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Actualités - CHRONOLOGIES

La hantise turque : un « remake » de la guerre du Golfe

La Turquie a une hantise dans la lutte contre le terrorisme lancée par Washington : qu’elle finisse par frapper l’Irak voisin, la mettant en première ligne, avec un risque de déstabilisation de la région. Cette crainte a été attisée par l’annonce des États-Unis au Conseil de sécurité de l’Onu qu’ils pourraient entreprendre «d’autres actions» contre d’autres États après les bombardements contre l’Afghanistan. Le président turc Ahmet Necdet Sezer, interrogé hier sur les précautions prises éventuellement par la Turquie en cas d’attaque contre l’Irak, s’est borné à répondre que «pour l’instant, cette éventualité n’est pas discutée». Mais elle est présente dans tous les esprits depuis les attentats du 11 septembre aux États-Unis et faisait la une de la presse hier. Le Premier ministre Bulent Ecevit, dont le gouvernement s’est rangé aux côtés des États-Unis dans leur lutte, a souligné récemment que l’élargissement des fronts et des cibles serait «dangereux», remarque immédiatement interprétée comme une allusion à l’Irak. Les conséquences de la guerre du Golfe en 1991 vues de Turquie, ce fut d’abord un flot de milliers de réfugiés kurdes qui fuyaient l’Irak pour échapper aux représailles de Saddam Hussein, puis de lourdes pertes économiques liées à l’embargo de l’Onu contre Bagdad et enfin le spectre de la création d’un État kurde dans le nord de l’Irak qui pourrait stimuler le séparatisme kurde en Turquie. Dix ans après, les responsables tirent le bilan de la participation turque au conflit en brandissent le chiffre des pertes liées à l’embargo : 50 milliards de dollars, a récemment indiqué M. Sezer. La Turquie redoute d’autant plus les conséquences économiques d’un nouvel affrontement avec son voisin du sud-est qu’elle traverse depuis fin février une grave crise, alourdie par le ralentissement mondial après les attentats aux États-Unis. Autre crainte d’Ankara : la création d’un État kurde dans le nord de l’Irak, contrôlé par deux factions kurdes, ce qui donnerait le mauvais exemple aux Kurdes de Turquie. Or, la Turquie sort à peine de 15 ans de guerre contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui a lutté jusqu’en 1999 pour un État kurde dans le Sud-Est anatolien. Le fait que le nord de l’Irak échappe au contrôle de Bagdad aura pourtant eu un avantage pour Ankara : lui laisser les coudées franches pour y mener des incursions contre le PKK et y maintenir des troupes en permanence, aujourd’hui encore. Ankara entretient d’étroites relations avec la faction kurde qui contrôle le territoire à sa frontière, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK). L’autre faction, l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), a fait monter la pression en affirmant la semaine dernière que des islamistes proches d’Oussama Ben Laden étaient présents dans la région et avaient attaqué ses forces. Des informations prises avec des pincettes par Ankara, qui soupçonne les Kurdes irakiens «d’exagérer» pour pousser les États-Unis à intervenir. Le ministère des Affaires étrangères s’est empressé de souligner qu’il n’y avait «pas de preuve» d’un lien entre ces islamistes et Ben Laden. La Turquie s’est rapprochée ces dernières années de l’Irak, plaidant en faveur d’une levée de l’embargo et renouant des relations commerciales. Un exercice d’équilibrisme, puisque qu’elle accueille sur la base d’Incirlik (sud) les appareils américains et britanniques chargés de faire respecter l’interdiction de survol du nord de l’Irak à l’aviation irakienne et qui bombardent régulièrement ce territoire.
La Turquie a une hantise dans la lutte contre le terrorisme lancée par Washington : qu’elle finisse par frapper l’Irak voisin, la mettant en première ligne, avec un risque de déstabilisation de la région. Cette crainte a été attisée par l’annonce des États-Unis au Conseil de sécurité de l’Onu qu’ils pourraient entreprendre «d’autres actions» contre d’autres États après...