de la «Nahda» islamique réformatrice qui a pris naissance au début du siècle dernier et qui se situe dans le prolongement du courant réformateur et conciliateur d’Avicène et de la première période abbasside qui a montré, par sa pensée, son savoir et sa science, que le vrai islam était bien différent de celui des porteurs de barbes ou de bâtons et qui imposent le voile aux femmes… qu’il est une religion qui veut que ses adeptes vivent libres et dignes et jouissent du bonheur en ce monde.
« Ne cherchez pas ce que les religions ont fait des peuples, mais plutôt ce que les peuples ont fait des religions » Amin MAALOUF André Malraux avait déjà dit que le XXIe siècle serait le siècle des religions ou ne serait pas. Le penseur américain Huntington l’a relayé dans ses présages en se plaçant toutefois dans une optique de confrontation développée dans un ouvrage, Le...