Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIES

Universités - Le nouveau doyen de la faculté de tourisme a déjà démissionné - La grève de l’UL se double d’une fronde - politique des ministres joumblattistes

Ceux qui espéraient voir les cours reprendre à l’Université libanaise dès hier, à la suite de la nomination – tant attendue – des nouveaux doyens en ont été pour leurs frais. Les professeurs à plein temps ont, en effet, décidé de poursuivre leur grève avec, cette fois, le soutien des ligues des étudiants qui ont été unanimes à appuyer des revendications qu’ils considèrent vitales pour la survie et le développement de leur université. À signaler aussi que plus d’une partie politique a pris position en faveur des professeurs qui entendent obtenir satisfaction au moins sur deux points : l’autonomie de l’université et l’augmentation du budget. Cette atmosphère de fronde au sein de l’université nationale a été aggravée au cours des dernières vingt-quatre heures par une contestation menée par plus d’une fraction politique en raison des circonstances dans lesquelles s’est faite la nomination des nouveaux doyens. Faisant écho au vice-Premier ministre, Issam Farès, qui s’était déjà élevé mardi contre la procédure décidée pour les nominations (aux postes de première catégorie), les ministres joumblattistes ont décidé hier de geler sine die leurs activités ministérielles ainsi que tous leurs rendez-vous pour protester contre ce qu’ils qualifient de «partage du gâteau». Dans les milieux proches du Parti socialiste progressiste, on indique que les trois ministres représentant M. Walid Joumblatt au sein du gouvernement – MM. Marwan Hamadé, Fouad el-Saad et Ghazi Aridi – ne reprendront leurs activités officielles qu’après avoir eu une franche explication avec le président Émile Lahoud et M. Rafic Hariri. Explicitant les griefs du bloc joumblattiste, les sources proches du PSP relèvent que le règlement du différend qui avait bloqué la nomination des nouveaux doyens au cours des derniers mois s’est manifesté par «une remise sur pied de la troïka du pouvoir» (le chef de l’État, le président de la Chambre et le Premier ministre). En clair, les milieux joumblattistes affirment que les nominations ont répondu aux seuls critères clientélistes des trois pôles du pouvoir, «ou même de certaines forces occultes qui télécommandent certaines prises de décision». Les sources proches du leader du PSP précisent à ce sujet que la fronde des ministres joumblattistes dépasse le cadre étroit de la désignation des doyens et a, surtout, pour but de couper court à toute velléité d’appliquer aux autres nominations aux postes de première catégorie le même principe de «partage du gâteau» qui a été appliqué pour les doyens. Reflétant d’une manière explicite ce point de vue, le député joumblattiste Akram Chehayeb a déclaré hier que «si ces nominations constituent un prélude, il s’agirait du glas des institutions et du principe de la compétence et de l’équité qui devrait prévaloir dans les nominations». «Ce n’est pas en suivant une telle politique que l’on pourra édifier et développer les institutions, a souligné M. Chehayeb. Dans ces désignations (des nouveaux doyens), on n’a pris en considération que le clientélisme et le partage du gâteau. Elles constituent un rude coup porté à l’université nationale, car l’intérêt de l’UL n’a pas été pris en considération». Dans la pratique, les contestataires affirment que le critère de la compétence et de la spécialisation n’a pas été respecté dans la nomination des doyens. Preuve en est, soulignent les milieux proches du PSP, que le seul doyen druze (sociologue de formation) a été nommé doyen de la faculté de tourisme (domaine qui lui est totalement étranger) alors qu’il était prévu au départ qu’il soit désigné doyen de la faculté des sciences sociales ou de la faculté d’information. Pour marquer sa désapprobation à ce sujet, le doyen druze Mohammed Chayya a présenté aussitôt sa démission. « Accouchement par césarienne » Au niveau du mouvement revendicatif, la Ligue des professeurs à plein temps de l’UL a publié hier un communiqué qualifiant la nomination des 13 nouveaux doyens, survenue mardi dernier, d’«accouchement par césarienne». La Ligue a maintenu sa grève déclenchée hier, «car ces nominations ne signifient pas la fin des différends qui nous opposent au gouvernement». Dans leur communiqué, les professeurs ont noté que «ces nominations ne respectent pas les équilibres au sein même de l’université car sur les 13 doyens nommés, 7 ont été choisis au sein de la faculté des lettres, 6 appartiennent à la faculté des sciences et le treizième appartient à la faculté de droit». «On retrouve ainsi un linguiste aux beaux-arts, et un physicien à la faculté des sciences économiques et de gestion, ce qui est en contradiction avec les valeurs académiques», ont fait remarquer les professeurs de l’UL. Si les professeurs de l’UL ont décidé de poursuivre leur grève, malgré la nomination des nouveaux doyens, c’est parce qu’ils entendent obtenir satisfaction sur d’autres chapitres, dont notamment l’autonomie de l’université et un budget plus important qui réponde aux besoins d’une masse d’étudiants estimée à 60 % des universitaires libanais. De par la loi, le conseil de l’université est maître de ses décisions : c’est lui qui propose les noms du recteur et des doyens, ratifie les contrats des professeurs et gère le budget qu’il élabore et qui lui a été toujours octroyé de façon presque automatique. Son indépendance était telle que son année budgétaire ne suivait pas le plan comptable national : il courait à partir du début septembre jusqu’à fin juillet. Administrativement, cette situation a commencé à se détériorer avec le début de la guerre. Pour pouvoir fonctionner, les recteurs successifs ont remplacé le conseil de l’université, qui n’existait plus, par l’autorité de tutelle des ministres. Financièrement, l’UL a perdu de son immunité. Avec le début des ministères Hariri, son budget était discuté à l’instar des autres administrations et il a été réduit de façon drastique. Elle a perdu le privilège d’avoir un budget réparti sur l’année universitaire. Actuellement, elle a un budget qui court, comme pour les autres services publics, à partir du 1er janvier. Les professeurs voudraient rétablir l’autonomie du conseil de l’université et ils sont conscients que la bataille sera rude et qu’elle risque d’être longue. Quant au volet financier, les professeurs souhaitent accroître le budget de 158 milliards à 200 milliards de LL car les dernières statistiques montrent que les étudiants de l’UL seront 90 000 pour l’année universitaire 2001/2002. Sur ces deux chapitres, comme sur l’ensemble des autres revendications, le gouvernement n’a pas encore engagé le moindre dialogue. Les loyalistes Il n’en demeure pas moins que certaines parties se sont déclarées favorables aux nominations des doyens. Tel est le cas (bien sûr...) du ministre de l’Enseignement supérieur Abdel-Rahim Mrad, de la présidente de la commission de l’Éducation Mme Bahia Hariri, et de M. Rachad Salamé, premier vice-président du parti Kataëb. Quant au chef du Législatif, Nabih Berry, il a souligné que ces désignations constituent «un premier pas vers l’autonomie de l’UL». Il a affirmé à ce propos qu’il n’y avait eu nullement «partage du gâteau» dans le choix des doyens. Le ministre de tutelle, M. Mrad, a qualifié, quant à lui, la nomination des doyens de «positive», car pour lui «seuls les critères académiques ont été pris en considération». Mme Hariri s’est, pour sa part, déclarée satisfaite «car ce dossier a été, enfin, clos dans les meilleures conditions». Et d’ajouter : «Maintenant, la balle se trouve dans le camp des nouveaux doyens. À eux de faire leur preuve, à savoir qu’il faudrait aussi que les professeurs réfléchissent aux intérêts de leurs étudiants et non à leurs seules revendications». Quant à M. Rachad Salamé, qui s’exprimait à l’issue d’une réunion de la Ligue maronite dont il est membre, il a souhaité voir «les autres nominations intervenir dans la même ambiance d’entente, ce qui ne peut qu’être bon pour le pays». Les contestataires Mais dans cette bataille, le clan des opposants reste prédominant. Le bloc des députés du Hezbollah a ainsi condamné les procédés suivis par le gouvernement et a estimé que «la politique des quotes-parts est nocive, car le clientélisme, déjà condamné en d’autres circonstances par le Conseil constitutionnel, prouve, si besoin est, que le gouvernement n’entend pas modifier sa politique». Les étudiants de l’UL ont par ailleurs tenu une assemblée générale pour appuyer les revendications de leurs professeurs, mais aussi pour «exiger la création d’une structure syndicale qui leur permette de réintégrer le conseil de l’université où ils ne sont plus présents depuis qu’ils ne parviennent plus à élire une instance représentant toutes les sections». Les étudiants ont décidé de mener une campagne de sensibilisation auprès des responsables «afin de les porter à regarder différemment l’Université libanaise, qui reste finalement le vivier de tous les meneurs d’opinion dans le pays» d’après les termes de leur communiqué. Pour le parti de M. Talal Arslan, «cette façon de faire du gouvernement est le signe que l’enseignement public reste le dernier de ses soucis». La section estudiantive du Bloc national s’est elle aussi élevée contre «la politique du chaos». «En fait, il ne s’agissait pas de nommer 13 doyens. Le gouvernement entendait mater une université qui cherche à recouvrer son autonomie», ont souligné les étudiants du Bloc national, qui ont affirmé en conclusion : «Notre parti va déployer tous ses efforts pour porter les autorités de tutelle à adopter de nouvelles législations qui ramènent la démocratie à l’université, seule mesure qui lui permettrait de se développer loin des tractations politiques».
Ceux qui espéraient voir les cours reprendre à l’Université libanaise dès hier, à la suite de la nomination – tant attendue – des nouveaux doyens en ont été pour leurs frais. Les professeurs à plein temps ont, en effet, décidé de poursuivre leur grève avec, cette fois, le soutien des ligues des étudiants qui ont été unanimes à appuyer des revendications qu’ils...