Actualités - OPINIONS
Par MALLAT Chibli, le 06 avril 2001 à 00h00
Bien plus qu’à la plupart de ses politiciens tonitruants, ce pays doit faire attention à la trame discrète de ses hommes et ses femmes exceptionnels qui l’ont protégé, soutenu et perpétué dans ses heures les plus difficiles. La dame qui nous a quittés faisait partie de ces personnages qui ont sous-tendu l’honnêteté contre l’infâme aux moments les plus délicats de notre longue guerre. Nous savons ce que représente l’Université Saint-Joseph de nos jours : le courage et l’excellence qu’elle projette ont transcendé nos murs nationaux. Mais l’Université Saint-Joseph n’aurait pas perduré sans ses dirigeants méconnus qui, au plus noir des combats, avaient soutenu son existence. Parmi ces soldats du savoir, il en est beaucoup dont le souvenir s’accroche à notre université, et bien des pères jésuites ont perdu leur vie, certains pour avoir refusé de se plier à la logique sectaire, d’autres pour avoir tenu à rester auprès de leurs lieux de prière au cœur de la ville, au cœur donc de ces combats interminables et insensés. Dans cette élite peu connue d’hommes et de femmes qui sont restés aux barricades non armées du savoir, les juristes formés à la faculté de droit de l’Université Saint-Joseph doivent beaucoup à Méliné Topakian. Ce savoir, «Madame le doyen», première doyenne des facultés de droit en Orient, en savait l’unique valeur. Son doctorat, sur le droit intercommunautaire de la famille, avait été salué par Émile Tyan. De ses nombreux articles et chroniques, une analyse de la vente en droit comparé publiée il y a un quart de siècle demeure une référence obligée en la matière. Ces dernières années, Méliné est devenue plus distante à la matière, un peu désabusée par l’effondrement dans la chose publique parmi les dirigeants du pays, en qui elle ne pouvait se reconnaître, elle qui avait présidé à la perpétuation de ce lieu unique de la tradition juridique dans le monde, au plus noir du roulis des canons. La métaphore est littérale, nos examens avaient lieu souvent sur ce fond incertain et inquiétant de coups sourds. En nul autre lieu dans le monde, la tenue, sinon les standards d’examens impeccables n’auraient résisté. Dans un monde dominé par la milice, la moindre hésitation aurait résonné comme un appel à l’investissement de nos classes par l’infâme, dont les tentatives étaient nombreuses. Cet exemple de courage, de détermination et de charme persuasif lorsqu’il était nécessaire, Méliné Topakian, dans le monde si important du savoir juridique, au creux même de la vague qui avait anéanti l’État de droit au Liban, l’avait assumé, silencieusement, discrètement, avec efficacité. Madame le doyen nous quitte aujourd’hui dans un halo amer de charme discret et persuasif. Elle a résisté longtemps à la maladie, en silence et avec dignité. Puissent nos étudiants savoir, comme nous le savons, nous autres heureux étudiants de Méliné Topakian, que ce pays lui doit une grande part de résistance héroïque et efficace à l’infâme. Chibli MALLAT Titulaire de la chaire de droit européen à l’USJ
Bien plus qu’à la plupart de ses politiciens tonitruants, ce pays doit faire attention à la trame discrète de ses hommes et ses femmes exceptionnels qui l’ont protégé, soutenu et perpétué dans ses heures les plus difficiles. La dame qui nous a quittés faisait partie de ces personnages qui ont sous-tendu l’honnêteté contre l’infâme aux moments les plus délicats de notre longue guerre. Nous savons ce que représente l’Université Saint-Joseph de nos jours : le courage et l’excellence qu’elle projette ont transcendé nos murs nationaux. Mais l’Université Saint-Joseph n’aurait pas perduré sans ses dirigeants méconnus qui, au plus noir des combats, avaient soutenu son existence. Parmi ces soldats du savoir, il en est beaucoup dont le souvenir s’accroche à notre université, et bien des pères jésuites ont...
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