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Actualités - REPORTAGES

Génocide – Le « Comité du 24 avril » célèbre sa « victoire française » - La reconnaissance des crimes par la Turquie : - « Une Bastille à prendre »

Aujourd’hui, la communauté arménienne commémore aux quatre coins du monde le génocide dont furent victimes un million 500 000 Arméniens au début du XXe siècle. Si la date du 24 avril est symbolique à plus d’un titre, elle n’en représente pas moins une occasion annuelle pour les Arméniens de faire le point sur les multiples actions entreprises dans leurs pays d’accueil respectifs, en vue de la reconnaissance du génocide par l’ensemble de la communauté internationale, objectif ultime visé par les différents regroupements et associations arméniens dans le monde. Jusqu’à ce jour, plusieurs États et institutions internationales – dont le Canada, la Belgique, la Suède, la Russie, l’Uruguay, le Parlement européen, etc. – ont déjà reconnu ce crime collectif. Toutefois, la reconnaissance du génocide par la France en janvier 2001 constitue, aux yeux de la diaspora arménienne, une victoire substantielle dans la défense de la cause communautaire. De passage au Liban pour quelques jours, Alexis Govciyan, président du Comité du 24 avril (regroupements des organisations arméniennes de France), relate les différentes étapes de cette revendication, en évoquant les efforts déployés «au niveau de l’arsenal juridique et législatif pour combattre le négationnisme», dans les pays européens et les États-Unis, et plus particulièrement en France. C’est, en somme, l’histoire d’une lutte singulière qui confirme une fois de plus, le pouvoir inouï généré par une solidarité communautaire exemplaire. «Tous ensemble», tel fut le slogan adopté par la communauté française d’origine arménienne lors de la campagne menée en France pour combattre le négationnisme et faire adopter la procédure législative de reconnaissance du génocide. Le vote «historique» des représentants du peuple français apparaît aujourd’hui d’autant plus crucial qu’il est le fruit d’un lutte difficile et de longue haleine, qui s’est achevée avec l’avènement du nouveau millénaire. Pour les Arméniens de France et du monde entier, le XXIe siècle «pouvait véritablement et effectivement commencer». Le vote unanime à l’Assemblée nationale pour la reconnaissance du génocide, après celui du Sénat, tient également son importance du fait qu’il émane d’un peuple qui reste, «fidèle à ses idées, à sa vocation, et à son histoire» souligne M. Govciyan. Il constitue un acte politique et «un message fort à la Turquie» qui refuse toujours de reconnaître son crime et adopte une attitude négationniste inacceptable pour la communauté arménienne. Une reconnaissance difficile Cette reconnaissance ne fut pourtant pas facile, explique Alexis Govciyan. Des raisons géopolitiques et géostratégiques ont en effet poussé la droite, incarnée par le président de la République, Jacques Chirac, à faire obstacle à une proposition de loi qui avait à l’origine émané du groupe socialiste et qui, pourtant avait été préalablement votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, en mai 1998. Il aura fallu plus de vingt-neuf mois après le premier vote par l’Assemblée nationale, pour que le Sénat s’empare de ce dossier. « Les motifs de ce retard tenaient à un blocage par le gouvernement ou bien par la présidence de la République, et en tout cas obéissant toujours à une même volonté de ménager la Turquie», commente M. Govciyan. À chaque fois, dit-il, des arguments de toutes sortes ont été trouvés pour éviter ce vote. «Comme par hasard, des raisons impérieuses, c’est à dire l’entrée en guerre au Kossovo, l’examen du projet de lois des finances, etc.. venaient empêcher l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat». Pour le président du Comité, le plus choquant, c’est que la droite avait décidé de bloquer le système. «La démocratie était en panne», dit-il. Pas pour très longtemps apparemment, puisque l’action de «déblocage» entreprise par le Comité, aura finalement raison des tergiversations de la droite. Côté arménien, c’est une véritable politique de dissuasion et de lobbying qui s’est alors mise en place. Plusieurs actions, telles que la manifestation du 24 avril 1999, de l’Assemblée nationale au Sénat, ou la marche de Lyon à Paris organisée par les regroupements arméniens de France, «ont marqué des avancées significatives et démontré que la mobilisation était réelle et l’esprit unitaire bien présent au sein de toutes les composantes de la communauté», soutient M. Govciyan. Cependant, l’action «la plus spectaculaire» aura été sans aucun doute la mise en place d’un stand d’information et de sensibilisation du public et des sénateurs, le 9 mars 2000, face au Sénat. «Des militants bénévoles ont tenu ce stand pendant 150 jours effectifs (...). Plus de 200 000 pétitions, préparées par le Comité du 24 avril de Marseille, adressées à Jacques Chirac, ont été signées». Distribution de tracts, de brochures, banderoles, tout était bon pour informer, sensibiliser, et motiver l’opinion publique. Dans ce cadre plusieurs milliers de personnes venant de toute la France se sont rassemblées le 11 mars, «pour rappeler aux Sénateurs qu’ils avaient un travail à faire» relate Alexis Govciyan. Si cette action a été déterminante pour infléchir la décision de nombreux récalcitrants au sein du Sénat, elle n’a pas été la seule. Ce qui a véritablement fait évoluer la droite, c’est certes, un ensemble d’initiatives concrètes. C’est surtout un esprit, celui d’une solidarité et d’une persévérance à toutes épreuves. Le 24 avril 2000, une manifestation de plus de 20 000 personnes, dont la moitié des jeunes, a fini par convaincre les politiques du sérieux de la revendication arménienne. Une autre s’ensuivit, pour rappeler que le général de Gaulle avait déjà dit «non» à l’occupant, poursuit M. Govciyan. «Lors de ce rassemblement, nous avons également rappelé que la résolution adoptée par le Parlement européen, sur instigation du Comité de défense de la cause arménienne, pose quatre préalables à l’entrée de la Turquie dans l’Union, dont la reconnaissance du génocide arménien». En luttant pour la reconnaissance du génocide, les Arméniens dans leur ensemble, ne visent pas seulement le respect de leur dignité. Ils visent aussi le respect universel du genre humain. D’où un ralliement général de l’ensemble des citoyens français, mais aussi, des intellectuels juifs et spécialistes internationaux de la Shoa. «Bien que la Shoa fut une horreur absolue dans la mécanique de destruction, les juifs surtout en France ont compris qu’il y avait eu un autre génocide. Et si celle-ci ( la Shoa) a eu lieu, c’est bien parce qu’il y avait eu auparavant le génocide arménien. Si cette question avait été réglée et le crime puni, Hitler n’aurait pas commis ce qu’il a commis», soutient M. Govciyan. La position américaine Cette position ne reflète pas celle des juifs américains, qui restent dépendants de la «raison d’État». «C’est plus compliqué aux États-Unis», qui sont un allié stratégique de la Turquie, celle-ci, étant à son tour liée à Israël par des intérêts de même type, dit-il. Malgré cela, les organisations arméniennes en Amérique ont réussi à convaincre les représentants du peuple américain de la nécessité de voter la reconnaissance du génocide. Bien qu’une forte majorité en faveur de ce vote s’est dégagée au sein du Congrès, le texte de loi a été retiré à la suite de l’intervention personnelle de Bill Clinton, qui avait alors invoqué la sécurité des Américains, rappelle le président du Comité du 24 avril. En réalité le président américain avait réagi à la suite de «l’attitude quasi hystérique» de la Turquie, précise M. Govciyan. Mais l’action ne s’est pas arrêtée. Les grandes organisations arméniennes, secondées par les Eglises, se sont rassemblées pour poursuivre la lutte. «Il faudrait que les Américains comprennent un jour que les 500 000 Arméniens aux États-Unis sont légitimement en droit de demander réparation». Pour la communauté arménienne, un long chemin reste encore à parcourir. Si la reconnaissance par la France constitue une étape importante, il reste beaucoup de choses à faire, et le travail est loin d’être achevé. «L’enseignement du génocide arménien ainsi que tout ce qui a trait à l’Arménien, à sa culture, à son histoire et aussi surtout à son actualité, est un dossier majeur à concrétiser» dit-il. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que la communauté arménienne a choisi la Bastille comme lieu de rencontre lors de cette journée mémorable du 24 avril. «Les jeunes retournent (aujourd’hui) sur cette place symbolique pour réclamer la reconnaissance par la Turquie du génocide arménien. Pour nous, c’est une Bastille à prendre».
Aujourd’hui, la communauté arménienne commémore aux quatre coins du monde le génocide dont furent victimes un million 500 000 Arméniens au début du XXe siècle. Si la date du 24 avril est symbolique à plus d’un titre, elle n’en représente pas moins une occasion annuelle pour les Arméniens de faire le point sur les multiples actions entreprises dans leurs pays d’accueil...