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Actualités - REPORTAGES

ÉDUCATION - Rentrée scolaire sur fond de crise socio-économique

Quelque peu éclipsée par les événements internationaux, la rentrée scolaire n’en reste pas moins le souci primordial des élèves, de leurs parents, des directeurs d’écoles, mais aussi des libraires, qui réalisent l’essentiel de leur chiffre d’affaires durant cette période. La crise économique aidant, équiper ses enfants est devenu, ces dernières années, un poids de plus en plus lourd pour les parents qui plient littéralement sous les dépenses. Et pour cause, l’achat des manuels scolaires, cartables, fournitures et uniformes d’écoles n’est pas chose aisée, surtout lorsque le budget est restreint et que certains n’ont pas encore terminé de payer les écolages des années précédentes. À titre indicatif, les dernières statistiques des scolarités impayées auprès des écoles catholiques, qui remontent à 1999, s’élèvent à 41 milliards de livres libanaises et le secrétariat des écoles catholiques a pris la décision de geler les scolarités de même que les augmentations de salaires des enseignants. À l’heure où la liste de manuels scolaires débute à 50 dollars dans les classes primaires et dépasse souvent les 300 dollars dans les classes secondaires, la débrouille semble être la solution adoptée par les familles à revenu moyen, alors que les plus aisés se limitent, eux aussi, au strict nécessaire. Une enquête de «L’Orient-Le Jour» auprès de libraires importateurs de manuels scolaires, de quelques parents d’élèves, de directeurs d’écoles ainsi qu’une entrevue avec Mgr Camille Zeidan, secrétaire général des écoles catholiques, tentera de clarifier les problèmes qui se posent au moment de la rentrée scolaire, mais aussi les tendances et comportements qui se dessinent dans un pays miné par la crise socio-économique. Les libraires prévoient un meilleur chiffre d’affaires I- La qualité se paie : le manuel français importé regagne le terrain perdu Après quelques années de vaches maigres, dues principalement à l’adoption par les établissements scolaires des nouveaux programmes libanais, le marché du livre scolaire importé, notamment le livre français, semble mieux se porter en cette rentrée 2001, alors que la saison bat son plein. On aurait pourtant tendance à croire qu’avec la crise économique, le livre importé serait rayé de la liste de bons nombres d’écoles au profit du manuel édité localement mais aussi du livre usagé. Mais selon les estimations de trois grands importateurs de manuels scolaires, les librairies Antoine, Orientale et La Phénicie, le marché du livre scolaire français se chiffre à l’heure actuelle à une moyenne de 20 à 25 millions de francs par an, représentant 50 à 60 % du marché global du livre français au Liban qui est lui de l’ordre de 50 millions de francs. Un marché qui n’est pas de tout repos, vu la libre concurrence mais aussi le manque de prévoyance de certains établissements scolaires. Le coût moyen d’une liste de livres scolaires est difficile à déterminer, vu la grande diversité des choix opérés par les établissements scolaires, leur adoption du seul programme libanais ou des deux programmes libanais et français, mais aussi à cause du nombre de livres qui diffère d’une classe à une autre. Le prix du livre scolaire étant fixe, une liste de manuels neufs peut ainsi varier de 50 dollars dans le primaire jusqu’à plus de 300 dollars dans le secondaire, notamment dans les grandes écoles, sans compter les dictionnaires et autres livres complémentaires. «Plus le pourcentage de livres importés est important, plus le ticket moyen d’une liste est élevé», note Sami Naufal, président-directeur général de la librairie Antoine, car, explique-t-il, « à classe égale, le livre importé est de 20 à 30 % plus cher que le livre local le plus cher, mais il est aussi généralement de qualité supérieure». Et d’ajouter que cette différence de prix ne constitue pas un frein dans les établissements scolaires «haut de gamme», qui préparent leurs élèves aux deux bacs mais aussi aux grandes écoles internationales. Expliquant que le livre local n’est pas uniquement né d’un souci d’économie mais pour répondre aux exigences du programme libanais qui diverge du système français, M. Naufal remarque que si «les grands thèmes sont les mêmes, c’est la façon de les aborder qui est différente». Cependant, ajoute-t-il, c’est l’introduction des nouveaux programmes scolaires, de pair avec l’émergence de l’édition locale en langue française, qui a provoqué une chute des ventes du livre français importé de 30 à 40 %, entre 1997 et 2000. Quant à la saison actuelle, «elle semble annonciatrice d’une légère reprise», conclut-il, ajoutant que les chiffres ne peuvent être connus avant la fin de la saison, autrement dit de la rentrée scolaire de tous les établissements. La pratique d’une langue étrangère, un défi pour certaines régions Tout en parlant de véritable panachage dans les listes de livres, entre local et importé, alors que certaines écoles optent pour le double cursus dans toutes les matières, le président-directeur général de la librairie Orientale, Maroun Nehmé, estime que les deux programmes libanais et français ne peuvent en aucun cas être comparés, que ce soit dans leur valeur éducative, culturelle ou même économique. «Nous ne pouvons en aucun cas comparer un livre de littérature française édité en France à un manuel édité localement». Et d’expliquer que la différence de prix est parfois minime, représentant moins de 20 %, entre les livres importés et les manuels locaux édités par le secteur privé. «Actuellement, ajoute-t-il, nous sommes moins pénalisés qu’il y a quelques années, car la parité entre le franc et le dollar est favorable au consommateur libanais». Quant à la crise économique, M. Nehmé affirme qu’elle ne joue aucun rôle dans le choix d’un cursus ou d’un autre, mais qu’elle a contribué à une désertion relative de l’école privée, notamment dans les régions périphériques, comme la Békaa et le Sud où un véritable exode vers l’école publique a été constaté et où la pratique d’une langue étrangère tient du défi. Le président-directeur général de La Phénicie, Adib Chouéri, remarque que la saison du livre scolaire importé s’annonce bonne en cette rentrée 2001, du moins jusqu’à présent, après avoir accusé une baisse de 35 % les deux dernières années. Baisse qui a permis aux importateurs, selon ses dires, de réajuster leur stock. Ainsi, reprend-il, «de nombreux établissements utilisent à nouveau le livre importé cette année, alors qu’ils avaient tenté de se limiter au livre local les années précédentes, par souci d’économie». M. Chouéri ajoute que ce dernier étant parfois aussi cher que le livre français, certaines écoles ont préféré réintégrer le livre importé dans leur politique éducative. Et d’expliquer que ce manuel, plus facile et plus accessible aux élèves, est généralement accompagné d’un guide pédagogique destiné à l’enseignant, guide précieux mais qui fait défaut dans le livre local. Chaque libraire évalue ses besoins en livres importés Par ailleurs, au moment de la rentrée scolaire et de l’affluence dans les librairies, les mêmes problèmes refont surface irrémédiablement chaque année. Certains titres sont introuvables, d’autres n’existent que chez un seul libraire, alors que les listes présentées par les établissements scolaires regorgent d’erreurs. Résignés, les parents d’élèves sont alors contraints de faire la navette entre plusieurs librairies, pour que la rentrée scolaire de leurs enfants se déroule dans les meilleures conditions possibles. Abordant les modalités de coordination entre les établissements scolaires et les librairies, Sami Naufal explique qu’il n’y a pas de véritable collaboration entre les cinq grands importateurs de manuels scolaires car le marché répond à la libre concurrence. En fait, celle-ci s’effectue entre importateurs et établissements scolaires. C’est ainsi que chaque libraire évalue sa part de marché en fonction de l’adoption par les écoles des titres dont il fait la promotion. «Nous connaissons le nombre d’écoles qui travaillent avec nous, ainsi que le nombre de classes et d’élèves dans chaque classe. Cela nous permet d’évaluer correctement nos besoins en livres importés, avec notamment une marge d’erreur de 10 %. De plus, nous ne commandons les livres que lorsqu’ils sont adoptés par les établissements scolaires avec lesquels nous travaillons», précise-t-il, ajoutant que de nombreux établissements scolaires présentent leurs listes trop tard, ne donnant pas le temps à l’importateur d’être prêt avant la rentrée scolaire. «C’est la raison pour laquelle les quantités ne sont pas toujours suffisantes durant la saison de vente du livre scolaire», conclut-il. Quelle moyenne annuelle pour les invendus ? «Certes, renchérit Maroun Nehmé, vice-président du syndicat des importateurs de livres scolaires, le marché est libre, mais les parts de marché sont bien établies et nous évaluons la demande et les quantités nécessaires durant la saison». Un marché qui n’est pas sans risques, selon ses propos, vu qu’il est uniquement basé sur des estimations suite à la promotion faite par les importateurs auprès des écoles et aux accords tacites entre eux. «Il nous arrive de nous retrouver avec un important stock de manuels invendus sur les bras, qui peut atteindre 20 % de nos commandes, selon la saison, explique-t-il, c’est la raison pour laquelle nous autres, importateurs, avons instauré la tabelle pour défendre nos droits, vu la trop petite marge de bénéfice». Le prix des livres scolaires étant fixe, la tabelle est une marge de bénéfice supplémentaire fixée au Liban à 10 % du prix du livre et qui permet aux importateurs de se protéger financièrement et de mieux supporter le poids de la promotion, des frais de transport, mais aussi des livres invendus. Invendus dont ils tentent de négocier le retour auprès des éditeurs pour éviter de garder un stock irrécupérable qu’il faudrait jeter ou détruire. «Inévitablement, 2 à 3 % des livres sont jetés chaque année, déplore Adib Chouéri, malgré les ententes que nous arrivons à réaliser avec les éditeurs français. Car la majorité des grands établissements scolaires libanais homologués par l’État français choisit ses listes en fonction des nouveaux programmes libanais et français. C’est la raison pour laquelle l’ancienne édition d’un manuel scolaire devient périmée dès que la nouvelle édition paraît». De plus, les libraires se doivent d’importer des quantités parfois supérieures à leurs prévisions pour éviter de se retrouver en rupture de stock. Malgré cette précaution, une importante quantité de titres manque à la veille de la rentrée. «Pour résoudre ce problème qui fait courir les parents et leur fait perdre un temps fou, nous encourageons les établissements scolaires à nous donner leurs listes dès le mois de juin. Listes dont nous vérifions ensemble l’exactitude», remarque-t-il. Et de déplorer le manque de coopération de certaines écoles qui ne remettent aux libraires leurs listes de livres qu’au mois de septembre alors que nombre d’établissements ne vérifient même pas l’exactitude des titres qu’ils demandent à leurs élèves. M. Chouéri ajoute cependant que le problème de rupture de stock se pose cette année avec plus d’acuité, suite au retard de livraison des marchandises du à l’ajournement des vols en provenance d’Europe après les attentats qui ont secoué les États-Unis. Cette année encore, même si certains élèves effectuent leur rentrée scolaire sans la totalité de leurs manuels, le livre importé est toujours de rigueur dans les grands établissements privés. Malgré la crise économique, le souci de qualité reste primordial.
Quelque peu éclipsée par les événements internationaux, la rentrée scolaire n’en reste pas moins le souci primordial des élèves, de leurs parents, des directeurs d’écoles, mais aussi des libraires, qui réalisent l’essentiel de leur chiffre d’affaires durant cette période. La crise économique aidant, équiper ses enfants est devenu, ces dernières années, un poids de...