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Actualités - REPORTAGES

ARCHÉOLOGIe - Le Levant, grand centre du commerce maritime - Les ports antiques, témoins du génie humain

Il est des noms de lieux dont la seule prononciation enflamme l’imagination. «Les ports antiques du Levant» figurent sur cette liste. Carrefours des civilisations, ces espaces étaient les points de rencontre entre les différentes populations. Les informations touchant l’aménagement des ports sont rares. On n’en trouve guère dans les textes et illustrations historiques, et les recherches archéologiques en sont encore à leur début dans ce domaine. Mais les premiers résultats illustrent parfaitement le génie des Anciens qui n’ont pas hésité à remblayer la mer pour «dompter» la houle. Le Levant désigne la frange Est de la Méditerranée allant du golfe d’Alexandrette jusqu’à la Turquie, englobant de la sorte toute la Phénicie dont les ports ont connu un grand éclat depuis l’âge du bronze jusqu’à l’époque romaine. Le commerce maritime était en fait très important et les noms des grandes cités figurent dans toutes les archives royales. L’importance de la navigation sur la côte levantine s’explique par les particularités géologiques de cette région. La côte rectiligne dans son ensemble est orientée sud-ouest, donc largement ouverte aux vents dominants. En plus, la bande rocheuse qui longe la mer et y plonge par endroits rend difficile la circulation par voie terrestre et, plus naturelle, celle par voie maritime. «D’ailleurs, la présence de multiples installations côtières à équidistance, plus ou moins une journée de navigation, atteste de l’importance du cabotage, souligne Jérémie Viret, doctorant à l’Université de Lyon II sur le thème des ports antiques. Certes, cela explique l’implantation humaine dans le moindre abri naturel, mais pour qu’une cité côtière connaisse un grand développement, il est nécessaire qu’elle soit reliée à l’intérieur du pays par des voies terrestres de communication». Pour l’aménagement d’un port au Levant, la forme naturelle des lieux est très importante. L’utilisation des presqu’îles et des promontoires rocheux, dont la masse protège les bassins, est largement attestée à Tripoli, Enfé, Byblos et Beyrouth. «Mais l’élément le plus caractéristique de la côte levantine est le cordon rocheux souvent rattaché aux rivages et qui forme des bancs de récifs et des îlots pouvant être utilisés comme port, explique M.Viret qui poursuit que «derrière le cordon rocheux se formaient des petites criques naturelles bien abritées qui servaient de bassins. Les bancs de récifs étaient parfois agrandis en maçonnerie afin d’assurer au port la meilleure protection». À Batroun et à Arouad, les restes des murs sont encore visibles alors qu’à Saïda le cordon rocheux a été détruit par les derniers remblaiements du littoral. Construire des ports Bien à l’abri des vents et des menaces des ennemis, les bateaux mouillaient dans le port. En ce qui concerne leur déchargement, certaines théories disent que les navires étaient tirés à sec ou échoués sur une plage de sable puis vidés de leurs marchandises. Une mosaïque découverte en Tunisie illustre cette scène de travail. Si ce procédé est valable pour les petits navires, il demeure inconcevable pour les grandes cargaisons dont le poids atteint des centaines de tonnes, et plusieurs références historiques témoignent de l’importance de la dimension de certains bateaux. D’ailleurs, ces navires ne pouvaient même pas s’approcher des rivages ni accoster dans les petits ports. «La présence d’ancre sur des récifs situés au large des ports a permis en fait aux chercheurs de fonder l’hypothèse de l’existence de quais de grands bateaux situés au large, en face des ports, souligne M.Viret qui explique que «pour vider ces gros navires, on mettait en place un système de navette à l’aide de petites barques, qui faisaient l’allée-retour entre le bateau et le mouillage». Mais ce type d’aménagement est trop tributaire de la configuration naturelle du port, c’est pourquoi les Anciens ont créé des protections entièrement artificielles. Il s’agit en fait de jetées maçonnées permettant de choisir la forme du bassin portuaire. Le premier exemple connu de cette jetée construite aurait été l’œuvre des Phéniciens de Tabet el-Hammam, au sud de Tartous en Syrie, au VIIIe siècle. Mais la chronologie de cette structure n’est pas encore établie avec certitude, et ce n’est qu’aux IVe et Ve siècles que ce type de construction s’est généralisé. «Ces jetées sont constituées de grands blocs de pierre disposés de façon à résister au mieux aux assauts des vagues et du vent, explique le chercheur se spécialisant dans les aménagements des ports antiques. Deux méthodes étaient utilisées pour assurer la cohésion des blocs de pierre face à la houle. La première consistait à disposer les blocs de pierre en boutisse : ils représentaient en façade leur plus petit côté, et la seconde méthode consistait à lier les blocs de pierre entre eux par des crampons de métal. Cette méthode a été retrouvée sur le quai d’époque perse du port de Beyrouth et celui d’époque romaine de Sarepta située au nord de Tyr», poursuit-il. Que reste-t-il au Liban aujourd’hui de ces prestigieuses installations centenaires ? Malheureusement, pas grand-chose. Le port de Tyr est situé sous l’actuel port des pêcheurs. Ses fonds marins sont un cimetière d’épave et servent de chantiers de fouilles clandestines aux plongeurs. Des centaines d’objets, complets, en céramique et en verre, sont vendus par les pêcheurs aux passants. Quant au port de Sarepta, il est en partie perdu sous le remblai en béton. Le port de Saïda est actuellement entièrement détruit par l’extension de la ville et le remblai du littoral par des blocs de béton. De toutes les anciennes installations portuaires à Saïda, il ne reste plus aujourd’hui que l’îlot. Les ports de Byblos et de Batroun sont les mieux conservés de nos jours, alors que celui de Enfé a subi de grands dégâts lors de la construction du port des pêcheurs. Les installations portuaires antiques sont en fait menacées par les projets d’agrandissement des ports actuels et les marinas qui poussent partout au Liban. Car les grandes jetées construites dans la grande bleue modifient le plan du littoral et constituent un barrage aux sédiments, dont l’accumulation change le tracé de la côte. La protection du littoral libanais des projets d’aménagement côtier assurera au pays non seulement la sauvegarde de son environnement marin et la conservation de son littoral mais aussi la préservation des vestiges de ports qui ont fait sa renommée tout au long des siècles passés.
Il est des noms de lieux dont la seule prononciation enflamme l’imagination. «Les ports antiques du Levant» figurent sur cette liste. Carrefours des civilisations, ces espaces étaient les points de rencontre entre les différentes populations. Les informations touchant l’aménagement des ports sont rares. On n’en trouve guère dans les textes et illustrations historiques, et...